Vous le souhaitez et vous êtes convaincu de son intérêt, cela, nous l'avons bien compris, mais vous n'êtes pas sûr, avez-vous dit, que ce projet se réalise.
M. Longuet nous a expliqué qu'une participation de 34 % de l'État dans le capital n'empêchait absolument pas une OPA hostile. Donc, là aussi, vos arguments sur le seuil de 34 % étaient très convaincants... On a bien compris que tout cela ne correspondait pas tout à fait à ce que vous nous disiez.
On ne sait pas s'il y aura un grand groupe industriel Suez-GDF ; ce dont on est parfaitement sûr, c'est que vous entendez privatiser GDF.
Le sous-amendement de M. Mercier traduit évidemment, au-delà de ses attendus, une préoccupation que nous partageons, qui est de garder la possibilité d'une maîtrise publique sur le secteur de l'énergie.
Comme le montre, entre autres, le rapport Marini, la majorité du capital de l'ensemble Suez-Gaz de France sera flottante, ce qui, par conséquent, induit le risque d'une OPA hostile - c'est ce qu'a dit M. Longuet - qui pourrait, par exemple, être menée par un autre opérateur gazier européen. Dans la mesure où l'on ne sait pas si le projet va voir le jour, GDF peut, par la suite, se retrouver privatisé.
Cet opérateur pourrait être la Shell, par exemple, dont les intérêts ont été largement défendus par la commissaire européenne Nellie Kroes. S'il y a des questions qu'on ne pose pas à la Commission européenne - par exemple, sur une fusion EDF-GDF -, en revanche, on lui en pose d'autres, et elle répond qu'elle défend les intérêts de la Shell.
Pourquoi pas Enel, qui risque fort de se porter acquéreur des actifs cédés au terme de l'affaire ? Pourquoi pas Gazprom, fournisseur en devenir de l'Europe de l'Ouest et qui vient de signer un important contrat avec la République d'Ukraine, sous des conditions qui laissent transparaître la possibilité d'un accroissement sensible de la trésorerie disponible pour mener des raids boursiers à l'étranger ?
Dans ces conditions, chers collègues de la majorité, maintenir à 51 % la part du capital de Gaz de France détenue par l'État est sans doute une garantie minimale pour éviter que ce texte ne conduise, en définitive, à nous priver de l'outil indispensable de maîtrise de notre politique énergétique.
Nous en avons des exemples.
Depuis que MM. Chirac et Balladur - l'exemple date un peu, mais il reste valable - ont privatisé Pechiney, que s'est-il passé ? Pechiney s'est retrouvé absorbé au bout du compte par son principal concurrent, Alcan Toyo.
Que s'est-il passé à la suite de la privatisation du secteur aéronautique, notamment après la constitution d'EADS ? Je ne reviens pas sur le résultat actuel qui conduit le gouvernement fédéral allemand à venir au secours du groupe Daimler, à la suite des mésaventures d'Airbus.
Que s'est-il passé après la privatisation du secteur de la sidérurgie ? Je passe sur les pathétiques gesticulations qu'il vous a fallu faire, monsieur le ministre, pour intervenir dans l'affaire de l'offre publique d'achat de Mittal Steel sur Arcelor, mouvement qui ne s'est manifestement pas interrompu, malgré l'adoption de votre projet de loi sur les OPA... On pourrait en parler parce que, en l'espèce, on sait quel a été le résultat de ces gesticulations phénoménales : l'OPA de Mittal !