Intervention de Jean-Marie Vanlerenberghe

Commission des affaires sociales — Réunion du 1er juillet 2015 à 10h12
Situation des finances sociales en vue du débat sur l'orientation sur les finances publiques — Communication

Photo de Jean-Marie VanlerenbergheJean-Marie Vanlerenberghe :

Avec notre collègue Jean-Noël Cardoux, président de la Mecss, j'ai assisté, le 8 juin dernier, à la réunion de la Commission des comptes de la sécurité sociale, événement qui, comme vous le savez, tient lieu de bilan pour la loi de financement de la sécurité sociale de l'année écoulée.

Nous avons assisté à un bel exercice de satisfecit collectif que je résumerais ainsi : le déficit de la sécurité sociale se réduit. Moins important que prévu, il ne sera bientôt plus un problème. Il est sans commune mesure avec celui de l'État, et d'ailleurs, dans la crise, il est normal que les dépenses sociales progressent.

Je voudrais tempérer ce satisfecit par quelques remarques préliminaires.

Sur la forme tout d'abord.

Même s'il est une mine d'informations tout à fait précieuses, le rapport à la Commission des comptes de juin ne répond en rien aux standards nécessaires au contrôle de l'exécution de la loi de financement. Il ne se présente pas dans les mêmes formes que les tableaux annexés à la LFSS et vous n'y trouverez pratiquement rien sur les régimes obligatoires de base. La réunion de la commission en elle-même est une grand-messe qui a peut-être un jour représenté un progrès mais qui demande aujourd'hui à être modernisée. Entre la situation actuelle et une loi de règlement des finances sociales, comme l'a suggéré la Cour des comptes, il semble que de grandes marges de progrès existent en termes d'information du Parlement. En application des textes européens, notre pays doit en principe publier des données infra-annuelles sur les comptes des administrations sociales ; nous n'y sommes pas encore.

Sur le fond, ensuite.

La dette des comptes sociaux, faut-il le rappeler, est bien une anomalie : elle consiste à faire porter le poids de dépenses courantes sur les générations à venir, générations qui- rappelons-le- auront pour leur part connu une situation de l'emploi beaucoup moins favorable. Si nous n'y prenons pas garde, c'est l'adhésion même à un système de solidarité si patiemment édifié qui est menacée. Nous en voyons désormais la trace dans les sondages pour la troisième année consécutive : à la question, posée par la Drees depuis 2009, « la protection sociale est-elle un frein pour sortir de la crise économique actuelle ou bien atténue-t-elle ses conséquences ? », une majorité réagit désormais de façon négative.

Deuxième point, le déficit de la sécurité sociale est structurel. Il a été aggravé par la crise mais il préexistait à la crise : nos comptes sociaux n'ont pas été équilibrés depuis 2002. Ne comptons pas sur la reprise pour régler cette question. Rappelons également que la grande majorité des recettes de la protection sociale est encore assise sur les revenus du travail et les prélèvements pèsent in fine sur le niveau de l'emploi.

Où en sommes-nous ? Quelques éléments sur les administrations de sécurité sociale (ASSO) qui, comme vous le savez, correspondent au périmètre de nos engagements européens.

En 2014, les ASSO ont bénéficié de 13,4 milliards d'euros de prélèvements obligatoires supplémentaires dont 5 milliards au titre de mesures nouvelles. Elles sont ainsi responsables de la quasi-totalité de l'augmentation des prélèvements (qui diminuent pour le compte de l'État). Le déficit est de 8,5 milliards d'euros. Il s'est réduit de 600 millions d'euros. En proportion de notre richesse nationale, il est identique (0,4 % PIB comme en 2013).

A grands traits : le déficit du régime général et des régimes obligatoires de base se réduit modestement mais les autres régimes d'assurance sociale ont des résultats plus dégradés. Les négociations Agirc-Arcco marquent le pas et celles sur la convention Unédic sont attendues pour 2016. Je rappelle que le gouvernement a comptabilisé 4 milliards d'euros d'économies sur ces deux régimes à l'horizon 2017 sur les 21 milliards attendus du périmètre social.

Dans ces conditions, il me semble bienvenu de reprendre la recommandation de la Cour des comptes d'une loi de financement de la protection sociale obligatoire. Les critères de Maastricht et le fait que le Gouvernement intègre l'assurance-chômage et les régimes de retraite complémentaire dans sa prospective nous y amènent très naturellement.

Une précision utile dans ce cadre : hors Cades et fonds de réserve des retraites, dont les missions obéissent à une temporalité différente, le besoin de financement des administrations de sécurité sociale est de 18,8 milliards d'euros.

J'en viens au régime général de la sécurité sociale.

Le scénario 2014 est assez conforme à celui des années précédentes : une augmentation massive des recettes (+ 3 %, 9 milliards d'euros), une croissance des dépenses (+ 2,2 %) et une réduction modeste des déficits (2,2 milliards d'euros) par rapport à 2013.

J'évoquerai rapidement les différents risques.

Le déficit de l'assurance-retraite se réduit grâce aux augmentations de cotisations dont a bénéficié la branche. La loi de 2010 commence à porter ses fruits mais, en nombre de départs à la retraite, ses effets sont totalement compensés par l'assouplissement du dispositif « carrières longues » qui représente un quart des départs en retraite en 2014 pour un montant de 2 milliards d'euros.

Le Fonds de solidarité vieillesse, dont la mission est de financer les avantages non-contributifs du régime d'assurance retraite, avec un déficit de 3,5 milliards d'euros est un réel sujet d'inquiétude. Le FSV finance une grande partie de ses charges par de l'endettement.

Nous devons réellement nous interroger sur ce modèle qui conduit davantage à masquer le déficit de notre système de retraite qu'à financer séparément ses éléments de solidarité. La prime exceptionnelle destinée aux retraités modestes, qui avait vocation à compenser l'absence de revalorisation des pensions, a été intégralement financée par du déficit (232 millions d'euros). Rétrospectivement, la faiblesse de l'inflation ne justifiait pas une revalorisation.

Pour ce qui concerne l'assurance maladie, l'Ondam a certes été tenu pour la quatrième année consécutive mais les dépenses ont progressé de 4,2 milliards d'euros et de 2,4 % par rapport à 2013, soit le même niveau que les années précédentes. Une explication à cela : l'Ondam 2013 a été surestimé lors de la préparation de la LFSS 2014 et, dans ces conditions, il était plus facile de respecter l'objectif de dépenses.

Trois postes de dépenses ont particulièrement augmenté :

- le médicament, en raison des anti-VHC ;

- les indemnités journalières, malgré une « petite épidémie de grippe » ;

- les honoraires médicaux, en raison des nouveaux modes de rémunération.

Au total, la tenue de l'Ondam doit beaucoup aux mesures de régulation mises en oeuvre sur l'hôpital avec des annulations de crédit et le maintien de gels de dotation.

Le déficit de l'assurance maladie s'établit à 6,5 milliards d'euros, ce qui semble désormais être son « régime de croisière ». Il ne baisse que de 265 millions d'euros par rapport à 2013.

Un mot de la branche AT-MP dont l'excédent se consolide à 691 millions d'euros. Là encore, l'effet « recettes » est significatif : + 3,8 % en 2014.

J'en terminerai avec la branche famille dont le solde s'améliore de 500 millions d'euros par rapport à 2013. Les prestations ont connu une croissance plus modérée et 2014 amorce le tournant que nous avons observé lors du dernier PLFSS dans l'évolution de la politique familiale qui privilégie désormais la redistribution entre les familles à la solidarité envers les familles de la part de l'ensemble de la population. En 2014, la dépense globale liée à la prestation d'accueil du jeune enfant décroit pour la première fois depuis sa création tandis que prennent effet les premières mesures du plan pauvreté.

Pour résumer la situation de chacune des branches, je dirais que la branche maladie semble durablement installée dans le déficit, que la question des retraites, en particulier du financement de ses dispositifs de solidarité (FSV) est encore posée et que la branche famille ne réduit ses déficits qu'au prix d'une remise en cause partielle de ses principes fondateurs.

Tous ces éléments nous fournissent une base incertaine pour l'exécution 2015.

Comme vous le savez, le programme de stabilité transmis à la Commission européenne en avril dernier fixe une nouvelle trajectoire de solde des comptes publics.

Le Gouvernement a pris acte du moindre rendement des mesures de non-revalorisation en raison de la faible inflation, ce qui nécessite un effort supplémentaire de 4 milliards d'euros, dont 1 milliard sur le champ social.

L'Ondam a été revu à 181,9 milliards d'euros, soit 425 millions d'euros de moins. Cette correction reprend de fait la sous-exécution de l'Ondam en 2014 et ménage une augmentation de 4 milliards d'euros des dépenses de santé.

En dehors de l'impact de l'inflation, nous n'avons pas encore de précisions sur le degré de réalisation des économies prévues en 2015 et sur lesquels j'avais exprimé quelques réserves.

A l'heure où la croissance semble reprendre, l'effort de retour à l'équilibre des comptes sociaux se trouvera peut-être facilité.

Il conviendra alors de résister aux dépenses nouvelles qui ne manqueront pas d'être toutes plus justifiées les unes que les autres et garder le cap d'une protection sociale modernisée qui ne pénalise pas l'emploi.

Les réformes structurelles sont largement devant nous : des retraites prenant en compte l'allongement de la durée de vie et l'impératif d'équité entre salariés et entre générations, un système de santé plus efficient, soucieux de la réelle pertinence des actes et une politique familiale qui permette d'investir dans les générations nouvelles.

Voici, mes chers collègues, les éléments que je souhaitais souligner ce matin, pour un premier exercice d'examen de l'exécution de la loi de financement de la sécurité sociale dont les outils et les méthodes sont encore largement à construire. Je souhaite que nous puissions y travailler ensemble.

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