Intervention de Elisabeth Borne

Commission d'enquête coût économique et financier de la pollution de l'air — Réunion du 28 mai 2015 : 1ère réunion
Audition de Mme élisabeth Borne présidente directrice-générale de Mme Sophie Mazoue responsable de l'entité « ressources environnementales » et de M. Xavier Léty délégué général en charge du contrat stif de la ratp de Mm. Christian duBost directeur délégué au développement durable et jacques peynot directeur délégué des gares transiliennes de la sncf

Elisabeth Borne, Présidente de la Régie autonome des transports parisiens (RATP) :

La RATP est un acteur majeur du transport urbain, et donc de l'Ile-de-France. Elle a ainsi transporté 11 millions de voyageurs par jour en 2013. Par comparaison avec les moyens individuels carbonés de transport, l'utilisation du réseau RATP permet d'éviter, chaque année, l'émission de 2,7 millions de tonnes équivalent CO2. Même les bus, aujourd'hui majoritairement diesel, ont un effet favorable comparativement à la voiture, soit deux fois mois d'émissions de CO2 par voyageur et par km, du fait du remplissage, et donc d'une mutualisation des moyens carbonés : sur le réseau bus RATP, l'occupation moyenne est de 17 voyageurs dans un bus standard, alors que le taux moyen d'occupation constaté des véhicules particuliers en Ile de France est de 1,3 voyageur / véhicule.

L'activité de la RATP induit un très faible impact sur la pollution de l'air : en Ile-de-France, selon les données d'AirParif, les bus et cars représentent 6 % des émissions de NOx, 0,75 % des émissions de PM10 et 1,3 % des émissions de gaz à effet de serre ; ces chiffres incluant aussi les cars de tourisme, et s'agissant des bus, le parc de la RATP représente la moitié de tous les bus qui sont en exploitation.

Et le réseau RATP a pour ambition de fortement progresser sur le sujet de la pollution en mobilisant beaucoup de moyens : à la fois des moyens d'expertise, mais aussi des moyens financiers, avec le soutien du Syndicat des transports de l'Ile-de-France (Stif), notre autorité organisatrice, avec lequel nous avons un contrat pluriannuel qui comporte un volet investissement tout à fait considérable. Si la situation de la qualité de l'air en général constitue une préoccupation constante, celle des infrastructures sous-terraines retient toute notre attention.

S'agissant des investissements, le premier axe de progrès concerne les réseaux de surface. Dans le cadre du contrat avec le Stif, la RATP conduit de vastes projets de renouvellement de ses équipements et matériels, pour les rendre plus efficaces d'un point de vue économique et aussi énergétique.

D'une part, s'agissant du bus, le parc actuel RATP est constitué d'environ 4500 autobus en exploitation. Si plus de 55 % du parc sont déjà conformes aux normes Euro 5 ou plus, les matériels Euro 2 auront disparu du parc fin 2016. Tous les matériels aux normes Euros 2 et Euro 3 encore en service sont par ailleurs équipés de filtres à particules, qui permettent de réduire de l'ordre de 90 % les émissions. La RATP s'est engagée à transformer complètement son parc de bus en 10 ans, avec un plan BUS 2025 qui vise à réaliser la transition énergétique du parc d'autobus vers des solutions électrique et Bio-GNV. Le Stif et la RATP ont ainsi convenu de lancer une première expérimentation d'autobus standards électriques pour un budget de 10 millions d'euros. Dans ce cadre, un marché a été passé entre la RATP et Bluebus, filiale à 100 % du Groupe Bolloré, pour la livraison d'autobus électriques et systèmes de recharge associés. La réception du premier véhicule est envisagée vers la fin de cette année. Cette amélioration du réseau de bus est accompagnée de la poursuite de la dotation des tramways qui permet de remplacer des véhicules polluants par des matériels électriques performants.

D'autre part, le renouvellement des matériels du métro et du RER se poursuit. Les nouveaux matériels présentent également la caractéristique de recourir davantage, voire exclusivement, au freinage électrique, et non plus mécanique, ce qui entraîne une usure moindre des roues se traduisant par l'allongement des durées de vie des roues et la réduction des émissions de particules

L'amélioration de la qualité de l'air, en souterrain, implique celle de la ventilation. En effet, les ventilateurs servent à l'évacuation des fumées en cas d'incident incendie mais ils sont également des outils d'amélioration de la qualité de l'air. En fonction de leur emplacement et de leur débit, ils peuvent faire baisser le taux de particules de 30 à 60 %. Ces questions font l'objet d'un suivi attentif depuis une vingtaine d'années. Ainsi, la RATP possède trois stations équipées d'un dispositif d'expertise pour la mesure de l'air en souterrain : Auber, Châtelet et Franklin Roosevelt. Ces mesures concernent des paramètres tels que l'humidité, la température, les taux de CO2, NOx et de particules.

Ces stations sont de véritables laboratoires. Et leurs résultats sont mis en ligne : il y a une parfaite transparence sur cette information et les données fournies sont reprises par AirParif. La ventilation est améliorée : avec des nouveaux équipements, ou la modernisation des équipements existants. Dans le cadre d'un plan qui a été lancé en 2004 et qui s'étend jusqu'en 2016, 95 millions d'euros vont être investis.

À ce stade, 17 créations et 65 renforcements ont été réalisés ; 46 opérations de renouvellement sont en cours. Une telle démarche doit prendre en compte, à la fois, la situation des personnels, et celle des riverains, qui peuvent être exposés aux rejets de la pollution souterraine extraite.

Au-delà des moyens d'investissements, la lutte contre la pollution peut mobiliser des moyens de fonctionnement, à l'instar des mesures de gratuité de transports lors d'un pic de pollution. En cas d'alerte pollution, la gratuité des transports peut être décidée par les pouvoirs publics. Elle peut aller de pair avec la mise en place de la circulation alternée, comme en 2014 et 2015. Cette gratuité concerne les voyageurs « occasionnels », c'est-à-dire ceux qui utilisent un ticket et non un « passe Navigo ». Les mesures tarifaires en cas d'alerte à la pollution sont détaillées dans le contrat entre le Stif et la RATP. Cette gratuité reste à la charge de l'autorité organisatrice et représente un montant journalier, selon qu'on est un dimanche ou un jour de semaine, compris entre 1,4 et 2,6 millions d'euros.

Ces mesures sont destinées à améliorer la qualité de l'air et donc la santé des voyageurs, mais aussi des 13.500 agents de la RATP qui travaillent en permanence dans ces réseaux souterrains. Ainsi, entre 2000 et 2013, plusieurs avis et rapports visant à améliorer la qualité de l'air dans les enceintes ferroviaires souterraines et approfondir les connaissances sur ce sujet ont été rendus par le Conseil supérieur d'hygiène publique de France et le Haut conseil de la santé publique. Dans ce contexte et à la demande de ses ministères de tutelle en charge de la Santé, de l'Environnement et du Travail, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) a engagé en 2012 des travaux visant à produire un état des connaissances sur différents aspects de ce problème, à savoir la pollution, la toxicité des polluants, l'exposition des travailleurs et les risques associés, ainsi que les politiques de gestion. L'Anses devrait également conduire une évaluation des risques sanitaires chez les travailleurs, si celle-ci s'avère réalisable, et fournir des propositions d'axes de recherches et de pistes de gestion. L'Anses devrait ainsi rendre un avis portant sur la qualité de l'air et les effets sanitaires inhérents à l'été 2015. La RATP s'est naturellement associée à ces travaux et a fourni à cette agence l'ensemble de ses données disponibles afin d'alimenter son expertise.

J'ajouterai un dernier mot sur le cadre réglementaire. La seule référence actuellement en vigueur est l'article R.4222-10 du code du travail qui prévoit que les concentrations moyennes en poussières totales et alvéolaires de l'atmosphère inhalées par un travailleur, qui sont évaluées sur une période de huit heures, ne doivent pas dépasser respectivement 10 et 5 milligrammes par mètre cube d'air. Ces valeurs limites d'exposition professionnelle sont respectées sur le réseau. Concernant l'exposition des voyageurs dans nos souterrains, aucun texte réglementaire n'est applicable, il n'existe pas en conséquence de référentiel adapté.

Enfin, je rappellerai qu'en 2002, une saisine de l'Institut de veille sanitaire (INVS) a permis, via une première convention de partenariat, d'étudier le statut vital de 70.000 personnes ayant travaillé à la RATP entre 1980 et 1999. Cette étude avait conclu à une sous-mortalité globale par rapport à la population de l'Ile-de-France.

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