Intervention de Guy Fischer

Réunion du 24 octobre 2006 à 22h00
Secteur de l'énergie — Article 10

Photo de Guy FischerGuy Fischer :

L'article 10 réduit la part de l'État dans le capital de Gaz de France et autorise la privatisation de l'entreprise.

Nous pensons que cette politique est irresponsable car l'asservissement des secteurs de l'électricité et du gaz au libre-échange, et donc à la rentabilité à court terme, place de fait les pouvoirs publics dans l'incapacité de répondre aux enjeux énergétiques.

En effet, comment penser que les entreprises privées et la loi du marché peuvent prendre en compte ces impératifs, puisque leur principal objectif est l'augmentation des marges pour les actionnaires ? Ce qui prime pour les actionnaires, ce sont les dividendes : ils veulent du cash ! Quand ils investissent dans une entreprise, ils veulent que cela leur rapporte à la fin de l'année, sinon ils reprennent leurs fonds pour les placer ailleurs !

Quand des millions d'euros menacent d'être retirés par un fonds d'investissement, un fonds de pension ou une banque importante, il est clair que la direction de l'entreprise est à l'écoute, non pas des intérêts du pays où elle est installée, mais des exigences de l'actionnaire !

Par le biais de nos amendements, nous souhaitions renforcer la maîtrise publique et sociale de GDF.

Il est courant d'entendre, tant dans des bouches savantes que dans des conversations informelles, que le débat autour du régime de propriété des biens est dépassé. Dans notre hémicycle, cette idée est particulièrement en vogue depuis plusieurs jours.

Savoir qui possède les entreprises et les capitaux répondrait à une préoccupation de nos ancêtres des xixe et xxe siècles - on nous a même traités de « ringards » - mais, en ce siècle nouveau, nous nous serions rendus à l'évidence du marché, nous concentrant maintenant sur les « vraies » questions, celles de l'organisation et de l'adaptation à ce marché !

Nous nous serions adaptés à la réalité et aurions cessé de nous perdre dans des utopies irréalisables. Ainsi, les problématiques de fond du débat politique actuel auraient trait à la transparence et à l'édifice de règles élaborées pour réglementer, voire réguler les différents marchés. L'ouverture du capital des entreprises publiques ne serait plus une question taboue.

Cette conception n'est pas la nôtre. Nous affirmons, au contraire, que le régime de la propriété est toujours une question de fond - nous en rediscuterons dans les mois ou les années à venir -, d'autant que le marché capitaliste tend à s'attaquer aux secteurs les plus vitaux et les plus rentables de notre économie : l'énergie, mais aussi la santé, comme en témoigne l'offensive des compagnies d'assurance contre le « monopole » de la sécurité sociale, ou encore l'éducation.

La propriété reste un pouvoir sur les choses et sur les autres êtres humains. Être détenteur, c'est aussi être décideur et, plus on possède, plus on pèse dans les décisions.

La transformation de Gaz de France en entreprise privée implique qu'une poignée d'actionnaires et de dirigeants d'entreprises négocieront désormais les prix du kilowattheure ou du mètre cube de gaz, prendront les décisions d'investissement, orienteront la politique de recherche et de sécurité dans le secteur crucial qu'est le gaz. Ils seront responsables de la qualité du service rendu aux usagers. Or nous ne croyons pas à l'altruisme des actionnaires, de M. Albert Frère, à leur souci de défendre l'intérêt général.

Au contraire, le désengagement de l'État dans ce domaine, c'est la perte de la maîtrise publique des prix, le recul des investissements de sécurité et de la recherche. La question du régime de propriété n'a donc pas perdu son importance.

Les forces libérales l'ont d'ailleurs bien compris, puisqu'elles continuent de faire la chasse aux entreprises publiques et à la propriété publique. En défendant une maîtrise publique de l'énergie, nous posons la question suivante : qui doit décider de l'avenir du secteur énergétique en France et gérer les outils que sont EDF et GDF ?

Bien entendu, nous voterons contre l'article 10.

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