Je vous quitterai à midi car le Président de la République réunit les présidents des commissions parlementaires pour présenter les conclusions du Conseil de défense qui s'est tenu ce matin après les révélations par Wikileaks de l'écoute par la NSA des autorités françaises.
Je me limiterai à quelques observations générales sur l'actualisation de la loi de programmation militaire (LPM), avant de laisser la parole aux rapporteurs délégués, qui ont collectivement accompli un travail très important, de grande qualité, avec une expertise reconnue.
Les raisons qui nous poussent, au bout de dix-huit mois, à actualiser la douzième loi de programmation, couvrant la période 2014-2019, sont connues.
Les crises extérieures se sont accentuées : Daech est devenue une menace très sérieuse pour notre sécurité ; les « menaces de la force » ont fait leur retour, en Ukraine notamment, avec l'annexion de la Crimée et les actes de guerre dans le Donbass, que peine à contenir l'édifice de « Minsk 2 » créé par le dialogue de Normandie. Enfin, la menace intérieure, que le Livre blanc de 2013 avait pressentie, a pris dramatiquement corps avec les attentats de janvier.
Les « paris » engagés en 2013 se sont réalisés -ou pas- : en positif, avec l'exportation du Rafale, en négatif avec l'absence de produits de cession des fréquences hertziennes qui conduit aujourd'hui le gouvernement à budgétiser les ressources de la défense.
Revenons sur notre rôle : dès 2013, notre commission avait, par un amendement de tous ses rapporteurs en charge de la défense, introduit à l'article 3 la clause de sauvegarde, selon laquelle, en cas de défaut de recettes exceptionnelles (REX), des crédits budgétaires ou autres abonderaient les ressources de la défense pour permettre la réalisation de la programmation. Le Conseil de défense du 29 avril en a ainsi décidé.
De plus, notre contrôle sur pièces et sur place à Bercy le 12 mars sur « les sociétés de projet ou les solutions alternatives », notre débat du 2 avril au Sénat, préparant l'actualisation, ont été des catalyseurs de bonnes décisions. À force de crier qu'il manquait 3 milliards d'euros à la défense, nous avons fini par les obtenir, même si les sociétés de projet ont épouvanté Bercy. Nous sommes heureux des conclusions du Conseil de défense et des bons arbitrages du président de la République, chef des armées. Néanmoins, notre commission ne pourra accepter à l'avenir qu'un grand ministère puisse les contester durablement : nous serons vigilants.
Ce texte est satisfaisant à plus d'un titre : d'abord, il inverse la tendance. Pour la première fois depuis des années, la mobilisation budgétaire repart à la hausse. Ensuite, il fixe des priorités que nous partageons : la protection du territoire national, la cyberdéfense, le renseignement, l'aéromobilité, l'attention portée à l'entraînement, le rôle citoyen des armées, l'accent mis sur la réserve.
Pourtant, notre optimisme est loin d'être béat, car nous devrons attendre le collectif de fin d'année pour mettre en place les crédits budgétaires qui, pour l'instant, sont largement virtuels. Ainsi, la DGA va devoir dépenser 2 milliards d'euros entre le 30 et le 31 décembre ! Le collectif budgétaire devra être examiné le plus tôt possible.
Évidemment, comme avec la précédente LPM, tout se jouera dans l'exécution. Heureusement, nous avons voté en 2013 un « kit de pouvoirs de contrôle » qui se révèle bien utile pour évaluer la mise en oeuvre.
Les REX (immobilier et vente de matériel) qui demeurent à hauteur de 930 millions d'euros, ce qui est très important, nous préoccupent également. D'où des clauses de sauvegarde que nos rapporteurs nous présenteront pour faire appel aux crédits budgétaires.
Le calendrier nous incite également à la vigilance : même si 3,8 milliards d'euros supplémentaires sont annoncés, ce qui est une bonne nouvelle, rien n'est prévu pour 2015 et la majeure partie de l'effort serait fourni en 2018 et 2019.
Au-delà de l'aspect financier, nous mesurons la situation opérationnelle de nos armées, et les tensions sur l'armée de l'air et la marine en particulier, dont les engagements au-delà de leurs contrats opérationnels. Nous nous interrogeons sur les capacités du terrain à s'adapter à ces nouvelles situations et nous resterons vigilants.
J'ai des réserves à l'égard du texte de l'Assemblée sur les associations professionnelles. Nous en avons déjà parlé ici : nous nous trouvons dans une impasse juridique à la suite des décisions de la CEDH et les solutions qui s'offrent à nous ne sont pas forcément satisfaisantes. Le gouvernement avait présenté un texte a minima : je vous propose d'en revenir à sa version qui semble la plus raisonnable.
Le travail que nous avons effectué nous conduit à soutenir ce projet d'actualisation de la LPM, cette mobilisation en faveur de la défense, qui concerne à la fois notre capacité militaire, mais aussi l'excellence de l'industrie française et notre économie. Nous approuvons cette nette inflexion budgétaire, mais nous resterons vigilants car nous savons qu'une victoire sur Bercy n'est jamais définitive : chaque budget annuel est prétexte à une remise en cause, ce qui implique une mobilisation sans faille. C'est pourquoi nous proposerons des clauses de sauvegarde, afin que chacun prenne ses responsabilités.
La parole est maintenant à nos rapporteurs experts.