J'aborderai, avec Xavier Pintat, le volet capacitaire de la LPM.
Même si les équilibres fondamentaux ne sont pas bouleversés, cette actualisation apporte divers ajustements importants : amélioration du maintien en conditions opérationnelles (MCO) ; confirmation de commandes et de livraisons supplémentaires. Nous en restons au Livre blanc de 2013 et l'objectif du modèle d'armée retenu à l'horizon 2020, 2025 pour la marine, demeure inchangé.
Le calendrier des programmes d'armement prévus est bien respecté. En particulier, les programmes à effet majeur « Scorpion » pour l'armée de terre et « MRTT » pour l'armée de l'air ont été lancés à l'automne dernier, de même que, début 2015, la réalisation du système de renseignement par satellite « CERES ». Aucun retard n'est à signaler, au-delà de légers glissements, d'ordre technique. L'indisponibilité périodique pour entretien et réparation (IPER) du porte-avions Charles de Gaulle est prolongée de quelques mois, à cause de nécessités industrielles, et la livraison du premier sous-marin nucléaire d'attaque (SNA) Barracuda construit à Cherbourg sera également décalée de quelques mois, pour la raison technique que nous avait exposée l'amiral Rogel. Nous resterons cependant vigilants sur le calendrier de la LPM.
Cette actualisation répond aux nouveaux enjeux stratégiques et aux besoins de sécurité accrus. Outre la cyberdéfense - pour laquelle est prévu, notamment, le recrutement d'un millier de civils et militaires d'active supplémentaires -, la mise à jour capacitaire vise d'abord le renseignement, avec les objectifs en matière de satellites et de drones qu'évoquera M. Xavier Pintat. Outre le domaine aérien, sur lequel je reviendrai, l'effort concerne les forces terrestres, avec l'accélération de la régénération du parc des 800 véhicules blindés légers (VBL) affectés aux opérations extérieures et qui vont être rapatriés. En opération, ces véhicules vieillissent beaucoup plus vite que prévu : il faut donc les remettre à niveau.
Le format de marine à quinze frégates de premier rang, complétées par des frégates de taille intermédiaire de 4 000 tonnes, plus faciles à exporter, sera maintenu. En outre, ce projet de loi confirme l'achat d'un quatrième bâtiment multi-missions (B2M) et l'acquisition patrimoniale de quatre bâtiments de soutien et d'assistance hauturiers (BSAH), pour les territoires et les départements d'outre-mer.
Depuis notre rapport sur les forces spéciales, nous sommes particulièrement attentifs à leur situation : elles bénéficieront de l'acquisition d'un parc de jumelles de vision nocturne haute performance (16 000 euros pièce), indispensables puisque leurs interventions ont lieu surtout la nuit ; 25 véhicules de patrouilles lourds seront rapidement livrés et certains avions de transport C130-H (Hercules) disponibles à l'escadron Poitou bénéficieront enfin d'un armement offensif, afin de soutenir au sol les opérateurs parachutés.
J'en reviens donc à l'aérien, dont la programmation fait l'objet d'une actualisation substantielle car nous devons pouvoir apporter du matériel et des troupes au loin. Le général Bosser et le général de Villiers nous ont présenté ces brigades aéromobiles.
Les hélicoptères tiennent une place essentielle dans les Opex, mais les appareils sont très sollicités. D'où l'acquisition de sept hélicoptères Tigre supplémentaires, qui seront livrés à l'armée de terre en 2017 et 2018. Il s'agit d'aboutir à un parc de 67 Tigre fin 2019, au standard HAD (hélicoptère appui-destruction), contre 60 selon la LPM initiale. Les 39 Tigre actuels seront progressivement portés à ce standard. Hier soir, nous en avons débattu avec des représentants d'Airbus Helicopters : plutôt que de rénover et de transformer des HAP (hélicoptère appui-protection) en HAD, nous préférons obtenir sept hélicoptères neufs tout de suite et repousser de deux ans la transformation des hélicoptères actuels. Les forces y sont très favorables.
Est également prévue la livraison de six hélicoptères supplémentaires NH90 (dits Caïmans) de version TTH (transport tactique), qui remplaceront progressivement les hélicoptères Puma de l'armée de terre dont la flotte est âgée d'une quarantaine d'années. La livraison de 44 appareils est désormais attendue, d'ici 2019, contre 38 dans la LPM initiale. Le montant prévisionnel de cette commande s'élève à 260 millions d'euros.
Ces renforts, néanmoins, ne présenteront d'intérêt réel que s'ils sont accompagnés d'un effort de maintenance du parc d'hélicoptères existant. Pour l'heure, le taux de disponibilité des Tigre demeure très faible : sur un parc d'exploitation opérationnelle de 35 appareils, 12 seulement sont disponibles. À l'attrition rapide en opérations, s'ajoutent des difficultés techniques des chaînes d'approvisionnement en pièces de rechange, dont les délais de livraison sont longs et, surtout, le vice originel, que nous avions dénoncé à l'époque, de n'avoir acquis que 20 lots de rechange, c'est-à-dire de pièces détachées, pour une commande de 40 Tigre. Très rapidement, l'armée de terre n'a pu faire voler que 20 d'entre eux.
Un plan de réorganisation générale du maintien en condition opérationnelle de ces appareils est engagé, afin d'obtenir des lots de pièces détachées supplémentaires, notamment pour les hélicoptères en opération. Ce plan nous permettra de contractualiser avec les industriels un nouveau pacte de responsabilité, le premier ayant été mal conçu. Enfin, les armées ne disposent plus de maintenanciers en nombre suffisant pour entretenir les hélicoptères. D'où le recrutement de 135 postes supplémentaires d'ici à 2019.
L'actualisation concerne, en deuxième lieu, l'aviation de combat. Je ne reviens pas sur l'exportation du Rafale. Nos inquiétudes sur les livraisons ont été levées et un accord est intervenu afin d'honorer les commandes prévues dans la LPM. La prévision initiale en volume sera maintenue et nous disposerons donc bien d'un second escadron de Rafale nucléaires avant 2018, afin de remplacer les Mirage 2001 d'Istres, sachant que ces Rafale dits nucléaires pourront mener des missions conventionnelles.
Il est aussi prévu d'acquérir 25 nacelles supplémentaires de désignation laser de nouvelle génération, dites TALIOS (Targeting Long range Identification Optronic System) pour les avions Rafale et Mirage 2000. Cette prévision s'ajoute à celle de 20 pods déjà prévus en 2013.
En troisième lieu, l'actualisation concerne le transport aérien. Le rapport annexé à la LPM est modifié afin de mentionner que « sera étudiée » la mise à disposition, d'ici à 2019, d'une capacité de quatre avions C 130 supplémentaires, dont deux équipés pour ravitailler en vol les hélicoptères. Nous manquons en effet d'allonge et nos hélicoptères sont forcés de s'arrêter en cours pour se ravitailler dans le désert. Il s'agit de répondre à la tension apparue, depuis 2013, sur la capacité de projection aérienne tactique. Les quelques Transall C160 qui nous restent sont peu disponibles et coûtent cher en entretien. La montée en puissance de l'A400M, dont le septième appareil a été livré dimanche dernier, répondra, mais avec retard, à nos demandes. Nous allons donc demander aux Américains de nous vendre soit quatre C130H d'occasion, soit des C130J neufs, disposant d'un système de ravitaillement pour les hélicoptères.
Nous avons anticipé la commande des trois derniers avions ravitailleurs de la flotte, passant de neuf à douze MRTT (Multi Role Tanker Transport) prévus. Lors de la LPM en 2013, j'avais présenté un amendement prévoyant cet effort supplémentaire mais il avait été rejeté. Nous avons besoin de ces appareils pour remplacer les C135 qui ont en moyenne une cinquantaine d'années. Ils sont nécessaires pour notre force aérienne stratégique mais aussi pour toute intervention de l'armée de l'air : deux MRTT seront donc livrés plus tôt.