Le projet de loi révise les cibles de déflations d'effectifs prévues par la LPM, afin de tenir compte du nouveau contexte sécuritaire et des besoins qu'il implique. Sur ces 18 750 déflations évitées, 13 400 serviraient à renforcer la mission de protection, afin de pérenniser l'opération Sentinelle, qui déploie en permanence de 7 000 hommes sur le territoire, et de protéger les installations militaires (mission Cuirasse). De plus, 900 postes bénéficieraient au renseignement et à la lutte informatique et 950 à d'autres missions comme le soutien à l'exportation. Il faut noter qu'environ 3 500 « moindres déflations » correspondraient à des déflations non réalisables, c'est-à-dire pour lesquelles le ministère de la défense ne parvient pas à identifier les postes à supprimer. Au total, 95 % de l'allègement des déflations bénéficiera aux forces armées.
En dépit de cette révision, la « manoeuvre » ressources humaines (RH) se poursuit. Le premier enjeu de la programmation à cet égard consiste à obtenir un flux de départs suffisant. Plusieurs mesures ont ainsi été prévues dans la LPM en 2013 pour encourager les militaires à quitter l'institution : le pécule modulable d'incitation au départ, la pension afférente au grade supérieur (PAGS), la promotion fonctionnelle et la disponibilité rénovée. Ce projet de loi abaisse de cinq à deux ans la condition d'ancienneté de grade pour pouvoir bénéficier la PAGS. Pour la promotion fonctionnelle, le texte fixe une condition unique de durée de service de 15 ans pour tous les militaires, alors qu'elle est actuellement de 27 ans pour les officiers et de 17 ans pour les sous-officiers.
Le projet assouplit les dispositifs d'accès des militaires à la fonction publique, en facilitant notamment l'accès des militaires aux concours internes.
Si les aides au départ contribuent à la réalisation des déflations, elles sont aussi un moyen de modifier la pyramide des âges. Cet objectif demeure en effet, même s'il n'est plus chiffré comme dans la LPM initiale. Il s'agit d'un « dépyramidage » infra-catégoriel, visant, à l'intérieur d'une catégorie d'emploi, principalement celle des officiers, les grades supérieurs.
J'en arrive aux associations professionnelles de militaires. Par deux arrêts du 2 octobre 2014, la France a fait l'objet d'une double condamnation de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) en raison de l'interdiction faite aux militaires de créer et d'adhérer à des groupements ayant pour but la défense de leurs intérêts professionnels. M. Bernard Pêcheur nous a présenté le rapport qu'il a rendu au Président de la République en décembre et ce projet de loi s'en inspire étroitement. Il s'efforce d'abord d'assurer la conformité de notre législation avec la jurisprudence de la Cour de Strasbourg. Certes, il y a d'anciennes et fortes raisons pour justifier l'interdiction des syndicats dans l'armée, comme la sauvegarde de la nécessaire libre disposition de la force armée, récemment évoquée par le Conseil constitutionnel. Toutefois, si la France refusait cette mise en conformité, elle subirait condamnation sur condamnation, ce qui n'est pas envisageable. Le projet de loi crée un nouveau régime juridique, celui des associations professionnelles nationales de militaires (APNM). Ces organismes ne jouiront pas de tous les droits des syndicats au sens classique, d'autant que la CEDH ne nous y oblige pas. Ces associations seront dotées d'un certain nombre de prérogatives de base : droit d'ester en justice et de se porter partie civile dans certains cas et, pour les associations reconnues représentatives selon des critères de respect de la loi et de nombre d'adhérents, droit de participer au dialogue organisé, au niveau national, par les ministres de la défense et de l'intérieur, ainsi que par les autorités militaires, sur les questions générales intéressant la condition militaire.
Le projet de loi a prévu des garanties assez sérieuses pour éviter une dérive de ces associations. D'abord, le droit de grève et le droit d'organiser des manifestations publiques ne sont pas reconnus. Ensuite, l'activité des associations devra rester dans le champ de la « condition militaire » définie par l'article 5, de manière à exclure les questions d'organisation et, bien entendu, tout ce qui touche aux opérations. De même, le droit d'ester en justice exclut expressément les mesures d'organisation. Enfin, les associations seront dissoutes par le juge, à la demande de l'administration, en cas de non-respect des règles fixées par la loi.