Intervention de Madame Anne Courrèges

Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques — Réunion du 6 mai 2015 : 1ère réunion
Audition de Mme Anne Courrèges directrice générale de l'agence de la biomédecine et du dr karim laouabdia directeur général adjoint chargé de la politique médicale et scientifique

Madame Anne Courrèges, directrice générale de l'Agence de la biomédecine :

Merci, monsieur le Président. Avec le Dr Karim Laouabdia, nous sommes très honorés d'être reçus par vous. Les relations entre l'ABM et l'OPECST sont étroites et, je le crois, empreintes de confiance. L'Agence veille à apporter son concours et son expertise à l'Office. Vous pourrez continuer à compter sur nous en toutes circonstances.

Je vais vous présenter le bilan d'activité de l'Agence de la biomédecine pour 2013 mais aussi, bien entendu, des éclairages sur les activités pour 2014.

Je souhaite également saluer le travail de Mme Emmanuelle Prada-Bordenave et de Mme Mauricette Michalet, présidente du conseil d'administration de l'Agence. L'Agence a repris en 2004 les attributions de l'Établissement français des greffes, créé en 1994, pour le prélèvement d'organes, de tissus et de cellules. En 2006, le Registre France Greffe de Moelle (RFGM) qui avait été créé par le professeur Jean Dausset a rejoint l'Agence qui s'est vue conférer au cours du temps de nouvelles compétences en matière de génétique et d'embryologie humaine. Elle est compétente en matière de recherche sur les cellules souches et les embryons et l'OPECST a été à l'initiative de nouvelles attributions confiées à l'Agence dans le domaine des neurosciences, en particulier dans la loi de 2011. À nouveau, dans le projet de loi sur la santé, nous seraient confiées des missions de biovigilance en matière de cellules et de lait maternel. Nous intervenons dans des domaines très sensibles et d'une très grande technicité.

Pour remplir ses missions, l'Agence emploie environ 270 personnes auxquelles il faut associer les 800 experts qui apportent leur concours quasi quotidien et les associations de patients et de promotion des différents dons qui sont très actives. Notre budget s'élève à un peu plus de 80 millions d'euros dont la moitié au titre du rôle d'intermédiation pour le RFGM, dans le cadre d'un subventionnement à un tiers par l'État et deux tiers par l'assurance-maladie. Depuis 2011, comme tous les opérateurs de l'État, l'Agence est astreinte à une contrainte d'efficience. Un contrat d'objectif et de performance a été signé en 2012 pour la période 2012-2015. Le conseil d'administration vient d'approuver un avenant pour que ce contrat soit prolongé d'un an, ce qui permettrait d'aligner sa durée sur celle des plans « greffes » et « procréation biologie génétique humaine ».

Dans le domaine de la greffe d'organes, un effort important a été accompli en 2013 avec une augmentation des prélèvements de 2,4 % et une augmentation des greffes d'organes qui s'établissent à 5 123 greffes, soit 100 greffes de plus qu'en 2012. Pour 2014, la progression est encore plus nette avec 5 357 greffes soit une progression de 4,5 %. Au début des années 2000, nous nous situions autour de 3 200 greffes. Une attention particulière a été portée aux greffes rénales. En effet, le traitement de substitution, la dialyse, est particulièrement lourde pour les patients et représente un surcoût de l'ordre de un à sept par rapport à la greffe. En 2013, l'augmentation avait été de 1 % avec 3 074 greffes mais, en 2014, la progression atteint 5 % avec 3 232 opérations. Face à la pénurie à laquelle il n'est pas question de se résigner, l'un des axes de travail a porté sur les dons réalisés par des donneurs vivants comme l'a demandé le législateur en 2011. Nous avons lancé une première campagne de communication grand public en 2013. Alors qu'il y avait eu 220 greffes de cette sorte en 2009, la barre des 400 a été franchie en 2013 puis celle des 500 en 2014 avec 514 greffes, soit + 28 % en un an et un doublement en cinq ans. Aujourd'hui, celles-ci représentent 16 % des greffes de rein avec un objectif de 20 % pour fin 2016 qui semble à notre portée.

Le don croisé, porté par la loi bioéthique de 2011, offre la situation où des paires de donneurs-receveurs sont incompatibles pour certaines mais compatibles pour d'autres. C'est un problème d'appariement. Nous en sommes au tout début de ce programme lancé en 2014. Nous avons signé une convention avec la Suisse qui a une grande expérience dans ce domaine afin de faire des progrès.

La greffe sur personne décédée demeure la principale source de greffons. Notre attention a privilégié les machines à perfusion afin de pouvoir impliquer des donneurs à critères élargis (plus âgés) en luttant contre les effets délétères de l'ischémie. Notre population de donneurs est en effet vieillissante et c'est un grand enjeu pour nous.

L'OPECST avait beaucoup oeuvré pour définir ce qui est appelé le programme « Maastricht-3 » qui recouvre les donneurs décédés après arrêt de leurs thérapeutiques actives lors de leur fin de vie définie par la loi Leonetti. Vos auditions de février 2013 ont donné une impulsion décisive à ce programme. Vous aviez mandaté l'agence pour qu'elle rédige un protocole encadrant ces prélèvements. Nous l'avons fait en 2013 et 2014 en posant un principe d'étanchéité totale entre les opérations liées à la fin de vie et celles associées aux dons d'organes pour qu'aucune suspicion d'accélération de la fin de vie ne soit concevable. Ce principe est nécessaire pour défendre l'exigence absolue de confiance sans laquelle le don d'organes pourrait s'effondrer. Une convention a été signée avec le centre hospitalier d'Annecy, très motivé, en décembre 2014. Nous ferons dès que possible une évaluation de l'application de ce protocole. Deux autres conventions ont été signées avec la Pitié-Salpêtrière et le CHU de Nantes.

Nous avons aussi effectué un travail qualitatif en 2013 et 2014 avec l'élaboration d'un nouveau « score » pour le rein, soit une liste de critères permettant d'affecter les greffons disponibles aux équipes demandeuses. Depuis février 2015, nous mettons en oeuvre le « score 1 » qui est national et permet de pratiquer un meilleur appariement en âge pour les donneurs et les receveurs au profit des jeunes receveurs et, également, une meilleure répartition territoriale des greffons disponibles.

Nous avons aussi obtenu, en 2013, une certification par le bureau Veritas pour notre mission d'attribution des greffons, ce qui est important en termes de reconnaissance du travail des équipes mais aussi parce qu'il est nécessaire d'augmenter toujours la confiance dans le système.

Du côté des greffes de tissus, il faut souligner que les greffes de cornée continuent à progresser avec un niveau d'autosuffisance mais fragile. Les marges de progrès sont plus élevées pour la peau et les artères. En général, nous devons remédier à un déficit de communication et de connaissance du public en matière de greffes de tissus.

Pour les greffes de cellules, j'ai le plaisir de vous dire que les objectifs qui nous avaient été fixés sont atteints ou en passe de l'être. En ce qui concerne le sang de cordon, 8 000 unités supplémentaires ont été constituées dans le cadre du « plan cancer 2 » en 2013, ce qui a permis de dépasser l'objectif de 30 000 unités de sang placentaire en stock. L'objectif est de développer ce stock et de le diversifier qualitativement. Nous allons bénéficier de la constitution d'une ligne tarifaire incitative pour les maternités préleveuses avec une cible de 2 000 unités supplémentaires.

Pour ce qui est des donneurs volontaires de moelle osseuse, il a été enregistré 20 000 nouvelles inscriptions de donneurs en 2013 et notre objectif de 240 000 donneurs devrait être atteint dès la fin du mois, ce qui offre une chance supplémentaire de guérison à des patients atteints de maladies graves du sang.

J'en viens maintenant à la procréation. Le législateur nous avait confié, en 2011, une évaluation de l'activité des centres d'assistance médicale à la procréation (AMP). Nous les avons tous évalués en 2013 à partir de données agrégées par centre. En 2015, nous allons affiner en suivant les données tentative par tentative. La démarche est bien acceptée par les centres car nous contextualisons notre évaluation en tenant compte des caractéristiques de la patientèle. De plus, nous nous inscrivons dans une démarche d'accompagnement d'amélioration continue.

Nous nous penchons aussi sur la pénurie de dons d'ovocytes. Un rapport de l'IGAS de 2011 a constitué la trame d'actions importantes, comme l'augmentation du nombre de centres autorisés, l'amélioration des financements et la communication auprès du public sur le don de gamètes avec, bientôt, une campagne radiophonique.

L'activité progresse avec 323 dons d'ovocytes en 2009 mais ce nombre a augmenté et, en 2012, il se situait à 422 et, en 2013, à 456. L'objectif d'autosuffisance se situe à 900. La préservation de la fertilité importe également pour les patients atteints de cancers d'autant qu'il y a désormais une vie après le cancer avec la possibilité d'une fertilité. Dans le cadre du « plan cancer 3 », l'ABM a été désignée pour piloter une action de préservation de la fertilité.

En ce qui concerne les diagnostics prénataux et la génétique, 2013 a été marquée par l'élaboration de règles de bonnes pratiques en particulier dans le cadre de l'élaboration du décret sur l'information de la parentèle. Nous avons ouvert, en septembre 2014, un site d'information grand public sur la génétique. Il s'agissait notamment d'informer sur les ventes de tests génétiques via Internet, qui nous préoccupent.

Quant à la recherche sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires, l'événement fut la loi de 2013 qui a transformé le régime d'interdiction sous dérogations en un régime d'autorisation encadrée. Cette modification n'a pas entraîné de changements majeurs. Les activités en question sont d'une technicité qui les réserve à un petit nombre d'équipes et, par ailleurs, elles s'inscrivent dans la durée. Beaucoup de projets couvrent des périodes pluriannuelles. Certains en arrivent à un stade clinique, comme c'est le cas de la recherche du Pr Ménasché sur l'insuffisance cardiaque.

Enfin, pour les neurosciences, l'Agence a constitué un comité de pilotage et réalise un rapport annuel sur un sujet particulier. En 2013, ce fut le traitement pharmacologique de l'autisme. En 2014, ce sera la correction du handicap par des instruments pilotés par le cerveau, sujet connu dans le grand public sous la dénomination de « l'homme amélioré ».

À la fin du mois de mai, nous organiserons les quatrièmes journées de l'agence avec tous nos partenaires. Ce sera le dixième anniversaire de l'Agence et nous traiterons d'un thème cher à l'OPECST, la médecine personnalisée et vous êtes tous les bienvenus.

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