Intervention de Bruno Retailleau

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 8 juillet 2015 à 9h00
Deuxième dividende numérique et poursuite de la modernisation de la télévision numérique terrestre — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Bruno RetailleauBruno Retailleau :

Nous ne faisons pas une question politique de cette proposition de loi. Je félicite notre rapporteure d'avoir défriché un terrain très aride mais où poussent à foison les acronymes, qui sont autant d'obstacles à la compréhension de qui n'est pas averti. Mais sous ces dehors techniques, le sujet, au fond, ne l'est pas. La plate-forme TNT est la pointe de diamant qui donne voix à la diversité culturelle et à la création audiovisuelle et cinématographique. Y toucher serait saper le socle de la création en France.

L'autre question, nécessairement chère au Sénat, haut conseil des territoires, est celle de la couverture du territoire. Pourquoi sortir cet objectif de la loi, à l'heure ou nos concitoyens se sentent trop souvent abandonnés de la République ?

Se pose, enfin, une question de justice. Lorsque l'on a basculé de l'analogique vers le numérique, on a obligé un certain nombre de foyers à acheter des paraboles. On ne peut pas, aujourd'hui, les laisser sans réponse.

Si le sujet n'est pas technique, il ne mérite pas non plus de devenir un enjeu de politique politicienne. Je suis le sujet depuis 2007, moment de la bascule vers la télévision du futur. Le mobile du texte qui nous est soumis remonte à un peu plus d'un an, quand le Gouvernement recherchait des recettes exceptionnelles pour la défense - après avoir heureusement renoncé à l'idée des sociétés de projet, qui étaient, à notre sens, des machines à fabriquer de la dette, dessaisissant de surcroît le Parlement de son pouvoir de contrôle. Mais ce mobile n'existe plus, puisque le Gouvernement nous soumet un projet de loi actualisant la programmation militaire, dans lequel il a réexaminé les besoins de la défense et rendu ses arbitrages.

Cela étant, ce n'est pas moi qui vous dirai que l'on n'a pas besoin de la ressource, au service de la mobilité, ainsi que l'a rappelé M. Assouline, et alors que se multiplient les objets connectés et que le trafic double tous les dix-huit mois. Mais les opérateurs en ont-ils besoin à échéance si précipitée ? Hormis Free, qui a fait le choix de ne pas acheter de fréquences sur la bande des 800 MHz, les autres opérateurs ont les moyens d'attendre jusqu'à 2018, voire 2020. Tout ce qu'ils devront y consacrer dans l'immédiat, alors qu'ils n'en ont pas besoin, sera soustrait au développement de la fibre. Ils devront payer cher et vite des fréquences dont ils n'ont pas besoin, au détriment de l'investissement utile.

J'ajoute que l'on va prélever un tiers de la ressource hertzienne du secteur audiovisuel, qui est en droit d'émettre quelques objections. Les contrats vont s'arrêter deux ans avant le terme prévu. Prévoir une indemnisation dans cette loi nous est impossible, en vertu de l'article 40, mais il nous faut des garanties. Certes, l'IGF a été saisie et rendra sa copie dans quelques semaines, mais cela ne nous interdit pas d'inscrire dans la loi le principe d'une indemnisation. C'est une question de justice. Certaines chaînes pourraient s'estimer lésées, et engager des procédures. Le risque d'écrans noirs ne peut être écarté. Quelques-unes l'estiment à 20 %.

Une échéance si proche pose également problème pour les téléspectateurs. La bascule aura lieu en pleines vacances, hypothèse que nous avions formellement écartée lors de la bascule de l'analogique au numérique. Cette opération porte la marque d'un grand amateurisme. Et ce n'est pas une remarque partisane, car il m'est arrivé d'en juger de même au sujet de mes propres amis politiques.

Pour 1,7 million de foyers, soit 6 % d'entre eux, ce sera la double peine. Alors qu'on leur a imposé de s'équiper pour le satellitaire, est-il normal de ne pas les accompagner pour acquérir un adaptateur ? Si la gauche estime que ces foyers démunis peuvent passer par pertes et profits, nous lui en laissons la responsabilité.

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