À titre liminaire, je souhaite remercier les circonstances qui m'ont permises d'être co-rapporteur d'une mission qui ne m'était initialement pas destinée et la commission de la culture, de l'éducation et de la communication de m'avoir donné l'occasion de travailler sur un sujet aux multiples enjeux.
Concept plusieurs fois centenaire, le droit d'auteur « à la française » peut être défini par le fait d'accorder, par le droit exclusif d'autoriser ou d'interdire, une garantie contre la concurrence déloyale et la contrefaçon pour les éditeurs et les producteurs, une reconnaissance de la création d'oeuvre originale pour les auteurs, ainsi que des droits voisins pour les prestations des artistes et interprètes.
Le numérique a profondément modifié les pratiques culturelles et déstabilisé les modalités d'application des droits d'auteur comme de financement de la création. Il a également permis une circulation des oeuvres dans un espace géographique infini et avec une rapidité jamais égalée. Dès lors, une adaptation du droit d'auteur à cette nouvelle réalité s'est imposée, non sans difficultés.
Quelque deux ans après l'adoption de la loi 1er août 2006 relative au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information, dite DADVSI, dont les débats ont vu s'opposer vivement deux conceptions antagonistes quant aux solutions à apporter à la lutte contre le piratage et à la rémunération des créateurs, le Parlement est ainsi saisi, à l'automne 2008, du projet de loi favorisant la diffusion et la création sur Internet. Après plusieurs mois de discussions plutôt houleuses et une censure éclatante du Conseil constitutionnel, la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi) est créée par les lois du 12 juin 2009 favorisant la diffusion et la création sur Internet et du 28 octobre 2009 relative à la protection pénale de la propriété littéraire et artistique sur Internet.
Avec la Hadopi, le gouvernement d'alors avait cru imaginer la solution au piratage, à l'époque dominé par les réseaux « peer to peer ». Hélas, le bilan que nous allons vous présenter est mitigé. Il faut dire que la Hadopi, née dans la douleur, n'a jamais fait l'objet d'un consensus, ni politique, ni social. Est-ce là la cause de son échec relatif et, surtout, de sa mise à l'écart progressive des politiques de lutte contre la contrefaçon sur Internet ? Serait-ce plutôt les évolutions technologiques qui auraient rendu l'instrument obsolète ? Au contraire, bien pensé, le mécanisme n'aurait-il souffert que de l'opprobre général ?
En remontant aux origines de la Hadopi et en dressant un bilan de son action, nous avons essayé, de façon posée, de répondre à ces questions et d'imaginer un avenir à une institution décriée. Au fil des auditions menées, comme de nos déplacements à Bruxelles et dans les locaux de la Hadopi, il nous est en effet apparu combien le débat entre les « pros » et les « antis » était par trop simpliste. Il est nécessaire de le dépasser.
La Hadopi ne peut en aucun cas être considérée comme le remède absolu au piratage massif des oeuvres. Mais sa disparition constituerait un message démissionnaire incompréhensible à l'heure où les pouvoirs publics et les titulaires de droits renforcent leur mobilisation dans un contexte européen et international tendu pour le respect du droit d'auteur et le financement de la création.
Les missions de la Haute Autorité sont triples. Elle est d'abord chargée d'encourager le développement de l'offre légale et d'observer l'utilisation licite et illicite des oeuvres auxquelles est attaché un droit d'auteur ou un droit voisin sur Internet. Il lui revient de publier des indicateurs du développement de l'offre légale, d'attribuer un label permettant aux internautes de l'identifier, d'en gérer un portail de référencement, d'évaluer les expérimentations conduites dans le domaine des technologies de reconnaissance de contenus et de filtrage, mais également d'identifier et d'étudier les modalités techniques permettant un usage illicite des oeuvres protégées.
La Hadopi a également une mission de protection de ces mêmes oeuvres par le biais de la réponse graduée. Ce système a été conçu comme un outil pédagogique d'avertissement destinée à rappeler aux titulaires d'un abonnement à Internet utilisé pour télécharger ou mettre à disposition une oeuvre protégée leur obligation de surveillance de cet accès. En cas de manquement réitéré, après l'envoi, par courrier électronique puis par courrier recommandé, de deux recommandations, la Commission de protection des droits de la Hadopi peut saisir le Procureur de la République au titre de la contravention de 5e classe de négligence caractérisée. L'amende encourue peut s'établir à 1 500 euros, mais le juge peut également prononcer une peine complémentaire de suspension de l'accès Internet pour une durée maximale d'un mois, sanction jamais appliquée puis supprimée par décret en date du 8 juillet 2013, suivant une proposition de la mission confiée à Pierre Lescure par Aurélie Filippetti, alors ministre de la culture et de la communication.
Enfin, la Hadopi doit réguler et assurer une veille dans le domaine des mesures techniques de protection et d'identification des oeuvres protégées par un droit d'auteur ou un droit voisin.
Structurellement, la Hadopi se divise en deux organes distincts :
- le Collège, composé de neuf membres nommés par le Conseil d'État, la Cour des comptes, le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique, les ministères concernés et le Parlement, renouvelés par tiers tous les deux ans, et présidé, depuis l'installation de la Haute Autorité, par Marie Françoise Marais, magistrat de la Cour de Cassation, également présidente de la Hadopi. Le Collège a la charge de mettre en oeuvre les missions confiées par la loi à l'institution, à l'exception de la réponse graduée ;
- la Commission de protection des droits, présidée par Mireille Imbert-Quaretta et composée de trois magistrats respectivement issus de la Cour de Cassation, du Conseil d'État et de la Cour des comptes. Elle a, indépendamment du Collège, la responsabilité de la réponse graduée.
Pour mener à bien ses missions, la Hadopi emploie aujourd'hui 52 agents, contractuels ou fonctionnaires détachés, pour un plafond d'emplois de 71 équivalents temps plein. Exception notable au sein d'une autorité publique : près des deux tiers des agents sont des femmes et la moyenne d'âge s'établit à 36 ans.