Je tiens pour ma part à rappeler que ni Corinne Bouchoux ni moi n'étions sénateurs à l'époque des débats ayant présidés à la création de la Hadopi. Cette virginité nous a permis d'aborder nos travaux avec recul, sans a priori et avec un vif intérêt.
Missions et structures de la Hadopi ayant été rappelées, il convient de dresser maintenant le bilan des presque cinq ans d'action de l'institution. S'il peut apparaître en demi-teinte - et il l'est effectivement - la Hadopi est loin d'être la seule à blâmer.
La réponse graduée tout d'abord : dispositif pédagogique progressif contre le piratage « pair à pair » et pour la sensibilisation aux droits d'auteur, elle représente le coeur symbolique de l'institution. Au 31 mai 2015, le bilan de cette mission s'établit, pour un total d'environ 37 millions de saisines par les ayants droit, soit une moyenne de 70 000 par jour, à 4,6 millions de premières recommandations envoyées, 458 000 secondes recommandations, 2 117 délibérations de la Commission de protection des droits, 313 transmissions aux procureurs de la République et 49 décisions de justice.
Le caractère particulièrement régressif de ce résultat conduit l'efficacité de la réponse graduée à constituer un sujet de débat permanent. En réalité, il est difficile d'en dresser un bilan évident, tant le mécanisme pâtit d'une ambiguïté de départ, sorte de malentendu originel entre les espoirs répressifs des titulaires de droits et le choix de ne pas (ou peu) sévir fait par la Commission de protection des droits, qui privilégie systématiquement la pédagogie sans éviter pour autant d'irriter certains internautes.
S'agissant de l'offre légale, après les errements du label PUR et de la plateforme associée, dont il faut rappeler, avant de les railler, que leur création constituait une obligation législative, la Hadopi a modifié son approche en créant le site www.offrelegale.fr et un service de signalement des oeuvres introuvables. Trop tard, cependant, pour rattraper son retard en la matière : l'initiative du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) pour les oeuvres audiovisuelles, louable par ailleurs, est déjà installée et la musique a su proposer seule une offre légale diversifiée et accessible. Qu'on le qualifie ou non de camouflet pour la Hadopi, nous avons choisi d'en prendre acte.
La Haute Autorité peine également à s'imposer en matière d'information et de sensibilisation au droit d'auteur. Faute de moyens et de partenariats, son action demeure limitée à des interventions ponctuelles dans des établissements scolaires.