Cinquièmement, vous le savez, la LPM porte une véritable ambition pour notre industrie de défense, et son actualisation, que j’ai retracée rapidement, prolonge cette orientation de base.
À cet égard, je veux d’abord rappeler que l’actualisation apporte des réponses claires, avec des succès majeurs qui viennent conforter notre programmation, aux interrogations, en partie justifiées, quant à la soutenabilité des paris faits sur nos exportations que suscitait, notamment dans cette enceinte, la LPM votée en 2013. La concrétisation récente, tant attendue, de l’exportation du Rafale au profit de l’Égypte et du Qatar, en attendant celle de l’engagement du Premier ministre indien Modi portant sur trente-six appareils, permet de lever ces interrogations. Comme vous le savez, d’autres prospects sont en cours, qui pourront peut-être aboutir rapidement.
En tout cas, plus que jamais, l’« équipe France » des exportations de défense doit être mobilisée, et je ne doute pas, pour ma part, que nous puissions enregistrer d’autres succès en faisant de nouveau preuve de cohésion et de cohérence.
L’État favorisera notre industrie par sa politique d’acquisition, qui profitera à plusieurs secteurs du fait du surcroît d’investissement que j’ai décrit précédemment : en moyenne annuelle, jusqu’en 2019, le ministère dépensera 17, 6 milliards d’euros pour ses acquisitions d’équipements.
L’État poursuivra aussi, par son implication d’actionnaire, tous les mouvements permettant la création de leaders européens compétitifs.
Dans cet esprit, en coopération avec l’Allemagne et l’Italie, un projet de drone d’observation de reconnaissance de type MALE, qui pourrait équiper nos armées à partir de 2025, est en cours d’élaboration. C’est une avancée considérable, qui a été confirmée par les acteurs industriels lors du salon du Bourget.
Par ailleurs, la consolidation industrielle se poursuit dans le secteur terrestre. Le rapprochement entre Nexter et KMW devrait être finalisé très prochainement. Sans aller jusqu’à dire qu’elle débouchera sur l’émergence de l’« Airbus du terrestre », la concrétisation de cet accord n’en marquera pas moins une avancée majeure.
Dans le secteur des lanceurs spatiaux, la création de la coentreprise Airbus-Safran sera pleinement opérationnelle d’ici à la fin de 2015.
Je suis très heureux de l’aboutissement de ces trois dossiers sensibles, pour lequel les acteurs ont su se projeter dans une coopération porteuse de développements très positifs.
Sixièmement, ce projet de loi marquera la création des associations professionnelles nationales de militaires, les APNM, qui contribuera notamment à la rénovation de la concertation militaire. Il s’agit là, à n’en pas douter, d’une innovation majeure, qui fera date dans l’histoire de notre défense.
Vous le savez, le droit français a interdit traditionnellement aux militaires de créer des groupements professionnels ou d’y adhérer. Par deux arrêts prononcés le 2 octobre 2014, la Cour européenne des droits de l’homme a condamné la France, estimant que cette interdiction générale et absolue figurant dans notre loi était contraire à l’article 11 de la Convention européenne des droits de l’homme.
Le chapitre II de ce projet de loi d’actualisation de la programmation militaire instaure donc le droit, pour les militaires, de créer librement des associations professionnelles nationales de militaires et d’y adhérer, et seulement à elles : en effet, la création de groupements à caractère syndical, au sens du droit commun du travail, reste proscrite.
Les « restrictions légitimes » à l’application de l’article 11 de la Convention européenne des droits de l’homme citées dans les deux arrêts que j’ai évoqués concernent plus particulièrement les droits de grève, de manifestation ou de retrait, ou encore les actions collectives de la part des militaires engagés dans des opérations.
Il importe que cette avancée majeure soit accompagnée et acceptée par toute la communauté militaire. C’est la raison pour laquelle elle ne doit ni heurter, ni précipiter les choses, mais au contraire rassurer sur le fait qu’elle ne remet en cause ni les obligations fondamentales de nos armées ni l’unicité du statut militaire.
La création des APNM résulte d’un équilibre entre les règles de valeur constitutionnelle et les engagements conventionnels de la France. Les travaux du président Bernard Pêcheur ont abouti à une proposition de texte. Les députés ont souhaité élargir le champ de certaines dispositions, ouvrir un peu plus certaines options, dans le respect des équilibres. Vous avez pour votre part, mesdames, messieurs les sénateurs, sur certains points, souhaité revenir à la rédaction initiale du Gouvernement. Il appartiendra au dialogue en commission mixte paritaire de déterminer un compromis ; je ne doute pas qu’il sera équilibré.
Septièmement, je souhaite attirer votre attention sur la nouvelle politique des réserves que ce projet de loi vise à lancer. Il s’agit notamment d’associer davantage les réserves opérationnelles au renforcement de la posture de « protection » de nos armées, qu’il s’agisse des déploiements ou de la cyberdéfense. C’est pourquoi le texte qui vous est soumis prévoit un effort sans précédent au profit de la réserve opérationnelle.
Le projet de loi fixe pour objectif de faire passer de 28 000 à 40 000 le nombre de réservistes, en favorisant un élargissement des recrutements vers la société civile. Cette ambition est forte, tout en demeurant réaliste. Je puis vous assurer que les chefs d’état-major sont résolus à obtenir ce résultat ! Outre une augmentation du budget dédié à la réserve de 75 millions d’euros sur la période 2016-2019, des partenariats avec les entreprises sont engagés. Tout cela devrait permettre d’atteindre cet objectif ; j’y suis personnellement très attaché.
Huitièmement, au titre du lien entre l’armée et la nation, l’expérimentation en métropole d’un service militaire volontaire sera lancée. Il s’inspirera du service militaire adapté, dont vous savez qu’il a fait ses preuves dans les outre-mer.
Je souligne qu’il s’agit d’un dispositif militaire, porté par l’armée de terre, en partenariat avec des entreprises et des acteurs régionaux de l’emploi et de la formation. Deux centres, situés à Montigny-lès-Metz en Moselle et à Brétigny-sur-Orge dans l’Essonne, accueilleront des jeunes en service militaire volontaire à compter de la rentrée de 2015. Un troisième centre, qui sera établi dans un premier temps à La Rochelle, complètera l’expérimentation en 2016.
Le financement de cette expérimentation est intégré dans le projet d’actualisation de la programmation militaire. Il serait en revanche prématuré de définir dès aujourd’hui les modalités de financement du service militaire volontaire s’il devait être pérennisé à l’issue de cette phase d’expérimentation, comme le propose la commission de la défense du Sénat. C’est le sens de l’amendement gouvernemental que nous étudierons tout à l’heure. L’expérimentation est au compte du ministère de la défense. Lorsqu’elle sera parvenue à son terme, si elle se révèle assez forte et convaincante pour être poursuivie, je pense que les financements nécessaires devront être trouvés ailleurs.
En tout état de cause, ce dispositif s’intègre naturellement dans un ministère dont la tradition et l’exemplarité en matière de lien entre armées et jeunesse ne sont plus à démontrer, avec près de 20 000 jeunes recrutés par an, 6 000 stagiaires au titre du service militaire adapté outre-mer, 750 000 participants chaque année à la Journée défense citoyenneté, 10 000 stagiaires de tous niveaux et 30 000 jeunes accueillis dans le cadre du plan « égalité des chances ».
En plus de ce service militaire volontaire que nous créons et des missions que je viens d’évoquer, le ministère de la défense diversifiera et augmentera le nombre de missions de service civique qu’il propose, conformément à la décision du Président de la République de porter à 70 000 dès 2015 et à 150 000 en 2016 le nombre de jeunes volontaires du service civique, désormais universel.
Dans ce cadre, le Gouvernement a présenté, lors de la discussion à l’Assemblée nationale, un amendement au projet de loi d’actualisation qui a été adopté par les députés et qui permettra à l’Agence du service civique d’assurer la montée en charge du dispositif de service civique et de mettre en œuvre le volet jeunesse du programme européen « Erasmus + ».
Enfin, je voudrais souligner devant vous, pour éviter tout malentendu ou erreur d’interprétation, que la transformation en cours du ministère, engagée dans pratiquement toutes ses composantes, ne va pas s’arrêter, au contraire. Il y aura des mouvements de flux, avec des suppressions de postes destinées à gager des créations ou à accompagner des restructurations dans le cadre des plans stratégiques de chaque armée ou grand service : « Au contact ! » pour l’armée de terre – ce plan tout à fait remarquable a été établi par le général Bosser au terme d’un travail accéléré et très efficace –, « Horizon marine 2025 » pour la marine, « Unis pour faire face » pour l’armée de l’air, « SSA 2020 » pour le service de santé des armées, « SCA 2021 » pour le service du commissariat des armées.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai ouvert mon propos en insistant sur la gravité des menaces que nous devons affronter aujourd’hui et, malheureusement, dans la durée.
Face aux urgences opérationnelles, les armées ont répondu présentes à la mobilisation sans précédent par son ampleur, par sa rapidité, souhaitée par le Président de la République à la suite des attentats de janvier. Elles l’ont fait en dépit de toutes les difficultés qui ont pu se présenter, en faisant preuve, au-delà du courage et du professionnalisme que nous leur connaissons, d’une abnégation à toute épreuve.
Aujourd’hui, nos soldats ont besoin de votre soutien, au travers de l’approbation d’un effort détaillé dans cette actualisation de la programmation militaire. Ce soutien est nécessaire pour que nos armées continuent de remplir les missions qui leur sont confiées. Je souhaite vivement une mobilisation de tous, du Gouvernement comme du Parlement, c’est-à-dire de la nation dans toutes ses composantes, qui sait se rassembler lorsque l’essentiel est en jeu.
Je mesure le travail constructif accompli sur ce texte par la Haute Assemblée. Pour fréquenter régulièrement vos commissions, je mesure aussi combien les sénateurs ont à cœur d’assurer à nos armées les moyens de remplir leurs missions. Soyez d’ores et déjà remerciés de cette vigilance !
Cette actualisation est, me semble-t-il, à la hauteur des enjeux. Jamais une telle inflexion, en termes de ressources humaines et de finances, n’avait été décidée en cours de programmation : nécessité fait loi.
Jamais non plus la place des militaires au sein de la société, dans leur spécificité mais aussi dans la plénitude de leur citoyenneté, n’avait été reconnue au point où elle l’est aujourd’hui, au travers de la création des associations professionnelles nationales de militaires.
Je suis assez frappé du fait que jamais le niveau de confiance des Français à l’égard de nos forces armées n’avait été aussi élevé depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. C’est une image très forte qu’ont aujourd’hui nos armées auprès de la population.
Ma conviction est que les propositions que je vous soumets sont appelées à renforcer la qualité de nos forces et la confiance que nous plaçons en elles, ainsi que la confiance de nos forces en la représentation nationale et en la nation. Il y va de la sécurité du pays, notre bien commun !