Intervention de Daniel Reiner

Réunion du 8 juillet 2015 à 14h30
Programmation militaire pour les années 2015 à 2019 — Demande générale

Photo de Daniel ReinerDaniel Reiner :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous poursuivons aujourd'hui un exercice entrepris voilà quelques mois. Nous avions en effet déjà débattu ici même, au mois d’avril, d’une actualisation de la programmation militaire.

On sait que les événements survenus ces deux dernières années, au Sud, au Moyen-Orient et sur les franges orientales de l’Union européenne, ainsi que sur notre territoire, particulièrement au mois de janvier, s’inscrivent tout à fait dans la perspective stratégique que nous avions esquissée dans le dernier Livre blanc. Celle-ci demeure. La gravité de ces événements a conduit à la prise de décisions au plus haut niveau de l’État, notamment par le Président de la République après le conseil de défense du 29 avril. Je salue sa détermination : ce n’était pas si simple compte tenu du contexte budgétaire actuel.

Au travers de cette actualisation de la programmation militaire, il s’agit non seulement de compléter les systèmes d’armes qui équipent nos forces, d’accompagner la montée en puissance du renseignement et de la cyberdéfense, mais également, pour reprendre vos mots, monsieur le ministre, de « densifier notre modèle de défense ». C’est en ayant cette perspective à l’esprit que je me propose d’aborder quelques points de ce projet de loi.

À la suite des attentats des 7 et 9 janvier, nos armées ont démontré qu’elles étaient des leviers puissants de résilience face à la déstabilisation voulue par les terroristes. L’efficacité avec laquelle elles ont relevé le défi de la lutte anti-terroriste sur notre sol tout en conservant un haut degré d’engagement à l’extérieur prouve que nous disposons d’un outil performant, servi par des femmes et des hommes d’un professionnalisme remarquable, et remarqué par tous nos concitoyens. C’est ainsi que l0 400 militaires ont pu être déployés dès le 13 janvier, dont 6 000 dans la seule région d’Île-de-France, en sus des 4 700 policiers et gendarmes, afin d’assurer la protection de plus de 800 points sensibles. À situation exceptionnelle, réponse exceptionnelle !

La LPM initiale fournissait un outil dont, faisant preuve collectivement d’une grande sagesse, nous avions vivement approuvé l’instauration, au travers de son article 6. J’en rappelle les termes :

« La présente programmation fera l’objet d’actualisations, dont la première interviendra avant la fin de l’année 2015. Ces actualisations permettront de vérifier, avec la représentation nationale, la bonne adéquation entre les objectifs fixés dans la présente loi et les réalisations. Elles seront l’occasion d’affiner certaines des prévisions qui y sont inscrites, notamment dans le domaine de l’activité des forces et des capacités opérationnelles, de l’acquisition des équipements majeurs, du rythme de réalisation de la diminution des effectifs et des conséquences de l’engagement des réformes au sein du ministère de la défense. »

Nous nous emparons de cet outil six mois avant la date prévue. Cette démarche inédite donne un souffle politique et la légitimité requise par un effort engageant la nation entière.

Nous allons, avec ce projet de loi, accélérer la modernisation de notre appareil de défense et l’adapter aux temps que nous vivons. Je fais naturellement référence ici non seulement à la réponse au défi sécuritaire, mais également aux nouvelles formes de représentation que permettront les associations professionnelles nationales de militaires et à la création du service militaire volontaire.

Je retiendrai trois marqueurs de l’ambition de cette actualisation.

En premier lieu, il s’agit de fournir des moyens supplémentaires, grâce à un effort budgétaire exceptionnel. En effet, si la démarche est inédite, l’ampleur des moyens alloués au budget de la défense ne l’est pas moins. Cette LPM sera vraisemblablement la première dont la trajectoire financière sera respectée dans son intégralité, et même au-delà. Cela mérite d’être signalé.

C’est ainsi que 3, 8 milliards d’euros de crédits budgétaires supplémentaires seront alloués à l’effort de défense. Ils permettront, d’ici à 2019, de préserver 18 750 postes de la déflation prévue : 2, 8 milliards d’euros y seront consacrés. L’arithmétique s’imposant à une intention que certains voudraient malicieuse, la réduction de la déflation sera évidemment le plus coûteuse en fin d’exercice, ce qui justifie l’importance des crédits fixés pour les dernières années de la programmation.

Je rappelle que la précédente loi de programmation militaire et la révision générale des politiques publiques, la RGPP, prévoyaient 54 000 suppressions de postes, contre 24 000 pour la loi relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019. Finalement, le nombre de postes supprimés s’établira à environ 6 000.

Cette mesure essentielle en termes d’effectifs permettra d’honorer les contrats opérationnels demandés aux armées. C’est ainsi que l’armée de terre, parce qu’elle est la principale composante concernée par la protection des citoyens sur le territoire, verra sa capacité opérationnelle portée de 66 000 à 77 000 hommes.

Cette mesure profitera également à la cyberdéfense, aux forces spéciales, à hauteur de 1 000 personnels pour chacun de ces deux domaines, et aux services de renseignement. Au-delà, hors budget de la défense, diverses agences bénéficieront elles aussi d’effectifs nouveaux pour mettre en œuvre une politique de renseignement ambitieuse. Je laisse le soin à mon collègue Jeanny Lorgeoux d’évoquer le contexte géopolitique justifiant un tel effort.

Ensuite, et ce n’est pas le moins important, des crédits budgétaires seront substitués à des recettes exceptionnelles : demeureront 930 millions d’euros de cessions immobilières et de matériels. Cette substitution, que nous appelions de nos vœux, témoigne que les contrôles effectués par le Parlement ont porté leurs fruits. Le caractère trop aléatoire de ces recettes exceptionnelles contrastait avec la volonté présidentielle, plusieurs fois affirmée, de sanctuariser le budget de la défense. J’avais déjà eu l’occasion de le souligner ici même, au mois d’avril dernier.

En deuxième lieu, l’actualisation de la programmation militaire permettra un effort accru en matière d’équipement.

Je rappelle que la LPM faisait un pari en matière d’export, en particulier du Rafale. Ce pari est en passe d’être gagné grâce à la qualité de l’avion, à l’accompagnement par l’armée de l’air et, il faut le dire, à l’engagement du Gouvernement et de la diplomatie. À cet égard, je veux tout particulièrement saluer le vôtre, monsieur le ministre.

Les crédits d’équipement inscrits demeurent, avec un calendrier respecté : nous l’avons vérifié auprès de la DGA. C’est donc bien 1 milliard d’euros, sur 3, 8 milliards d’euros, qui sera consacré à l’entretien programmé de nos matériels et à l’accélération de la modernisation de nos équipements.

L’insuffisante disponibilité de certains systèmes d’armes, en particulier ceux de retour d’opérations extérieures, est un souci pour nos armées et pour le ministère. Je sais, monsieur le ministre, que l’entretien programmé du matériel a constitué l’une de vos priorités. Ce n’est pas le tout, en effet, d’acheter du matériel nouveau ; encore faut-il bien l’entretenir. Monsieur le ministre, vous augmentez cet effort de 500 millions d’euros : c’est bien, d’autant que la LPM initiale avait déjà renforcé les moyens.

En fait, compte tenu du milliard d’euros qui devra être redéployé au profit des équipements, ce sont plus de 1, 5 milliard d’euros supplémentaires qui seront affectés à l’équipement des forces.

Des hélicoptères Tigre et des appareils C 130 seront acquis, dont deux seront équipés de kits permettant le ravitaillement en vol des hélicoptères. Nous serons pour notre part particulièrement vigilants à l’entretien du parc des hélicoptères, lequel, reconnaissons-le, a connu quelques défaillances ces dernières années. Il est vrai que le taux de disponibilité remonte progressivement, mais il semble encore bien insuffisant au regard des besoins. L’aéromobilité est aujourd'hui une donnée incontournable de la réussite de l’action de nos forces en opérations extérieures, notamment dans la bande sahélo-saharienne. Nous l’avons mesuré de nos propres yeux.

Je ne détaillerai pas les autres équipements prévus. Ils concernent le ravitaillement en vol, le ciblage, des compléments d’équipement en matière de renseignement et, pour la marine, des bâtiments de soutien dont elle a le plus grand besoin.

En troisième lieu, l’actualisation de la programmation militaire permettra de renouveler l’esprit de défense.

Les événements récents conduisent aussi à changer le regard que la société civile porte sur la place des militaires. Je veux parler là non seulement de l’évolution de la représentation professionnelle des militaires, mais également du service militaire volontaire et du rôle accru de la réserve militaire dans les dispositifs opérationnels.

En effet, la création des associations professionnelles nationales de militaires apporte une réponse législative aux deux arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme. Il s’agit aussi de moderniser les modes de représentation des personnels. Je laisse le soin à Gilbert Roger d’évoquer cette question plus avant.

Enfin, la création d’un service militaire volontaire, qui fait l’objet d’un large consensus, participe du renouvellement du lien entre l’armée et la nation. Cette expérience est une transposition sur le territoire de la métropole du service militaire adapté d’outre-mer, dispositif que nous avons d’ailleurs évalué nous-mêmes lors d’une visite récente en Guyane.

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