Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, voici maintenant près de six mois que l’opération Sentinelle a été déployée sur notre territoire, à la suite des terribles attentats qui ont frappé notre pays en début d’année. Je tiens, au nom de l’ensemble du groupe écologiste du Sénat, à saluer l’engagement remarquable de nos soldats au quotidien. En effet, dans le contexte particulièrement difficile que nous connaissons, l’armée est largement mise à contribution et elle participe de manière substantielle à la solidarité et à la cohésion sociale.
C’est justement parce que l’armée est sollicitée bien au-delà des contrats opérationnels initialement définis en 2013 et parce que les menaces se sont accrues que ce débat a lieu aujourd’hui.
Ainsi, l’actualisation que vous nous proposez, monsieur le ministre, présente deux points majeurs : d’une part, l’augmentation des ressources de 3, 8 milliards d’euros de 2016 à 2019 et, d’autre part, la réduction de la tendance déflationniste qui prévalait jusque-là, en préservant 18 750 postes. Sont concernés, notamment, les forces opérationnelles terrestres, qui atteindront 77 000 hommes dès 2016 dans le cadre du nouveau « contrat de protection », ou encore le renseignement, dont les effectifs seront renforcés de 900 personnes.
Les écologistes soutiennent l’effort fait au niveau des effectifs, puisque, comme nous l’avons déjà dit, les soldats doivent être la priorité : ils sont au cœur de notre vision de la défense. Je sais, monsieur le ministre, que tel est également votre souci et je connais votre engagement en la matière.
Toutefois, il ne s’agit là que d’une première étape. Face à la multiplication des engagements de la France à l’étranger, la question des effectifs deviendra de plus en plus centrale. Avons-nous toujours les moyens d’intervenir à la fois en Afrique et au Moyen-Orient ?
Si nous reconnaissons bien évidemment que la menace terroriste a pris une dimension sans précédent dans ces régions, nous posons la question de la soutenabilité de notre engagement international et notons, à regret, l’absence criante d’une défense européenne.
Alors que la loi de programmation militaire pour les années 2014-2019 prévoyait un surcoût annuel constant sur la période pour les opérations extérieures, ou OPEX, de 450 millions d’euros, ce surcoût s’est déjà établi en 2014 à 1, 12 milliard d’euros. Nous mesurons donc l’irréalisme de la trajectoire initiale, d’autant que cette même question risque de se poser l’an prochain. La multiplication des OPEX met la France dans l’incapacité de s’engager davantage aujourd’hui, à quelque niveau que ce soit, y compris dans le domaine humanitaire et celui de la prévention.
Or vous connaissez bien ma position sur ce sujet, monsieur le ministre : dans notre voisinage proche et éloigné, les risques engendrés par le stress environnemental seront les déclencheurs et signes avant-coureurs des crises de demain. Les principaux enjeux stratégiques sont intimement liés à l’accès aux ressources naturelles, aux matières premières, à l’énergie et à la démographie. Ces risques mettront au défi des structures étatiques dont l’effondrement et la faiblesse ont déjà été à l’origine de nombreuses opérations de maintien de la paix par le passé.
Face à ces risques, nous devons à tout prix avoir une approche ambitieuse et globale. En ce sens, monsieur le ministre, je me permettrais de dire quelques mots sur la dissuasion nucléaire. Vous connaissez la position des écologistes sur ce sujet. Toutefois, force est de constater que la réactualisation consacre la trajectoire définie en 2013 en matière de dissuasion, puisqu’aucune modification n’y est apportée. Nous le regrettons.
La modernisation de notre arsenal nucléaire relève-t-elle réellement de l’urgence ? L’arme nucléaire est-elle la réponse la plus adaptée aux défis sécuritaires d’aujourd’hui et de demain ? Ces questions doivent être posées.
Le maintien de notre dissuasion comme composante majeure de notre défense va continuer d’écraser le champ des capacités conventionnelles. Or celles-ci demeurent essentielles dans la prévention des crises, comme nous le voyons tous les jours.
En l’absence totale de débat autour du dimensionnement et de la posture de notre dissuasion, nous nous retrouvons aujourd’hui avec des marges de manœuvre largement réduites. Au total, mes chers collègues, près de 19, 7 milliards d’euros de dépenses d’équipement seront dévolus aux armes nucléaires entre 2015 et 2019, soit 22, 45 % des crédits d’équipement.
Alors que le Président de la République a mis en avant, lors du conseil de défense du 29 avril 2015, l’impératif d’équilibre budgétaire, les écologistes considèrent justement que la principale variable d’ajustement qui est aujourd’hui insuffisamment mise à contribution est bien évidemment la dissuasion nucléaire.
Malgré cette opposition de fond, que nous ne pouvons occulter, les écologistes tiennent toutefois à saluer une avancée importante de ce texte, à savoir la création des associations professionnelles nationales de militaires.
Il s’agit là, en effet, d’une étape importante, mise en œuvre a minima peut-être, mais qui va tout de même dans le sens d’une démocratisation et d’une plus grande transparence de l’armée. Sur ce point, il est important que les associations professionnelles soient interarmes, afin d’éviter tout corporatisme et de permettre ainsi une meilleure représentativité.
Même si certains amendements votés en commission sont venus limiter les prérogatives de ces associations, nous notons que, pour la première fois, les militaires bénéficieront de structures leur permettant d’exprimer leurs revendications et de défendre leurs intérêts professionnels. Ainsi, l’armée ne sera plus une exception à l’écart de la société.
Ce constat m’amène logiquement, enfin, à dire quelques mots sur le lien entre l’armée et la nation, qui me paraît être une priorité, particulièrement en cette période.