Intervention de Jacques Mézard

Réunion du 8 juillet 2015 à 14h30
Situation de la grèce et enjeux européens — Déclaration du gouvernement suivie d'un débat

Photo de Jacques MézardJacques Mézard :

Vous nous annoncez pour bientôt un débat suivi d’un vote. C’est bien, mais le Parlement ainsi que nos concitoyens doivent être informés régulièrement et clairement sur les diverses opinions qui s’expriment ici, en France et dans les autres pays européens. Ce ne sont pas les chaînes d’information en continu qui assurent cette information, ces chaînes de l’instantané qui n’avaient d’yeux que pour la fête de dimanche soir à Athènes !

Le Président de la République et le Gouvernement font des efforts – que nous saluons – pour trouver un compromis, afin que la Grèce ne s’éloigne pas d’une Europe dont elle est, par l’histoire, un élément naturel. Ce rôle de facilitation et ce trait d’union entre une Europe du Centre et du Nord, d’un côté, et l’Europe méditerranéenne, de l’autre, est vraiment celui de la France, c’est une de ses missions historiques.

Il ne serait pas sain d’ignorer les dysfonctionnements et les irresponsabilités qui ont provoqué le choc, de l’entrée de la Grèce dans la zone euro avec des chiffres et des bilans falsifiés au rôle des banquiers, notamment ceux de Goldman Sachs – dont la carrière a peu pâti, c’est le moins que l’on puisse dire…. De la même façon, mes chers collègues, expliquer aux agriculteurs français les choix et les pertes en Grèce du Crédit agricole ne serait pas forcément un luxe.

Puisque, aujourd’hui, ce sont essentiellement les États européens, dont la France à hauteur de 42 milliards d’euros, qui ont pris le relais des banques, les contribuables ne sauraient oublier qu’ils assurent le relais des actionnaires des banques. Ne rien effacer, ne rien oublier…

Nous sommes de ceux qui croient en l’Europe, et même en l’Europe fédérale pour nombre d’entre nous, dont la poursuite de la construction est indispensable parce que le monde de demain sera de nouveau constitué de « grands empires », de blocs continentaux, et qu’une Europe morcelée n’y a que peu de chance de survie.

Cette vision ne saurait se réduire à une approche budgétaire : elle est d’abord politique, stratégique. Cela étant, elle ne peut s’affranchir des réalités financières et aucun des États ne doit non plus s’affranchir des règles communes, sinon l’édifice s’effondrerait.

Nous avons à surmonter beaucoup de contradictions, d’abord celle de faire vivre des États-nations dans une Europe dont le système de gouvernance est incompréhensible pour les citoyens. Les « technocrates de Bruxelles », expression entendue chaque jour dans nos départements, sont devenus un repoussoir commun aux citoyens européens et seraient la cause de tous nos malheurs. De cela aussi il faudra tenir compte, surtout quand on est favorable à la construction européenne.

Tout cela ne saurait exonérer la Grèce et ses gouvernements successifs de leurs responsabilités ni faire oublier cette facilité irresponsable à vivre à crédit, le surendettement des particuliers – que nous connaissons – étant peu différent de celui des États : il y faut des prêteurs et des consommateurs.

Je ne saurais d’ailleurs souscrire totalement aux propos tenus ce matin par M. Tsipras devant le Parlement européen. Selon lui, le peuple grec n’a pas vu la couleur des milliards d’euros de l’Europe. Si, comme il l’a dit, des oligarques en ont profité abusivement, les gabegies – l’âge de départ à la retraite, la gestion du cadastre, etc. – ont été acceptées par ses concitoyens pendant un certain nombre d’années.

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