Intervention de Albéric de Montgolfier

Réunion du 8 juillet 2015 à 14h30
Situation de la grèce et enjeux européens — Déclaration du gouvernement suivie d'un débat

Photo de Albéric de MontgolfierAlbéric de Montgolfier :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, monsieur le président de la commission des affaires européennes, mes chers collègues, les événements des derniers jours ont fait perdre son caractère théorique à l’éventualité d’une sortie de la Grèce de la zone euro. Un tel épisode constituerait sans aucun doute un saut dans l’inconnu.

Toutefois, à défaut de connaître les conséquences politiques, voire économiques, d’un « Grexit », il est possible d’en mesurer les risques budgétaires. Pour être en mesure d’identifier ces risques, il convient tout d’abord de connaître les coûts supportés par la France au titre de l’assistance financière apportée à la Grèce.

Premier coût, le prêt bilatéral accordé par la France en 2010-2011 s’élève à 11, 4 milliards d’euros. Ensuite, le budget français enregistre de moindres recettes en raison de la rétrocession des revenus perçus par la Banque de France sur les titres grecs qu’elle détient, ce qui minore les dividendes touchés par l’État. Ces rétrocessions de la France au profit de la Grèce représentent 2, 8 milliards d’euros sur la période 2012-2025.

Par ailleurs, la France a apporté des garanties au Fonds européen de stabilité financière, pour un montant de 67, 5 milliards d’euros à ce jour. Si ces garanties n’ont donné lieu à aucune dépense budgétaire, les prêts accordés par le FESF viennent abonder la dette publique de la France à hauteur de 29 milliards d’euros en 2015.

Au total, l’assistance financière apportée à la Grèce représentait 42, 4 milliards d’euros de dette publique française en 2014, compte tenu des prêts du FESF et du prêt bilatéral, soit 1, 5 % du PIB.

J’en arrive maintenant aux risques assumés par la France.

Ces derniers concernent tout d’abord le prêt bilatéral accordé à la Grèce. Si un défaut total venait à être constaté en 2015, le besoin de financement de notre pays serait accru de 11, 4 milliards d’euros au titre de cet exercice – soit de près de 0, 5 point de PIB. De même, une restructuration partielle du capital du prêt bilatéral conduirait à une augmentation des dépenses publiques, et donc du déficit, au cours de l’année de l’annulation. À titre d’exemple, un abandon de 10 % du capital du prêt bilatéral en 2015 aurait pour conséquence de dégrader le déficit public de 1, 1 milliard d’euros. Dans tous les cas, des pertes de recettes viendraient s’ajouter, du fait du non-remboursement du capital et des intérêts devant débuter en 2020.

S’agissant des garanties apportées par la France au Fonds européen de stabilité financière, celles-ci ne seraient amenées à jouer que si le Fonds risquait de ne pas être en mesure d’honorer le paiement des sommes dues au titre des obligations émises afin d’apporter des prêts à la Grèce. À ce jour, le FESF se veut rassurant, indiquant qu’un appel des garanties ne serait pas nécessaire tant qu’il disposerait d’un accès au marché. Pour autant, une dénonciation totale ou partielle de la dette de la Grèce à l’égard du Fonds viendrait dégrader, en comptabilité nationale, le déficit de la France, au prorata des garanties apportées.

Par ailleurs, il convient de relever les risques auxquels est exposée la France, du fait de son appartenance à l’Eurosystème, face à un défaut de la Grèce. En raison des avoirs détenus par l’Eurosystème au titre du programme SMP et de la dette dite « Target 2 » de la Banque de Grèce, l’exposition de la France à ce titre s’élève à près de 24 milliards d’euros.

Ainsi, l’exposition totale théorique de la France à un défaut grec n’est pas de 40 milliards d’euros, comme nous l’entendons souvent, mais de près de 65 milliards d’euros, soit environ 3 % de son PIB.

À l’inverse, en cas de défaut grec, les restitutions de revenus perçus par la Banque de France sur les titres grecs seraient susceptibles de cesser, ce qui entraînerait une moindre dépense, supérieure au milliard d’euros.

Enfin, gardons à l’esprit qu’un « Grexit » pourrait également avoir des effets collatéraux. En particulier, le risque de dislocation de la zone euro pourrait faire bénéficier la France d’une fuite des investisseurs vers la qualité. Toutefois, il ne faut pas exclure le risque opposé, à savoir une hausse des taux d’intérêt. Selon les simulations réalisées par l’agence France Trésor, une hausse de cent points de base du taux d’intérêt se traduirait par un alourdissement de la charge de la dette de 2, 4 milliards d’euros la première année. Le surcroît de charge d’intérêt qui résulterait de cette augmentation avoisinerait même la quarantaine de milliards d’euros à l’horizon de 2020.

Mes chers collègues, la peur n’évite pas le danger, certes, mais elle permet de mieux s’y préparer. Voilà pourquoi j’ai jugé utile de vous présenter, au nom de la commission des finances, les différents risques auxquels s’expose la France en cas de défaut de la Grèce : gardons en tête que ces risques atteignent près de 65 milliards d’euros !

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