Intervention de Michelle Demessine

Réunion du 8 juillet 2015 à 14h30
Programmation militaire pour les années 2015 à 2019 — Suite de la discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Michelle DemessineMichelle Demessine :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette actualisation de la loi de programmation militaire était prévue et elle est nécessaire : prévue puisque l’article 6 de la loi de programmation militaire du 18 décembre 2013 instituait une première actualisation avant la fin de l’année 2015 ; nécessaire en raison de l’accroissement des menaces contre notre pays, ses intérêts fondamentaux et sa population, la montée du terrorisme islamiste dans le monde et sur le territoire national étant sans doute la première menace à laquelle nous ayons à faire face.

Les attentats en région parisienne du mois de janvier ont changé de manière déterminante le contexte de mise en œuvre de cette programmation. C’est pourquoi je salue la décision que le Président de la République et vous-même, monsieur le ministre, avez prise d’avancer l’actualisation de quelques mois pour traduire rapidement dans la loi les adaptations rendues indispensables, sanctuariser ce budget et lui attribuer des crédits supplémentaires.

Vous avez précisé, monsieur le ministre, qu’il s’agissait d’une révision, destinée à actualiser les prévisions initiales, non d’une redéfinition des principes fondamentaux de la programmation militaire. Mon groupe reste en désaccord sur ces principes, mais c’est bien dans le seul cadre de cette actualisation que je porterai des appréciations sur les mesures qui nous sont proposées.

L’évolution de la situation et la nécessité de répondre à des besoins accrus ont heureusement conduit le Président de la République à tenir les engagements qu’il avait pris de ne pas laisser rogner le budget de la défense : ses crédits ont donc été sanctuarisés à hauteur de 31, 4 milliards d’euros pour 2015.

Parmi les nouveautés figurant dans le présent texte, on peut d’abord relever des choix budgétaires importants.

Ainsi, on constate l’apport de nouveaux crédits, qui correspondent à une augmentation du budget de 3, 8 milliards, étalée jusqu’à 2019, qui permettra notamment de nouvelles commandes de matériels.

Nous serons néanmoins attentifs et veillerons à ce que les crédits annoncés pour l’année 2015 soient effectivement et rapidement ouverts dans une loi de finances rectificative.

Sans douter de la volonté et de la sincérité du Président de la République, je relèverai toutefois que l’essentiel de cet effort budgétaire porte sur les deux dernières années de la programmation, soit après l’élection présidentielle de 2017. Espérons que cette trajectoire ne sera pas alors remise en cause !

J’apprécie particulièrement que, dans l’actualisation du volet financier de la loi de programmation militaire – LPM –, on ait substitué des crédits budgétaires aux ressources exceptionnelles, dont le caractère aléatoire faisait courir de sérieux risques à l’effectivité de la programmation.

Je me félicite surtout de l’abandon du dispositif de location-vente de matériels militaires, sous la forme de sociétés de projet dont les fonds étaient censés remplacer des ressources exceptionnelles défaillantes. Ce montage financier bizarre et complexe était trop hasardeux pour nos finances publiques, ne traduisait pas une vision à long terme du financement de nos équipements militaires et aurait pu affecter l’utilisation souveraine de nos matériels.

L’autre grande nouveauté de ce projet de loi est le choix stratégique d’une présence visible et permanente de forces terrestres sur le territoire national. Cela a nécessité de porter les effectifs de la force opérationnelle terrestre à 77 000 hommes, au lieu des 66 000 initialement prévus.

Cette conception d’une protection recentrée sur le territoire national nous invite, comme vous l’avez dit, monsieur le ministre, à une réflexion sur la doctrine d’emploi de nos armées à l’intérieur de nos frontières.

En tout cas, la nécessité d’assurer cette mission a conduit le chef de l’État à prendre la décision d’annuler plus de la moitié des réductions d’effectifs dans les armées : sur 34 000 postes menacés de suppression, 18 500 sont préservés.

Certains devraient avoir l’honnêteté de reconnaître que la réduction d’effectifs initialement prévue, dont la seule justification était de faire des économies au profit des équipements, ne pouvait en aucun cas permettre de faire face à une situation de crise imprévue.

C’est l’un des enseignements à tirer des attentats de janvier. C’est aussi la preuve que l’objectif de réduction inconsidérée des effectifs, que ce gouvernement avait maintenu dans la LPM initiale, était une profonde erreur, due à une vision étroitement comptable des choses.

Avant de conclure, je veux évoquer deux mesures proposées dans ce texte qui n’ont pas de rapport direct avec l’objectif d’actualisation : l’institution d’un droit d’association professionnelle des militaires et l’expérimentation d’un service militaire volontaire.

Différentes instances de concertation, dont le fonctionnement et l’efficacité méritent d’être considérablement améliorés, existent au sein des armées. Néanmoins, il faut reconnaître que ce sont deux arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme qui ont mis notre pays dans l’obligation de légiférer pour instituer un droit d’association au profit des militaires.

Vous le savez, monsieur le ministre, notre groupe est de longue date favorable à l’instauration d’un tel droit, que nous avions malheureusement échoué à faire inscrire dans la loi lors de la discussion sur le statut général des militaires, en 2005.

La solution législative élaborée par le Gouvernement est satisfaisante dans la mesure où elle permettra, je l’espère, de renforcer le dialogue au sein de nos forces armées, sans les affaiblir ni dénaturer l’état militaire.

Cependant, nos collègues députés ont eu raison de renforcer les prérogatives des associations nationales professionnelles de militaires, les ANPM. Ils ont en particulier élargi les possibilités qu’elles auront de se porter partie civile et ont garanti leur liberté d’expression sur les questions relevant de la condition militaire.

Enfin, si l’expérimentation d’un service militaire volontaire, largement inspiré par le succès du service militaire adapté dans les outre-mer, peut de prime abord sembler une bonne mesure, je m’interroge sur la duplication de dispositifs existants et, surtout, sur le financement à long terme de ce dispositif.

Telles sont les observations que je souhaitais faire, au nom du groupe CRC, sur l’actualisation de la loi de programmation militaire.

Au-delà des aspects positifs que je viens d’évoquer, il n’en demeure pas moins que nous avons toujours de profonds désaccords avec certains choix majeurs de la loi de programmation militaire initiale, notamment en ce qui concerne la sanctuarisation politique et financière de l’arsenal nucléaire. C’est la raison pour laquelle notre groupe votera contre le présent texte.

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