Intervention de Jacques Gautier

Réunion du 8 juillet 2015 à 14h30
Programmation militaire pour les années 2015 à 2019 — Suite de la discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Jacques GautierJacques Gautier :

Madame le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il y a vingt mois, le Parlement adoptait la LPM, considérant qu’elle était la moins mauvaise possible dans le cadre budgétaire donné.

Nous avions alors souligné les faiblesses du texte. Permettez-moi de les rappeler : nouvelle réduction du format des effectifs et des équipements, format réduit que nous avions alors qualifié de «juste insuffisant » ; incertitudes sur les REX – ressources exceptionnelles –, qui représentent une part importante du budget de la défense, notamment pour les équipements ; faiblesse, que nous assumions, des crédits OPEX – opérations extérieures –, un amendement sénatorial ayant toutefois permis la prise en charge des dépassements au niveau interministériel ; exportations hypothétiques de matériel militaire, s’agissant notamment du Rafale ; insuffisance des commandes de pièces de rechange et de munitions ; enfin, reports de charges trop élevés chaque année.

Compte tenu de ces inquiétudes, le Sénat avait adopté, dans l’intérêt de la défense, une panoplie d’amendements visant à sécuriser les ressources et permettre la réalisation de la programmation, notamment grâce aux mesures suivantes : compensation par des cessions d’actifs ou des crédits budgétaires si les REX n’étaient pas au rendez-vous à temps et au niveau prévu ; sécurisation en cas de non-export ; contrôle sur pièces et sur place, auquel nous avons d’ailleurs recouru ; enfin, clause de revoyure avant la fin de l’année 2015 – nous y sommes !

Force est aujourd’hui de constater que nos inquiétudes étaient fondées. Avec cette actualisation, vous apportez, monsieur le ministre, une grande partie des réponses que nous attendions. C’était d’autant plus nécessaire que, en moins de deux ans, notre environnement a terriblement évolué avec la crise en Ukraine, la montée exponentielle de Daech et du terrorisme, ainsi que l’explosion du nombre de migrants arrivant par la Méditerranée.

La part la plus importante des ressources budgétaires que vous avez obtenue sert à financer la moindre déflation des effectifs : 18 750 postes n’ont pas été supprimés. Nous saluons cet effort, même s’il est largement absorbé par l’opération Sentinelle.

Des moyens sont prévus pour le maintien en condition opérationnelle et l’entretien programmé des matériels ainsi que pour lancer ou accélérer des programmes d’équipement, qui sont nécessaires à nos forces. Bravo ! Signalons toutefois que cela est surtout possible grâce aux économies réalisées du fait de la bonne évolution des indices économiques tels que l’inflation ou le coût des carburants. Attention à un renversement de tendance !

Constatant que les « REX fréquences », les recettes exceptionnelles attendues de la cession de fréquences hertziennes, n’étaient pas au rendez-vous, vous avez obtenu, monsieur le ministre, après un long bras de fer avec Bercy, un arbitrage du Président de la République, afin que l’essentiel de ces ressources soit rebudgétisé à partir de 2015 : c’est bien !

Enfin, les ventes à l’export, notamment du Rafale, sont au rendez-vous. À cet égard, permettez-moi de féliciter l’ensemble de « l’équipe France », qui a permis ces succès.

Nous sommes satisfaits de ces orientations, ainsi que de l’évolution à la baisse du report de charges.

Je voudrais néanmoins vous faire part de deux sujets de préoccupation : d’une part, la soudure entre les prévisions de la LPM initiale et la présente actualisation ; d’autre part, le coût direct, dès cette année, de l’opération Sentinelle, qui s’élève à environ 1 million d’euros par jour.

Le Gouvernement ne nous laisse pas espérer l’examen d’un collectif budgétaire d’ici à la fin de l’année. C’est pourquoi nous avons besoin d’être rassurés sur la levée anticipée de la réserve de précaution et sur un décret d’avance dans les derniers jours de 2015.

Comme je viens de l’indiquer, l’actualisation va dans le bon sens et permet de lancer ou de confirmer les programmes majeurs. Je n’y reviens donc pas, préférant m’attarder sur neuf points, qui me semblent essentiels.

Premièrement, la moindre déflation des effectifs permet de consentir un effort supplémentaire en matière de cybersécurité et de renseignement, de combler des manques dans l’armée de l’air et la marine et, surtout, de porter la capacité opérationnelle de l’armée de terre de 66 000 à 77 000 hommes .

Deuxièmement, je salue la création d’une brigade d’aérocombat, avec sept hélicoptères Tigre HAD supplémentaires, qui seront livrés avant la fin de l’année 2017, et la livraison de six hélicoptères NH90, qui a été avancée parce que ceux-ci sont indispensables pour remplacer les vieux Puma.

Je salue également l’effort réalisé pour assurer la réorganisation générale du maintien en condition opérationnelle du parc d’hélicoptères, avec des lots de pièces de rechange, des lots de projection, le recrutement de maintenanciers et une nouvelle contractualisation avec les industriels. Nous avions attiré votre attention, monsieur le ministre, sur ces carences, et nous sommes satisfaits que vous les ayez prises en compte.

Troisièmement, je me félicite des ventes à l’export du Rafale et, surtout, de la confirmation que la prévision initiale de livraison de cet appareil pour l’armée de l’air et la marine serait tenue, avec, notamment, l’arrivée d’un deuxième escadron de Rafale à vocation nucléaire.

Quatrièmement, compte tenu du vieillissement et du manque de disponibilité des C 160 et C 130, je note la modernisation de certains C 130 et l’armement de deux d’entre eux pour les forces spéciales, ainsi que l’étude de l’achat de quatre C 130, d’occasion ou neufs. Ne perdons pas de temps, monsieur le ministre, et adressons a letter of request à nos amis américains !

Cinquièmement, les douze MRTT seront enfin commandés, dont trois seront livrés d’ici à 2019. Permettez-moi de souligner que, il y a quelques mois, j’avais formulé cette demande par le biais d’un amendement et que vous vous y étiez opposé, monsieur le ministre.

Sixièmement, je dirai un mot du projet Cognac 2016-2017, qui prévoit de moderniser la formation et de différencier l’entraînement des pilotes de chasse. À cet égard, je rappelle que la décision a été approuvée lors d’un comité ministériel d’investissement il y a un an. Ne perdons pas de temps ! Ce projet, qui permet la manœuvre des effectifs et des implantations de l’armée de l’air, devrait permettre de réaliser des économies à hauteur de 150 millions d’euros par an.

Septièmement, les grandes commandes marines sont confirmées, avec quinze frégates de premier rang. La livraison de cinq frégates de taille intermédiaire a été avancée pour répondre à nos besoins et à des possibilités à l’export.

Huitièmement, j’évoquerai les forces spéciales. Permettez-moi de saluer l’intervention de nos forces spéciales au Sahel, et j’ai une pensée particulière pour les deux soldats blessés dimanche dernier, dont un gravement, qui ont été rapatriés hier soir.

Deux des quatre C 130 qui vont être achetés seront affectés aux forces spéciales ; ils disposent d’une capacité de ravitaillement en vol d’hélicoptères.

Par ailleurs, j’insiste une nouvelle fois sur le renouvellement nécessaire des véhicules de patrouille lourds et légers. Monsieur le ministre, tenons les délais !

Neuvièmement, notre effort en matière de missiles doit être poursuivi. Cela vaut pour le missile moyenne portée, le missile anti-navire léger, la rénovation à mi-vie des missiles Scalp, auxquels il faut ajouter la nécessaire augmentation des capacités du système SAMP/T pour nos armées et l’export. C’est ce que l’on appelle le programme B1NT.

En conclusion, je veux dire à cette tribune que cette actualisation correspond, en partie, à nos demandes, même si nous aurions aimé que l’effort soit plus important encore pour faire face aux menaces actuelles et que les crédits soient moins étalés dans le temps. Mais, comme nos amis de Bercy préfèrent les lois de finances annuelles ou triennales aux lois de programmation, qui ne sont pas normatives, nous avons adopté en commission un certain nombre d’amendements pour sécuriser et pérenniser les ressources.

Permettez-moi de formuler deux dernières remarques.

Nous sommes tous persuadés que l’opération Sentinelle, telle qu’elle est aujourd’hui mise en œuvre, doit évoluer vers plus de souplesse et de réactivité, au lieu d’être statique. Le Gouvernement et les armées doivent réfléchir à « un cadre doctrinal pour l’emploi des troupes sur le territoire national ». Nous avons demandé que ces travaux soient présentés au Parlement avant la fin de l’année.

Dans le droit fil de cette demande, nous saluons la volonté de faire évoluer la réserve opérationnelle en effectifs et en réactivité. Mais c’est plus facile à dire qu’à réaliser, monsieur le ministre, notamment vis-à-vis des employeurs privés et publics !

Enfin, certains évoquent la création d’une « Garde nationale » à la française. Méfions-nous des fausses bonnes idées ! Compte tenu des budgets limités, cela se ferait obligatoirement au détriment des crédits de la défense et aboutirait, de fait, à une armée à deux vitesses.

Vous l’aurez compris, monsieur le ministre, les satisfactions l’emportent, mais la vigilance demeure. Dans ces conditions, je voterai, comme l’ensemble du groupe Les Républicains, ce projet de loi actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 tel qu’il est issu des travaux de la commission.

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