Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, un an et sept mois après l’adoption de la loi relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019, nous devons examiner un projet de loi permettant de l’actualiser.
Avant d’entrer dans le vif du sujet, permettez-moi de rendre un hommage solennel à nos soldats qui, en France et à l’étranger, honorent notre pays. Il n’est pas un débat sur la défense où nous ne saluions leur courage et leur professionnalisme. De fait, ils méritent que nous dépassions le stade de la parole pour passer aux actes. Sachons leur donner les moyens de remplir leurs missions dans des conditions dignes de leur engagement.
C’est la première fois que nous procédons à une telle actualisation, au demeurant prévue à l’article 6 de la loi précitée. Cet exercice ne doit pas être pris à la légère. Je veux rappeler ici que le ministère de la défense, ses hommes et ses femmes ainsi que notre outil de défense doivent bénéficier d’une prévision à long terme. Ce principe vaut tant pour les ressources humaines et que pour l’équipement.
Je ne reviendrai pas en détail sur les dix-huit mois qui viennent de s’écouler ; le moins que l’on puisse en dire est qu’ils ont été intenses ! Je retiendrai simplement deux éléments importants, avant de m’exprimer ultérieurement sur les articles.
Premièrement, engager le plus tôt possible des crédits sincères pour nos armées est une exigence à laquelle nous ne pouvons déroger si nous voulons satisfaire aux ambitions qui sont les nôtres sur la scène internationale. Les tergiversations auxquelles ont donné lieu, au printemps dernier, les sociétés de projet l’ont prouvé ; le sujet est désormais clos, et nous nous en réjouissons.
Deuxièmement, je veux attirer votre attention, monsieur le ministre, sur les engagements et la mobilisation de nos forces au regard du contexte sécuritaire international et national.
Depuis le début de notre engagement au Mali, puis dans la bande sahélo-saharienne, il est plus qu’évident que ces opérations ont vocation à durer, contrairement à ce qu’avait initialement annoncé le Président de la République.
Cela dit, il est impératif de prendre en compte la dualité des enjeux de ces OPEX. Nous ne remettons nullement en cause le prolongement de l’opération Barkhane face aux risques d’expansion du terrorisme dans toute l’Afrique, mais il faut bien comprendre que cet engagement implique des investissements humains et capacitaires importants. Faute de moyens, les risques peuvent être très lourds pour les hommes sur le terrain.
D’abord, le prolongement de ces OPEX nécessite de pouvoir assurer un turnover, avec des hommes suffisamment entraînés mais aussi, il ne faut pas le négliger, suffisamment reposés, et cela même si nous engageons des retraits progressifs de Centrafrique.
Ensuite, cette action nous conduit à adopter une véritable politique de maintien en condition opérationnelle. Le vieillissement ainsi que l’usure des matériels et des équipements sont fortement accélérés par une faible disponibilité, accélération encore renforcée par la multiplication des théâtres d’engagement, par les conditions extrêmes liées aux conditions climatiques et par un état d’usage avancé, ce qui réduit la marge de régénération et augmente à terme les coûts.
L’attrition des matériels est telle qu’elle peut altérer nos capacités opérationnelles et a un impact important sur les conditions d’entraînement.
Le chef d’état-major des armées, Pierre de Villiers, déclarait le 21 mai dernier : « Sans moyens financiers supplémentaires pour régénérer ces matériels, et compte tenu de leur âge, le maintien du niveau d’engagement actuel se traduirait à court terme par une diminution rapide de plusieurs parcs, dont ceux des avions de transport tactique et de patrouille maritime, des hélicoptères de manœuvre et des véhicules blindés. Sans moyens financiers supplémentaires pour l’entretien des matériels, nous mettons en danger notre personnel. »
De fait, monsieur le ministre, nous ne pouvons que nous féliciter de voir que, sur toute la période, 88 milliards d’euros seront consacrés aux équipements, auxquels s’ajoutent 500 millions d’euros qui seront uniquement dédiés à la régénération des matériels. Ces efforts témoignent de la prise en compte de cette priorité ; c’est une excellente nouvelle.
Par ailleurs, j’évoquerai la diminution des déflations en termes de ressources humaines.
La réduction nette des effectifs ne portera que sur 6 918 postes, et non plus sur les 33 000 prévus, dont 10 000 étaient imputables à la loi de programmation. Ce retour en arrière est une sage décision, qui repose aussi sur la réalité. Du reste, nous savions tous déjà, à l’époque, que ces suppressions de postes n’étaient pas tenables. La politique de gestion des ressources humaines et l’objectif d’efficacité imposent une prévision à long terme. Celle-ci ne souffre aucun revirement trop brutal, sous peine de déstabiliser l’institution et d’altérer directement nos capacités d’engagement.
La hausse de crédits prévue dans ce projet de loi sera largement consacrée au financement d’une masse salariale qui doit, elle aussi, être proportionnelle à nos besoins.
En tant que membres de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, nous saluons les hausses de crédits et l’affectation de ces derniers. Néanmoins, ce qui prime pour nous, c’est une sanctuarisation effective et une programmation sincère. Sur ce point, le travail de nos deux collègues Jean-Pierre Raffarin et Dominique de Legge, qui est exemplaire et doit être pris en compte, nous conduira à émettre un vote favorable. Les clauses de sauvegarde intégrées au texte sont primordiales. Les garanties et la sanctuarisation réelle des crédits sont les gages d’un soutien concret à nos armées.
L’une des forces de la Haute Assemblée, c’est, me semble-t-il, d’améliorer et de renforcer ce qui peut l’être et de favoriser la responsabilité collective.