Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est dans un contexte fort différent de celui de la fin 2013 que nous procédons à l’actualisation de la loi de programmation militaire. Force est de constater qu’une sous-évaluation importante des besoins avait alors prévalu. L’exercice d’actualisation était donc indispensable.
Évidemment, le contexte sécuritaire s’est fortement tendu avec les attentats de Paris, les exactions de Daech et leurs retombées sur toute la région, mais ces éléments étaient déjà en germe à la fin 2013. Nous avions d'ailleurs été nombreux à nous inquiéter de la diminution drastique des moyens de notre défense.
À cet égard, le tout récent vol de détonateurs et d’explosifs sur le site militaire de Miramas soulève de nombreuses questions.
Plutôt que de réagir au coup par coup, crise après crise, il importe de renforcer notre capacité de résilience. Déployer 7 000 militaires sur le territoire national dans le cadre de l’opération Sentinelle, pourquoi pas ? Mais nous savons tous que, face aux menaces, c’est très insuffisant. Il faut développer la vigilance, en particulier en matière de renseignement. Il importe, pour cela, d’impliquer au maximum les citoyens dans la défense de notre sécurité et de nos valeurs. Nombreux sont ceux qui souhaitent pouvoir s’associer à cette cause. Nous ne pouvons pas laisser retomber l’élan du 11 janvier !
Notre pays dispose déjà, depuis des décennies, de structures pour canaliser cette envie d’engagement : ce sont les réserves.
Représentant le Sénat au Conseil supérieur de la réserve militaire et travaillant depuis de longues années sur ces questions, je salue la volonté de passer de 28 000 à 40 000 réservistes relevant du ministère de la défense. Cet objectif de 40 000 réservistes, qui figurait dans la loi de programmation militaire pour les années 2009 à 2014, n’avait pas été repris en 2013. Je me réjouis donc de sa réaffirmation, tout en m’interrogeant sur les moyens qui permettront de l’atteindre.
L’article 13 du projet de loi facilite la mobilisation des réservistes en réduisant les délais de préavis à l’employeur et en augmentant le nombre de jours annuels d’activité accomplis pendant le temps de travail. Ces dispositions viennent opportunément compléter la loi du 28 juillet 2011 tendant à faciliter l’utilisation des réserves militaires et civiles en cas de crise majeure, élaborée à partir du rapport rédigé par Michel Boutant et moi-même. Cette loi prévoyait nombre de leviers pour une montée en puissance des réserves, mais il aura fallu près de quatre ans pour que les décrets d’application paraissent enfin.
La tentation est toujours de créer de nouveaux outils plutôt que de valoriser les outils existants. Le Président de la République a ainsi demandé une mission sur la création d’une réserve citoyenne, alors que celle-ci a été instituée il y a plus de quinze ans !
Une réelle confusion peut naître de la coexistence de dispositifs disparates réunis sous le nom de « réserve citoyenne », surtout si l’articulation et le mode de tutelle de ces dispositifs ne sont pas clarifiés. L’emploi de l’expression « réserve citoyenne » pour désigner des intervenants non enseignants dans les écoles brouille la communication, alors même que les réserves ont besoin d’une image plus claire et plus professionnelle pour recruter plus largement dans la société civile. En outre, il semblerait que la réserve citoyenne de l’éducation nationale soit moins un levier pour mobiliser de nouveaux volontaires qu’un label apposé sur des dispositifs déjà existants. Il aurait donc été préférable de choisir une autre appellation.
Un problème similaire se pose d’ailleurs avec la prétendue création d’un service militaire volontaire, qui ne serait que la transposition en métropole du dispositif de service militaire adapté créé en 1961 pour l’outre-mer. La création, en 2005, de l’Établissement public d’insertion de la défense, l’EPIDE, visait déjà à réaliser cette transposition pour mieux réinsérer des jeunes éloignés de l’emploi. Quelle serait l’articulation entre les deux dispositifs et avec le service civique ? Peut-être une agence nationale de la réserve citoyenne pourrait-elle utilement chapeauter l’ensemble des dispositifs.
Le principe de la mobilisation de la société civile au service de la sécurité et des valeurs de la Nation est essentiel. Ne le galvaudons pas ! Monsieur le ministre, je compte sur vous pour y veiller en réaffirmant la prééminence de la défense dans ce domaine.
Le besoin de clarté n’est pas contradictoire avec la pluralité des missions, loin de là. Il est très utile que des réservistes citoyens puissent intervenir dans les écoles de France. Je plaide pour qu’ils puissent également contribuer au rayonnement de la francophonie à l’étranger. La réserve citoyenne pourrait être un acteur clé de notre diplomatie économique et de notre politique d’influence. Si le présent projet de loi insiste sur l’élargissement du recrutement des réservistes dans la société civile, il méconnaît le besoin de favoriser un tel recrutement parmi les Français de l’étranger. J’ai déposé des amendements pour y remédier.
Enfin, en France comme à l’international, il est essentiel de renforcer les partenariats avec les entreprises, afin que celles-ci voient l’implication de leurs salariés dans la réserve comme un atout et non comme une contrainte. Trop de réservistes préfèrent aujourd’hui dissimuler leur engagement à leur employeur. Il importe de réfléchir à un moyen de rendre le dispositif plus attractif, pour les entreprises comme pour les salariés.
La réserve citoyenne pourrait aussi permettre de mobiliser des bénévoles sur un large éventail de missions d’intérêt général, bien au-delà des seules situations de crise, que ce soit au bénéfice d’équipes de sécurité civile, de services de de cyberdéfense, d’établissements scolaires, de collectivités territoriales ou en appui d’associations.
Les réserves ont un rôle considérable à jouer, tant par leur action en faveur du lien entre l’armée et la Nation que pour le trésor de compétences qu’elles permettent de mobiliser à moindres frais. C’est un progrès qu’elles soient dûment mentionnées dans ce projet de loi actualisant la LPM, mais il importe que des moyens matériels suffisants suivent effectivement ces annonces.