Comme vous l'avez rappelé, le Contrôle général des lieux de privation de liberté a été créé par la loi du 30 octobre 2007, qui a deux sources : l'émergence dans le débat public, à la fin des années 1990, de la question des lieux d'enfermement et surtout des prisons, l'opinion publique prenant conscience de l'ampleur du problème ; et l'obligation internationale découlant de la signature et de la ratification par la France du protocole facultatif se rapportant à la Convention des Nations unies contre la torture de 1984, qui appelait la création d'un mécanisme national de prévention.
Par la loi du 26 mai 2014, le Parlement a élargi les pouvoirs du Contrôle général dans trois directions, en lui confiant le contrôle des retours forcés, depuis la sortie du centre de rétention administrative à la remise aux autorités du pays d'origine ; en instaurant un contrôle sur saisine, à partir des 4 200 requêtes que nous recevons par an ; et enfin en donnant accès aux dossiers médicaux, sous réserve que le contrôleur soit un médecin.
Nous ne contrôlons pas des personnes mais des lieux de privation de liberté, que celle-ci dure une heure, dans le cas d'une garde à vue, ou dix ans : commissariats, postes de gendarmerie, centres éducatifs fermés, établissements pénitentiaires pour mineurs, centres de rétention administrative, hôpitaux psychiatriques, locaux de rétention douanière. La loi de 2007 précise que nous n'intervenons pas sur les litiges entre personnes mais sur les lieux, afin de prévenir les atteintes aux droits fondamentaux et les traitements qui peuvent être assimilés à des traitements dégradants.
Nos quarante contrôleurs, dont la moitié à temps plein, effectuent cent cinquante visites par an en immersion complète durant une semaine, voire deux dans les établissements les plus importants. Pluridisciplinaires, les équipes de cinq à sept contrôleurs réunissent des médecins, des magistrats, des commissaires, des éducateurs qui vérifient le fonctionnement des établissements. Un rapport de constat est remis à la direction de l'établissement, qui peut renvoyer des observations sur des points matériels. Ensuite, le rapport de visite définitif est transmis au ministère compétent - nos correspondants étant les ministères de la justice, de l'intérieur et de la santé, exceptionnellement de l'éducation nationale.
Nous émettons également des avis ou des recommandations publiés au Journal officiel sur des sujets transversaux comme la privation de liberté des mineurs ou la situation des femmes. Si nous constatons une violation grave des droits fondamentaux, nous avons la possibilité de formuler des recommandations en urgence, sans attendre le rapport, adressées au ministre puis publiées, le cas échéant avec sa réponse, au Journal officiel.
À côté du pôle saisine qui instruit les requêtes - 90 à 95 % émanent de personnes détenues - nous définissons des établissements à visiter en priorité. Sous le mandat de Jean-Marie Delarue, le Contrôle général a visité l'ensemble des 192 établissements pénitentiaires, tous les centres de rétention administrative, les centres éducatifs fermés et les établissements pour mineurs, une partie des quatre mille commissariats et gendarmeries et 30 à 40 % des hôpitaux psychiatriques : j'ai fait de ces derniers la priorité de mon mandat, car des personnes y sont placées sous contraintes, ce qui n'est pas sans poser problème au regard des droits fondamentaux.
Une proposition de loi déposée crée un statut des AAI ; parmi les critères édictés pour garantir leur homogénéité figurent des obligations déjà présentes, pour ce qui nous concerne, dans la loi de 2007 ou issues de notre pratique. Les premières sont la garantie d'indépendance, le mandat de six ans du Contrôleur général, non renouvelable et non révocable, l'incompatibilité avec un ensemble de fonctions dont les fonctions électives, le secret professionnel absolu et la remise d'un rapport annuel au Président de la République. Parmi les secondes, je citerai l'interdiction de manifester des positions personnelles dans nos domaines d'activité, l'obligation de transparence, l'inscription de règles de déontologie des agents dans le règlement intérieur, mon prédécesseur ayant fait établir une charte précise des obligations des contrôleurs, et la transmission d'informations aux juridictions.