Merci de votre invitation. J'en ai fait part aux membres du Conseil supérieur, qui en ont été comme moi légèrement surpris. Sommes-nous une AAI ? Formellement, tout se passe comme si nous l'étions. En l'absence de critères légaux, ce statut est déterminé par le classement sur une liste tenue par le Secrétaire général du Gouvernement. Nous nous sommes aperçus que nous y figurions lorsqu'il nous a fallu, en application de la loi sur la transparence de la vie publique, procéder à des déclarations d'intérêts et de patrimoine à l'automne dernier. Les autres membres, tous bénévoles, ont trouvé que c'était là une contrainte excessive... Avec les nouvelles fonctions conférées par la loi du 17 avril 2015, notre rôle se rapproche en effet de celui d'un conseil de surveillance. Le sénateur Bonnecarrère avait d'ailleurs proposé de nous fusionner avec la commission financière, idée qui a tourné court.
Le fonctionnement du Conseil supérieur est, depuis sa création en 1957, très modeste : des moyens ténus pour une activité très limitée. En effet, nous n'avons pas l'initiative de notre action. Nous ne pouvons agir que suite à une plainte relative aux obligations de l'AFP, telles qu'elles sont définies par l'article 2 de la loi de 1957. Celles-ci portent sur le contenu de l'information diffusée - objectivité, impartialité, exactitude - mais aussi sur le rayonnement international de l'AFP. Son marché, essentiellement français entre 1945 et 1957, est devenu international, et le développement de l'AFP à l'étranger est d'ailleurs l'une des préoccupations majeures de son président.
Pendant mes quatre années de présidence, nous n'avons guère reçu plus d'une ou deux plaintes par an, et avons donc tenu en moyenne deux réunions par an. Si certaines plaintes étaient anecdotiques, une a particulièrement retenu mon attention. C'était en 2012, et elle provenait du syndicat des journalistes de l'AFP - comme souvent : ceux-ci souhaitent que l'AFP soit meilleure qu'elle n'est, mais nous conjurent, lors de l'instruction, de ne pas la condamner ! L'AFP avait bravé, pour la première fois, l'interdiction de diffuser les résultats de l'élection présidentielle avant la clôture des derniers bureaux de vote, pour ne pas être distancée par ses concurrents qui relayaient les informations diffusées depuis l'étranger. Nous avons jugé que l'affaire était très critiquable, car l'AFP s'était affranchie des recommandations de la Commission de contrôle de la campagne électorale en vue de l'élection présidentielle, présidée par le vice-président du Conseil d'État, et de la Commission des sondages. L'infraction était patente. Après en avoir débattu, nous n'avons pu faire mieux que d'entourer de motivations très critiques un dispositif qui relaxait entièrement le coupable... Pour beaucoup, en effet, l'AFP est sacrée, et il ne saurait être question de la condamner. Le juge que constitue le Conseil supérieur ne peut donc être trop sévère.
Depuis l'origine, le Conseil supérieur a considéré que les usagers de l'AFP, seuls autorisés par la loi à formuler un recours, sont ses abonnés : il s'agit donc uniquement des entreprises de presse, non des simples lecteurs. C'est un autre facteur de réduction de notre activité. L'occasion ne s'est pas présentée de modifier cette jurisprudence.
Chaque année, nous auditionnons le président de l'AFP, qui présente son rapport d'activité... Bref, un tableau assez modeste. Je me suis réjoui qu'à l'occasion des travaux sur le statut de l'AFP, le rôle du Conseil supérieur puisse être aussi réformé. J'ai d'ailleurs remis à Michel Françaix, qui a déposé une proposition de loi, ainsi qu'à Philippe Bonnecarrère, une note de deux pages sur ce point, que je vous ferai parvenir.
Les nouvelles attributions prévues par la loi du 17 avril 2015 supposent quelques moyens supplémentaires. Désormais, de nombreuses instances collégiales sont en mesure de jouer un rôle de conseil de surveillance de l'AFP : le conseil d'administration, celui de sa filiale AFP Blue, dotée d'un comité stratégique, la commission financière. Le Conseil supérieur ayant dorénavant des attributions dans le domaine financier, nous risquons d'être en double commande avec plusieurs de ces formations. La loi édicte de surcroît de nombreuses incompatibilités, bienvenues en principe mais qui, en pratique, risquent d'exacerber la concurrence entre ces quatre instances, si elles doivent être constituées de membres différents. Elles compliquent aussi ma première tâche, qui est de préparer la constitution du nouveau conseil d'administration...