Intervention de Antoine Durrleman

Commission des affaires sociales — Réunion du 8 juillet 2015 à 9h00
Certification des comptes du régime général de sécurité sociale exercice 2014 — Audition de M. Antoine duRrleman président de la sixième chambre de la cour des comptes

Antoine Durrleman, président de la sixième chambre de la Cour des comptes :

Vous avez souligné vous-même, monsieur le président, les difficultés d'un changement de calendrier, qui ne tiennent pas tant à l'organisation de la Cour qu'à la mission que la loi lui confie. En application de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale de juillet 1996, la Cour se prononce sur les tableaux d'équilibre et en application de celle de novembre 2010, sur le tableau patrimonial. Elle s'exprime sur la cohérence de l'équivalent d'un compte de résultat combiné et d'un bilan combiné des régimes obligatoires de base. La Cour a déjà des difficultés à obtenir de la direction de la sécurité sociale les données nécessaires à la fin du mois de juillet. Début septembre, en fonction des annexes 4 et 9 du PLFSS, elle procède aux ajustements et aux adaptations de ses observations.

Le calendrier est donc largement dans les mains de l'administration. La Cour plaide pour un travail d'anticipation de la certification du régime général et de celle des autres régimes qui est effectuée par des cabinets privés. Les tableaux pourraient être élaborés plus tôt, à partir de ces données.

De ce point de vue, il serait plus clair de distinguer entre la loi de financement de l'automne et une loi de règlement qui pourrait être déposée au début du mois de juin. Cette proposition déjà faite par la Cour suppose des modifications organiques sur lesquelles elle n'a pas de capacité d'initiative.

Pour en venir à la certification, dont c'est le neuvième exercice, je voudrais rappeler dans un premier temps la stratégie d'audit de la Cour avant d'indiquer son opinion sur les 9 ensembles de comptes qui lui sont soumis, correspondant à 4 organismes nationaux et à 5 branches et activités.

Il s'agit de masses financières considérables. 24 % du PIB pour les activités de recouvrement de l'Acoss, 20 % du PIB pour les dépenses.

La Cour a choisi une stratégie d'audit pour certifier que les comptes donnent une image fidèle. Sa mission s'inscrit dans le cadre du système normatif des normes internationales d'audit rappelées dans le dernier chapitre du rapport. Ce référentiel de la communauté de l'audit a des répercussions sur les autres régimes (MSA et RSI) mais aussi sur le système d'assurance-chômage et l'Unédic, dans la mesure où l'Acoss est chargée du recouvrement des cotisations d'assurance-chômage.

La Cour a une vision des risques liée à la nature même des organismes de sécurité sociale.

Le premier risque est lié au fait que des dizaines de millions d'opérations sont effectuées. La Cour cherche à mesurer ces risques avec la préoccupation première d'éviter tout risque systémique.

Ceci se traduit par l'audit systématique des systèmes d'information des organismes de sécurité sociale, une mission lourde partagée entre les équipes de certification (25 auditeurs sur un an) et des prestataires externes. Le défaut de paramétrage d'un système peut avoir des effets considérables.

La Cour procède à l'audit des dispositifs de contrôle interne et c'est ce que la certification a fait bouger. Le contrôle, qui relevait auparavant de l'agent comptable a posteriori est aujourd'hui une mission de l'ordonnateur, du directeur qui doit établir une cartographie des risques. Le contrôle est-il complet, efficace ? Porte-t-il sur les enjeux forts ?

La Cour ne se prononce pas seulement sur les procédures mais aussi sur les résultats en examinant les erreurs résiduelles après contrôle qui peuvent avoir une incidence très forte sur les comptes.

Elle maintient une homologie, une permanence de méthode qui amène les organismes de sécurité sociale à évoluer. La certification a été un enjeu puissant de modernisation de la gestion de la sécurité sociale. L'attention portée à la qualité de la liquidation est un facteur d'économie pour la sécurité sociale et un levier de progrès considérable. Pour autant, les progrès sont inégaux.

Pour la deuxième année consécutive, la Cour a certifié l'ensemble des 9 comptes examinés, certifiés pour la première fois pour l'exercice 2013.

Cela n'a pas toujours été le cas. Dans certains cas, la Cour a été amenée à constater l'impossibilité de certifier.

La branche maladie est plutôt un bon élève de la certification. La Cour a fait le constat de certains progrès et de faiblesses accrues, en particulier sur le contrôle interne des prestations en nature et en espèces.

La Cour a procédé à un test engagé l'an dernier qui consiste dans un contrôle de second niveau. Elle avait constaté l'an dernier un risque d'erreurs et d'anomalies résiduelles supérieur à l'indicateur suivi par la Cnam, avec un risque de 900 millions d'euros.

La caisse est sortie cette année d'une logique de déni et a pris des mesures pour améliorer la qualité de son contrôle interne. Cette année, le test de reliquidation des IJ est entaché d'erreurs et d'anomalies. Ceci est lié aux difficultés de la prise en charge des IJ qui sont d'une extraordinaire complexité, ce qui a des effets sur la qualité.

Comme en 2013, les comptes de la branche maladie ont été certifiés avec trois réserves.

La branche accidents du travail a vu ses comptes certifiés avec réserves en 2013 après une impossibilité de certifier en 2012 et un refus de certifier en 2011.

La Cour constate les mêmes difficultés malgré certains progrès. La branche est en attente d'un dispositif de recensement des contentieux dont le déploiement se décale dans le temps. Le refus de certification a amené la branche-maladie à s'engager.

La branche famille est l'élève qui entend la voix de l'enseignant avec une certaine distance. Après un refus de certification en 2012 et une certification avec réserve en 2013, elle a commencé à se mouvoir lentement.

En 2014, elle a fait des progrès sur la cartographie des risques, le contrôle interne et la mobilisation de son réseau mais les progrès sont restés en deçà des attentes. Comme en 2013, les comptes de la branche sont certifiés avec réserves. Le problème majeur réside dans le contrôle de la liquidation des prestations, un risque stabilisé mais à un niveau élevé qui reste l'objet d'une attention vigilante. La Cour reste en attente de progrès significatifs sinon elle devrait revenir sur son opinion. Elle espère que le message est bien passé et que le contrôle interne sera plus efficace, notamment sur le caractère opérationnel des indicateurs de suivi mis en place par la Cnaf.

La branche vieillesse a longtemps été une branche en souffrance du point de vue de la qualité de ses comptes. Elle a franchi un palier en 2013. En 2014, les comptes de la branche sont certifiés avec 4 réserves, comme en 2013.

L'activité recouvrement est un très bon élève de la certification en raison du caractère financier de son activité mais aussi au fait qu'elle porte une partie de l'endettement du régime général. La certification est pour elle un enjeu de marché et pas seulement de qualité de gestion. De nouveaux progrès ont été réalisés en 2014, qui ont permis de lever 10 points d'audits.

Le progrès majeur est la qualité du recouvrement sur les travailleurs indépendants. La Cour a pointé à plusieurs reprises les conséquences de la mise en place de l'interlocuteur social unique (ISU) à partir de 2008. Le rapport sur l'application de la loi de financement de 2012 a souligné l'improvisation de la réforme. Cette année, un cap a été franchi. Le travail de redressement a produit des effets mesurables. Cela ne veut pas dire que c'est la béatitude mais les commissaires aux comptes ont certifié les comptes du RSI. C'était le dernier régime à ne pas l'être et même la dernière administration publique.

En conclusion, le levier de la certification produit des effets et le jour viendra de la certification sans réserve.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion