Toutes les difficultés que rencontre la branche famille ne sont pas liées à son organisation interne. Elle est soumise aux variations des politiques mises en oeuvre et de la réglementation. En 2013, nous avons d'ailleurs souligné que les délais de prévenance sur lesquels l'Etat s'est engagé et qui sont indispensables à la bonne application par les CAF de la réglementation sont très rarement respectés, contrairement à l'objectif fixé par la convention d'objectifs et de gestion (COG). Les projets structurants de long terme s'en trouvent décalés en raison des contraintes immédiates qui concentrent l'essentiel des efforts.
Pour autant, la branche famille présente des fragilités qui lui sont propres. S'agissant des systèmes d'information, les efforts, les équipes et les partages de développement sont trop dispersés entre les différents acteurs. Il en résulte un manque de pilotage et de lisibilité des dispositifs. La Cnaf travaille sur ces questions, suivant en cela les recommandations de la Cour des comptes, mais le processus est difficile. La formation des agents constitue une deuxième difficulté propre à la branche famille. Celle-ci privilégie la polyvalence pour la liquidation des prestations familiales. Ce choix n'a cependant de sens qu'à partir du moment où les agents disposent de la même expertise pour toutes les prestations, ce qui n'est pas évident. Cela nous amène à la question de savoir si les CAF doivent avoir pour mission de tout faire, quelle que soit leur taille et leur force d'expertise. On pourrait parfaitement envisager que certaines activités soient mutualisées : des plateformes traiteraient à distance un certain nombre de sujets pour des caisses qui conserveraient leur ancrage territorial. Nous observons de façon plus générale, pour l'ensemble des branches, un manque de vision prospective. La mutualisation s'effectue de façon foisonnante, brouillonne, alors que des progrès considérables seraient possible si elle était concentrée sur les sujets les plus complexes et à fort enjeu.
S'agissant de la détection des erreurs et anomalies, le data mining apporte un certain nombre d'enseignements mais il ne peut résoudre à lui seul l'ensemble des enjeux et doit être fondé sur des critères objectifs.
La délégation de la gestion du régime obligatoire d'assurance maladie à des mutuelles peut en effet poser question lorsque ces dernières offrent une qualité de service qui n'est pas équivalente à celle de la Cnamts. C'est pour cette raison que certaines mutuelles sous-traitent leur activité aux Cpam. C'est ce que vient de faire très récemment la Mutuelle des étudiants (LMDE). L'objectif est d'améliorer la qualité de service mais cette forme de « détour méthodologique » - déléguer à un organisme des missions dont on a au préalable reçu délégation de sa part - ne peut manquer d'interroger.
S'agissant du FIR, nous avons en effet constaté des difficultés. La situation devrait malgré tout s'éclaircir dans la mesure où, depuis l'exercice 2015, les crédits du FIR sont retracés dans un budget annexe à celui des ARS.
Pour ce qui est des prestations en espèces et des engagements pluriannuels, il est nécessaire de clarifier les normes comptables. Le Conseil de la normalisation des comptes publics (CNoCP) a été saisi du sujet il y a deux ans. Il est toujours en train d'y réfléchir. La direction de la sécurité sociale (DSS) s'oppose à toute évolution sur ce point. Elle a le sentiment qu'afficher en engagements hors bilan des charges futures dont le niveau est élevé conduirait à affaiblir le système, en particulier de retraites. La Cour des comptes estime au contraire qu'il serait logique que ce point soit documenté. C'est déjà ce que fait l'Etat avec les pensions de retraite de ses fonctionnaires.
Le reversement par l'Acoss de 7,3 milliards d'euros aux AOT est lié au fait que les Urssaf ont en charge le prélèvement du versement transport et sa redistribution auprès des AOT. Cet exemple illustre le fait que les prélèvements réalisés par les Urssaf sont reversés auprès de plus de 900 attributaires, soit un champ qui dépasse très largement celui de la sécurité sociale. Le réseau des Urssaf est le deuxième réseau, après celui de la DGFiP, pour le recouvrement des contributions auprès des particuliers et des entreprises. Nous étudions actuellement la façon dont pourrait être assuré un meilleur partage des responsabilités entre l'Acoss et la DFGiP. Même si la DGFiP est de plus en plus attentive aux demandes exprimées par la sécurité sociale, il existe encore des marges de simplification.
La Cour des comptes a souligné à plusieurs reprises la nécessité de résoudre le problème du FSV. Des simplifications pourraient intervenir dans le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale avec l'intégration du FSV dans les comptes de la branche vieillesse. Il n'en demeure pas moins que le FSV reste structurellement déficitaire. Son déficit est repris annuellement par la Cades, avec celui de la branche vieillesse du régime général, dans la limite de 10 milliards d'euros décidée par le Parlement. Nous répétons année après année qu'il faut rééquilibrer le FSV. Si le déficit de la branche vieillesse s'est réduit 2014, celui du FSV a au contraire augmenté.
Les exigences de la Cour en matière de certification conduisent-elles à des retards dans la liquidation des pensions ? Certains responsables de caisse ont avancé cette explication. Nous avons cependant constaté les défauts structurels d'organisation propres à certaines caisses. La situation s'est tendue en 2014 en raison d'une augmentation du nombre de liquidations de pensions de retraite liée à la mise en place du nouveau système de prise en compte de la pénibilité. Le premier président lui-même a pris position sur ce point en indiquant que les allégations avancées sur le fait que la Cour serait responsable des retards pris dans la liquidation des pensions étaient infondées. Je souligne que les erreurs constatées dans les liquidations de pensions s'effectuent tantôt au détriment des finances du régime général, tantôt à celui des retraités eux-mêmes.
La Cour s'inscrit dans une logique d'accompagnement des caisses pour les aider à lever, d'année en année, les points de réserve. Nous avons identifié ceux sur lesquels les efforts doivent porter en priorité. Mais il faut bien être conscient que nous sommes encore dans une phase d'acculturation. Dans les entreprises, la certification se pratique depuis les années 1920. S'agissant des caisses de sécurité sociale, la certification n'a que neuf ans et elle est intervenue dans des institutions qui avaient beaucoup à apprendre en la matière. Pour autant, je crois que la trajectoire suivie est la bonne. Il arrive malgré tout qu'il y ait parfois des régressions, ce qui explique les changements d'opinion de la Cour. Le législateur a souhaité, et je crois qu'il a eu raison, que la certification des comptes de la sécurité sociale aille au-delà du simple constat de la conformité ou non aux règles comptables et de gestion. Le rapport de certification est de ce fait très lu dans les caisses de sécurité sociale.