Intervention de Marisol Touraine

Commission des affaires sociales — Réunion du 8 juillet 2015 à 9h00
Modernisation de notre système de santé — Audition de Mme Marisol Touraine ministre des affaires sociales de la santé et des droits des femmes

Marisol Touraine, ministre :

L'insertion de dispositions sur la santé et l'environnement nécessite un changement de paradigme qui provoque des débats. Tout le monde est d'accord pour favoriser la prévention mais les oppositions se lèvent et les lobbys s'expriment lorsque nous introduisons des mesures concrètes. L'article 1er du projet de loi définit ce qu'est une politique de santé en introduisant la prévention comme l'un des socles de notre politique. Nous rompons avec la tradition d'accumulation de plans de santé publique. La loi de 2004 en comptait cent : faute de priorité, il n'y avait pas structuration autour d'actions fortes. Nous pouvons bien sûr introduire d'autres éléments. Des éléments ambitieux ont déjà été engagés sur l'amiante. Le texte interdit aussi la vente de cabines UV aux particuliers, qui peuvent les utiliser sans précautions suffisantes. Est-on capable d'aller au-delà ? Je n'en suis pas certaine.

Nous avons la volonté de mettre en oeuvre, au-delà de la loi, le Plan national santé environnement 3. La difficulté réside dans le fait qu'on nous dit que les mesures n'existent pas quand elles ne figurent pas dans la loi, et qu'elles ne sont pas de nature législative lorsqu'on les y met. Il s'agit de marquer des orientations sans tout inscrire dans la loi.

Des progrès significatifs ont été réalisés contre les déserts médicaux depuis 2012. Il y a quelques années, nos concitoyens, les élus, ne concevaient pas la remise en cause du modèle consistant à avoir un médecin dans chaque commune, ce qui ne correspond plus aux attentes des professionnels. Ceux-ci ne s'installeront pas si la seule réponse que nous leur apportons est celle d'un travail isolé dans de petits villages. Le pacte territoire santé fait le pari de l'incitation et de l'attractivité renforcée grâce à des mesures concrètes : les maisons de santé pluriprofessionnelles, qui étaient 150 en 2012 et seront 800 à la fin de l'année ; le renforcement du contrat d'engagement de service public, une bourse d'études de 1 200 euros par mois en échange d'une installation dans un secteur sous-doté, pour 1 300 étudiants en médecine et en odontologie, soit déjà l'objectif pour 2016, et pour 1 500 étudiants en 2017 ; l'installation, dès la fin de l'année 2012, du dispositif des praticiens territoriaux de médecine générale, ces contrats spécifiques pour des jeunes s'installant dans des zones sous-dotées. Les 400 postes ouverts sont presque tous pourvus. Nous y ajoutons 200 postes pour des généralistes ou des spécialistes, soit 600 postes. Le Doubs a vu s'installer huit praticiens territoriaux de médecine générale et il y a aujourd'hui treize maisons de santé pluriprofessionnelles, contre deux en 2012. Les progrès sont là.

Deuxième réponse au besoin de présence médicale, l'organisation de la médecine libérale. Il faut une organisation mieux identifiée, d'où le numéro de téléphone unique et les pratiques médicales avancées, c'est-à-dire une coopération entre les médecins et les autres professionnels de santé. Ainsi, les ophtalmologistes ont décidé de travailler autrement pour pratiquer des bilans oculaires à distance ou les confier à d'autres professionnels. L'expérimentation dans les Pays-de-Loire a réduit les délais d'attente de six mois à quinze jours.

Avec les communautés professionnelles territoriales de santé, des réponses coordonnées existent partout. La forme de la réponse peut varier. Le pôle que vous évoquez, madame Doineau, peut être une maison ou un réseau, pourvu qu'il réponde aux attentes de la population. Le projet exige des réponses, à l'initiative des professionnels, et les ARS s'assurent qu'elles existent. Il ne s'agit nullement de mettre fin à vos initiatives.

Le pacte territoire santé suffit-il, monsieur Longeot ? Il a donné une impulsion très forte. L'article 12 ter marque la volonté d'en faire un enjeu national, avec un pilotage national et la définition d'orientations nationales. Ce pacte sera complété par de nouvelles mesures. Nous constatons ce qui marche. C'est le cas des bourses ou des praticiens territoriaux.

La transition de l'IDS à l'INDS se fera après le vote de la loi. La règlementation actuelle demeure en vigueur durant la période transitoire.

Le travail sur l'action de groupe a été mené en lien étroit avec la chancellerie. La décision a été prise en même temps au moment de l'introduction de l'action de groupe dans le secteur de la consommation. Nous avons décidé qu'il ne fallait pas un seul dispositif mais des solutions spécifiques pour l'environnement et la santé, qui n'est pas un bien comme les autres.

Madame Doineau, vous évoquez le manque de concertation. Je suis prête à entendre beaucoup de choses. Une grande concertation, menée pendant un an, a donné ce texte. Les professionnels ne l'ayant pas jugée assez approfondie lors de la rédaction de celui-ci, nous avons organisé entre janvier et mars des groupes de travail sur le tiers payant ; les communautés professionnelles - nous avons totalement réécrit le projet de loi et les professionnels disent qu'il convient très largement - ; les pratiques avancées - nous avons retiré la possibilité pour les pharmaciens de vacciner, ce qui était le plus controversé, même si tout le monde convient que certains actes doivent être portés par d'autres professionnels que les médecins, comme les sages-femmes - ; le service public hospitalier, et des garanties ont été inscrites sur l'absence de conséquence sur les autorisations en matériel de l'appartenance au service public hospitalier. En revanche, celle-ci représente une obligation et des devoirs, une spécificité à reconnaître.

Nous préparons une grande conférence de la santé parce que des inquiétudes ont été exprimées. Elle n'a pas pour objectif de modifier les dispositions de la loi mais d'en tirer des conclusions pour l'avenir, notamment en matière de formation des professionnels. La formation doit être adaptée à l'essor de la coopération entre les professionnels, ce à quoi elle ne forme pas actuellement, de même qu'elle ne prépare pas autant à l'exercice libéral qu'à l'hospitalier. Il n'y a pas de superposition, mais une déclinaison, dans le temps, cohérente.

De nombreuses dispositions en faveur de la recherche sont prévues, telles qu'un nouvel encadrement des essais cliniques, la facilité donnée aux essais thérapeutiques innovants, le contrat unique dans le cadre de la mise en oeuvre des essais cliniques dans les hôpitaux. Je serai attentive à vos propositions renforçant la recherche.

Madame Debré, le tiers payant existe dans beaucoup de pays développés, et jamais on n'y a constaté une déresponsabilisation. Il est exact que des patients bénéficiaires de la CMU ne se rendent pas à leurs rendez-vous. C'est aussi le cas de patients sans CMU. Cela s'appelle de la mauvaise éducation et celle-ci n'est manifestement pas liée au niveau de revenus. Les médecins déplorent le comportement des patients, quels qu'ils soient. Certains s'organisent différemment en pratiquant le surbooking ou en s'inscrivant sur des sites pour recevoir des personnes ayant besoin d'un médecin d'urgence pendant ces créneaux imprévus.

Depuis la loi Caillavet de 1976 sur le don d'organe, le consentement est présumé. Je ne renverse aucune logique. On part du principe que la personne est donneuse, tout en discutant avec la famille. La rédaction gouvernementale inscrit noir sur blanc la nécessité de discuter avec les familles, ce qui n'était pas le cas jusqu'à présent. Le besoin de concilier le manque de donneurs et la nécessité de ne pas brutaliser la famille à un moment difficile a poussé au lancement d'un grand débat pour savoir d'ici le 1er janvier 2017 sous quelle forme exprimer le refus ; un décret interviendra ensuite. Les personnes qui ne veulent pas donner leurs organes doivent le faire savoir. Le registre existant est insuffisamment connu. La question de la carte Vitale sera soulevée, avec ses difficultés : comment mélanger les informations confidentielles et les autres, sur une carte où sont inscrits des ayants-droit ?

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