Intervention de Jean-Marie Vanlerenberghe

Réunion du 9 juillet 2015 à 14h30
Orientation des finances publiques et règlement du budget de l'année 2014 — Débat puis rejet d'un projet de loi en procédure accélérée

Photo de Jean-Marie VanlerenbergheJean-Marie Vanlerenberghe :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, comme l’année dernière, le débat d’orientation des finances publiques est couplé avec la discussion générale du projet de loi de règlement du budget de l’État.

Pour les finances sociales, la première partie de la loi de financement de la sécurité sociale tient lieu de loi de règlement. Elle intervient tard, bien après le débat d’aujourd’hui, trop tard, sans doute, pour éclairer véritablement le débat sur la gestion passée.

Il faut dire que l’exécution des lois de financement s’étire, selon un processus particulièrement long, de la clôture des comptes du régime général, à la mi-mars, jusqu’à la production des tableaux d’équilibre, à la fin juillet.

La commission des affaires sociales souhaite vivement, monsieur le secrétaire d’État, que ce calendrier puisse être avancé. Le Parlement devrait pouvoir disposer avant l’été de l’ensemble des éléments en vue de l’examen de la loi de règlement.

Dans l’immédiat, la commission des comptes de la sécurité sociale, à laquelle vous avez assisté, a donné lieu à un grand exercice de satisfaction collective – peut-être pas pour tout le monde… –, le déficit étant moins élevé que prévu, comme vous l’avez annoncé à cette occasion.

Je voudrais, pour ma part, tempérer cet enthousiasme.

Certes, le déficit du régime général et des régimes obligatoires de base se réduit modestement, mais les résultats des autres régimes d’assurance sociale, tels que l’assurance chômage et les régimes de retraites complémentaires, se dégradent rapidement.

Sur ce périmètre, le déficit se réduit faiblement. Si nous le corrigeons de l’amortissement de la dette sociale et du Fonds de réserve des retraites, le déficit social est de 18, 8 milliards d’euros. Le déficit du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse, le FSV, est, quant à lui, rigoureusement identique à la prévision de la loi de financement initiale, en réduction, modeste par rapport à 2013 : 13, 2 milliards d’euros.

Ce déficit de la sécurité sociale est structurel. Certes, il a été aggravé par la crise, mais il lui préexistait.

La dette des comptes sociaux, faut-il le rappeler, est bien une anomalie : elle fait porter le poids de dépenses courantes sur les générations à venir. Or la dette sociale, qui a encore augmenté en 2014, a crû de 4 points de PIB depuis la crise.

Déficit et dette persistent malgré des efforts très importants en recettes : 15 milliards d’euros de nouveaux prélèvements en deux ans.

Nous vivons une dramatique crise de l’emploi, mais certainement pas une période d’austérité sociale : notre système de protection sociale a été préservé, ce dont nous nous réjouissons, et conforté dans ses aspects redistributifs. L’austérité existe néanmoins : elle est fiscale, et très fortement concentrée sur une fraction réduite de notre population.

Dans ces conditions, prenons garde, monsieur le secrétaire d’État, à préserver l’adhésion à un système de solidarité si patiemment édifié. En effet, comme vous l’avez sans doute noté, pour la troisième année consécutive, une majorité de nos concitoyens considère désormais que la protection sociale est un frein pour sortir de la crise économique actuelle – un frein, monsieur le secrétaire d’État !

J’en viens plus précisément au régime général de la sécurité sociale.

Le scénario 2014 est assez conforme à celui des années précédentes, c’est-à-dire que nous constatons une augmentation forte des recettes, mais aussi une croissance des dépenses, donc, au total, une réduction modeste des déficits, de 2, 2 milliards d’euros par rapport à 2013.

J’évoquerai rapidement les différents risques qui illustrent parfaitement ce constat.

Le déficit de l’assurance retraite se réduit grâce aux augmentations de cotisations dont a bénéficié la branche. La loi de 2010 commence à porter ses fruits, mais, en nombre de départs à la retraite, ses effets sont totalement compensés par l’assouplissement du dispositif « carrières longues ».

Le Fonds de solidarité vieillesse, dont la mission est de financer les avantages non contributifs du régime d’assurance retraite, connaît un déficit de 3, 5 milliards d’euros, ce qui est un réel sujet d’inquiétude. Il conduit davantage à masquer le déficit de notre système de retraite qu’à financer séparément ses éléments de solidarité. Nous souhaitons très clairement, monsieur le secrétaire d’État, qu’il soit réintégré dans les comptes de la branche vieillesse, qui comporte par ailleurs d’autres éléments non contributifs.

Pour ce qui concerne l’assurance maladie, l’ONDAM a, certes, été tenu pour la quatrième année consécutive, mais les dépenses ont progressé de 4, 2 milliards d’euros par rapport à 2013. Le déficit de l’assurance maladie s’établit donc à 6, 5 milliards d’euros, ce qui semble être aujourd’hui son régime de croisière.

Je terminerai par la branche famille, dont le solde s’améliore de 500 millions d’euros par rapport à 2013. Comme nous l’avons observé lors du dernier PLFSS, l’année 2014 amorce un tournant dans la politique familiale, qui privilégie désormais la redistribution entre les familles plutôt que la solidarité envers les familles de la part de l’ensemble de la population.

Tous ces éléments nous fournissent une base incertaine pour l’exécution 2015.

Je note que des économies supplémentaires sont prévues pour 1 milliard d’euros dans le programme de stabilité. À cet égard, je n’aurai pas l’inélégance de rappeler les propos avec lesquels la ministre de la santé avait accueilli cette proposition du Sénat lors de l’examen du dernier PLFSS ...

En dehors de l’impact de l’inflation, nous n’avons pas encore de précisions sur le degré de réalisation des économies prévues en 2015, sur lesquelles, vous vous en souvenez peut-être, j’avais émis quelques réserves.

Pourriez-vous nous préciser, en particulier, monsieur le secrétaire d’État, si les économies que vous attendiez des régimes à gestion paritaire sont bien au rendez-vous ?

En conclusion, je dirai que les réformes structurelles sont largement devant nous : des retraites prenant en compte l’allongement de la durée de vie et l’impératif d’équité entre salariés et entre générations ; un système de santé plus efficient, soucieux notamment de la réelle pertinence des actes ; une politique familiale permettant d’investir dans les générations nouvelles.

Telles sont, monsieur le secrétaire d’État, les remarques que je voulais formuler au nom de la commission des affaires sociales.

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