Intervention de Vincent Delahaye

Réunion du 9 juillet 2015 à 14h30
Orientation des finances publiques et règlement du budget de l'année 2014 — Débat puis rejet d'un projet de loi en procédure accélérée

Photo de Vincent DelahayeVincent Delahaye :

Il faut y faire très attention, mes chers collègues : nous ne pouvons continuer sur cette voie.

Je m’interroge sur la sincérité des dépenses.

Nous sommes confrontés à des sous-budgétisations régulières. Je pense aux OPEX. Dans ce domaine, les objectifs sont systématiquement dépassés de 600 millions d’euros à 700 millions d’euros. Je pense également aux prestations sociales – RSA, AME, etc. –, qui sont systématiquement sous-budgétées en début d’année et dont la dépense se révèle dans les faits beaucoup plus élevée.

Le rapporteur général a aussi souligné la sous-budgétisation des investissements d’avenir.

Il faut encore mentionner les charges à payer. D’aucuns les ont évoquées, mais il faut y revenir. Tout le monde ne comprend pas de quoi il retourne : il s’agit de services faits de 2014 dont on reporte le coût sur l’année 2015. Cette année, ce sont plus de 11 milliards d’euros de charges qui sont reportés sur l’exercice 2015. Ces charges impayées augmentent d’une année sur l’autre.

Monsieur le secrétaire d'État, vous nous opposerez qu’il en est ainsi chaque année, mais, cette année, le montant de ces charges augmente de 2 milliards d’euros. En d’autres termes, sur la base de l’exercice 2013, les dépenses auraient augmenté de 2 milliards d’euros. L’évolution des dépenses serait donc moins maîtrisée que ce que vous prétendez.

J’en viens aux recettes. Elles sont inférieures de 10 milliards d’euros aux prévisions. Cette baisse concerne surtout l’impôt sur les sociétés, ce qui est à mon sens très inquiétant, non seulement pour aujourd’hui, mais aussi pour demain. C’est en effet le signe que l’état et le taux de rentabilité de nos sociétés ne sont pas bons.

Sur le volet « recettes », de nombreux autres éléments m’inquiètent également, notamment le fait que, même si les recettes sont moindres, le taux des prélèvements obligatoires atteint un record et représente 44, 9 % de la richesse nationale.

Oui, les dépenses publiques, les prélèvements obligatoires, mais aussi le taux de chômage, qui n’a jamais été aussi élevé en France qu’aujourd'hui, ont atteint des niveaux records. Monsieur le secrétaire d’État, si j’étais vous, je serais inquiet, car le gouvernement auquel vous appartenez va détenir tous les records en France !

Mais tous ces records – dépenses publiques, prélèvements obligatoires et chômage - sont liés. Si l’on n’inverse pas rapidement la tendance, la situation ne s’améliorera malheureusement pas pour la France ni pour nos concitoyens, notamment pour ceux d’entre eux qui souffrent le plus, les chômeurs. Et ce n’est pas l’augmentation des crédits que vous nous annoncez en faveur des emplois aidés qui nous permettront de nous en sortir !

Alors que les recettes rentrent mal, que les dépenses augmentent plus vite que l’inflation, que le déficit repart à la hausse, que la dette s’envole, je ne vois pas comment vous pouvez nous dire que la situation est bonne. Pour ma part, je pense qu’elle est mauvaise. Pour cette raison, le groupe UDI-UC votera contre ce projet de loi de règlement, comme il a voté contre le projet de loi de finances initiale.

J’en viens maintenant aux orientations pour 2016. Vous nous annoncez une reprise de la croissance en 2016, monsieur le secrétaire d’État, je veux bien y croire. Je rappelle toutefois que, contrairement à ce que vous avez déclaré à l’instant, tout le monde n’était pas d’accord sur le fait que la croissance allait repartir à la hausse en 2014. Certains d’entre nous ici ont dit l’inverse. À cet égard, je vous invite à relire nos interventions, monsieur le secrétaire d’État, en particulier la mienne. Pour ma part, j’ai toujours soutenu que, en matière de croissance, il valait mieux être prudent que trop optimiste.

Notre taux de croissance en 2014 s’est établi à 0, 2 %, soit quatre fois moins que la moyenne européenne, laquelle se situait à 0, 9 %. Alors que nous avons été le mauvais élève de la classe en 2014, nous le serons encore en 2015 : le taux de croissance de la zone euro sera en moyenne de 1, 5 %, mais le nôtre devrait se situer autour de 1 %.

Ce qui m’inquiète le plus, c’est que, en France, la croissance repose malheureusement sur la consommation, et non sur l’investissement. En outre, nous consommons à crédit. Je pense donc que la croissance est très fragile et qu’elle ne sera pas durable, même si je ne souhaite pas de mauvais lendemains à notre pays et aux Français.

Que faut-il donc faire ? Je suis de ceux qui pensent qu’il faut réellement réduire la dépense publique, et pas uniquement celle des collectivités locales, lesquelles ont déjà réduit leurs dépenses.

Des réformes de fond sont nécessaires. On parle souvent de réformes structurelles. Pour ma part, j’emploie les termes « réforme de fond », car je sais, monsieur le secrétaire d’État, que vous n’aimez pas le mot « structurel », même si vous l’avez employé pour qualifier le déficit. Quand j’évoque des économies structurelles, vous me dites que vous ne savez pas ce que c’est. Les économies structurelles, monsieur le secrétaire d’État, ont un caractère pérenne, elles durent. Il ne s’agit pas d’économies que l’on réalise en renonçant à des investissements afin de financer des prestations sociales. Or des économies pérennes s’appuient sur des réformes de fond.

Nous savons quelles réformes doivent être réalisées : il faut instaurer la TVA sociale, revenir sur les retraites par répartition et mettre en œuvre un régime de retraites à points, simplifier le code du travail pour libérer un peu les énergies, procéder à la réforme fiscale qui nous avait été un temps annoncée pour rendre l’impôt plus efficace économiquement, sans doute revoir les conditions d’octroi de certaines prestations sociales, comme l’aide médicale de l’État.

Bref, de nombreuses réformes sont à faire. Je pense malheureusement que le Gouvernement n’aura ni le courage ni la volonté de les mener à bien.

Je suis donc également inquiet pour les comptes de 2016. J’espère me tromper, car, non, je ne souhaite pas de malheur à notre pays.

En conclusion, il est grand temps pour le Gouvernement d’agir réellement et non pas de faire semblant, puisque telle est l’impression qu’il donne aujourd'hui.

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