Intervention de Philippe Dallier

Réunion du 9 juillet 2015 à 14h30
Orientation des finances publiques et règlement du budget de l'année 2014 — Débat puis rejet d'un projet de loi en procédure accélérée

Photo de Philippe DallierPhilippe Dallier :

… – vous le voyez, je suis précis – en déduisant les investissements d’avenir, il y a une rupture avec les années précédentes, le déficit ayant toujours reculé depuis 2010.

Les chiffres sont là : le déficit du budget de l’État est bien reparti à la hausse en France, et notre pays est le seul dans cette situation en Europe, avec la Croatie.

Quant au déficit public dans son ensemble, celui des administrations publiques, il diminue, très légèrement, de 1, 6 milliard d’euros. Je ne peux toutefois pas m’empêcher, mes chers collègues, de rapprocher ce chiffre de celui de la baisse des dotations de l’État aux collectivités locales, qui fut de 1, 5 milliard d’euros. Autant dire – c’est un raccourci, je le reconnais – que c’est à elles, et à elles seules, que vous devez le fait que le déficit ne se soit pas aggravé en 2014 également.

Les collectivités locales, malgré tout le mal que l’on en dit dans les médias – elles seraient trop dépensières, mal gérées, les élus seraient incapables de se réformer –, vous auront été bien utiles en 2014 pour contenir le déficit, comme le note la Cour des comptes. Si j’ai bien lu, il en sera peut-être de même en 2016, puisque les économies que l’État porte à son crédit – 3, 6 milliards d’euros – correspondent à peu près à la baisse des dotations de l’État que ces mêmes collectivités locales vont encore subir.

Or, monsieur le secrétaire d’État, la médaille a un revers. Dès l’année dernière, les collectivités locales ont commencé à réduire leurs dépenses d’investissement, ce qu’elles continueront de faire jusqu’en 2017. Comme le montre une très intéressante étude que la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation est en train de réaliser, cette réduction ne sera pas sans effet sur la croissance - on évoque ainsi une perte de 0, 6 % de PIB. Elle ne sera pas non plus sans effet sur l’emploi - les responsables de la Fédération nationale des travaux publics anticipent la suppression de 60 000 postes dans le secteur. Est-ce vraiment ce que vous voulez, monsieur le secrétaire d’État ?

Revenons à l’exercice 2014, qui s’annonçait sous de bien meilleurs auspices dans le projet de loi de programmation de 2012, lequel prévoyait un déficit public de 2, 2 % par rapport au PIB. La logique était simple : on allait augmenter les impôts, faire rentrer les recettes et donc mécaniquement réduire le déficit. Un an plus tard, à l’automne 2013, les 2, 2 % s’étaient transformés en 3, 6 % dans le projet de loi de finances initiale pour 2014.

Au final, nous en sommes à 4 %. Et je passe sur l’épisode de la fin de l’année dernière, où le pire avait été envisagé dans le projet de loi de finances rectificative. À deux semaines de la fin de l’année, on évoquait un déficit de 4, 3 % ou de 4, 4 %. Au bout du compte, on se demande si on ne s’est pas juste fait peur afin de pouvoir annoncer ensuite que le déficit n’était finalement pas aussi catastrophique que prévu…

Dans ces conditions, comment considérer que 2014 fut une année budgétaire satisfaisante, ou même passable ? C’est d’autant moins possible, à notre sens, que nous ne cessons de nous éloigner des prévisions pluriannuelles pourtant régulièrement réajustées pour tenir compte de ces évolutions.

Pourtant, en 2014, la conjoncture a été indéniablement plus favorable sur certains points, mes chers collègues, que les années précédentes. §Elle a été marquée par la baisse de l’euro, celle des taux d’intérêt et des prix des matières premières, notamment du pétrole.

Monsieur le secrétaire d’État, vous avez à maintes reprises pointé ces facteurs, censés être les signes avant-coureurs d’une reprise. Ils devaient même permettre d’inverser la courbe du chômage. Mais non, rien n’y a fait ! Pour notre économie, 2014 a été une nouvelle année noire, et le terme n’est selon moi pas trop fort.

Le taux de croissance a péniblement atteint 0, 2 %, contre 0, 4 % en 2013. Le nombre d’entreprises ayant déposé leur bilan s’est élevé à près de 64 000, comme en 2013, et le nombre de chômeurs n’a fait que progresser, pour atteindre, depuis peu, 3, 5 millions de personnes, s’agissant de celles qui sont complètement privées d’emploi. En 37 mois de gouvernement Ayrault puis Valls, nous aurons connu 32 mois de hausse consécutive du chômage !

Oui, en 2014, la situation économique et budgétaire de la France s’est bien dégradée, contrairement à ce qui s’est passé chez nombre de nos voisins, lesquels connaissent, eux, des améliorations.

Je n’évoquerai pas l’Allemagne, car, dès que l’on en parle, certains prennent peur.

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