Intervention de Serge Dassault

Réunion du 9 juillet 2015 à 14h30
Orientation des finances publiques et règlement du budget de l'année 2014 — Débat puis rejet d'un projet de loi en procédure accélérée

Photo de Serge DassaultSerge Dassault :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, je donnerai dans le même registre que Vincent Delahaye et Philippe Dallier.

Monsieur le secrétaire d’État, comme les deux années précédentes, le Premier président de la Cour des comptes a certifié les comptes de l’État pour 2014, mais en critiquant votre vision à court terme des finances publiques. Surtout, il vous met en garde contre votre excès d’optimisme dans vos prévisions, disant de l’exécution budgétaire 2014 qu’elle a été « compromise par des prévisions optimistes en recettes et des ajustements tardifs en dépenses ».

C’est effectivement ce qui s’est passé. Vous aviez prévu une croissance de 0, 9 % pour 2014, alors qu’elle est finalement évaluée à 0, 2 %. Votre objectif de 3, 8 % de déficit n’est pas atteint, puisque le déficit s’élève finalement à 4 % du PIB. Le déficit de l’État s’alourdit de presque 11 milliards d’euros, et il sera, une fois de plus, financé par l’emprunt.

Les dépenses nettes du budget de l’État ont augmenté de 4, 23 milliards d’euros. Quant aux recettes fiscales, elles ont diminué, de 9, 7 milliards d’euros, en partie en raison du faible rendement de l’impôt sur le revenu.

La baisse de 48 % des recettes de l’impôt sur les sociétés au premier trimestre 2015 va encore augmenter nos déficits, bien que le taux de cet impôt reste très élevé. Votre gouvernement refuse de faire de la réduction de notre déficit budgétaire une priorité absolue en n’engageant pas les réformes nécessaires et en refusant de supprimer les dépenses inutiles et démagogiques. En effet, il décide d’augmenter le salaire des fonctionnaires et d’accroître encore le nombre de fonctionnaires en créant 60 000 postes dans l’éducation nationale, ce qui nous coûtera plus de 90 milliards d’euros sur soixante ans. En effet, chacun de ces postes créés revient à 3 millions par an et par personne, sur soixante ans, c'est-à-dire quarante ans d’activité et vingt ans de retraite qu’il faudra payer !

Le Gouvernement crée 100 000 nouveaux contrats aidés pour 1 milliard d’euros – à quoi cela va-t-il servir ? Il crée encore une prime d’activité, pour 4 milliards d’euros. Ces mesures sont inefficaces, elles ne créeront aucun emploi durable et elles coûtent donc 5 milliards d’euros.

Par ailleurs, vous continuez à financer l’aide médicale d’État et le RSA pour les étrangers : c’est très bien, mais cela coûte 2 milliards d’euros par an, que nous n’avons pas et que vous empruntez.

Au lieu de réduire drastiquement nos dépenses publiques, vous continuez à les augmenter en refusant de réduire les dépenses sociales ; au contraire, vous les augmentez, car telle est votre politique.

Toutefois, la France n’a plus les moyens de la politique sociale qu’elle finance par l’emprunt. Il faudrait tout de même en convenir ! Nous continuons à dépenser l’argent que nous n’avons pas et à augmenter notre dette chaque année de 70 à 80 milliards d’euros de déficit budgétaire. Nous ne commencerons à rembourser notre dette que lorsque nous retrouverons l’équilibre budgétaire. Ce n’est pas demain la veille ! Avec cette politique, le Gouvernement ne respectera pas son engagement de 3 % de déficit public pour 2017, ce qui correspond à 60 milliards d’euros. Cet engagement sera donc reporté pour la quatrième fois.

Je rappelle que, dans ses promesses électorales, le Président de la République s’était engagé à atteindre l’équilibre budgétaire en 2017. On en est loin !

La Cour des comptes vous avait pourtant régulièrement mis en garde contre une dette toujours croissante. Rapport après rapport, elle préconise de réduire drastiquement nos dépenses publiques et nos prélèvements obligatoires, mais vous ne l’écoutez pas.

Rapport après rapport, la Cour tire la sonnette d’alarme sur notre niveau d’endettement, mais vous ne l’écoutez pas.

Rapport après rapport, elle vous met en garde contre un risque d’envolée des taux. Là encore, vous ne l’écoutez pas. Ce dernier point est pourtant capital, encore plus dans le contexte actuel.

En tant que rapporteur sur la charge de la dette, je vous rappelle que le risque d’envolée des taux d’intérêt dans la zone euro n’est pas négligeable et qu’il serait catastrophique pour la France : en 2015, elle emprunte 200 milliards d’euros, dont 70 à 80 milliards d’euros pour financer notre déficit budgétaire et plus de 130 milliards d’euros pour faire face aux échéances de notre dette.

Nos taux d’intérêt à dix ans sont déjà passés de 0, 33 % en avril dernier à 1, 25 % environ aujourd’hui et la crise grecque risque de maintenir cette tendance à la hausse, qui pourrait même s’accélérer.

Chaque point de taux d’intérêt supplémentaire représentera un coût de 2, 4 milliards d’euros la première année et près de 40 milliards d’euros sur cinq ans, comme vous l’a récemment rappelé le gouverneur de la Banque de France, Christian Noyer. Ce n’est donc pas le produit de mon imagination !

Monsieur le secrétaire d’État, notre situation ressemble plus à celle de la Grèce qu’à celle de l’Allemagne ou de l’Angleterre.

Il y a deux façons de présenter des prévisions. La plus dangereuse consiste à faire des prévisions optimistes pour donner confiance, mais elle présente des risques d’échecs graves dans le cas où la prévision ne se réaliserait pas. C’est la situation actuelle. La moins risquée consiste au contraire à faire des prévisions prudentes, qui peuvent parfois être démenties par des résultats meilleurs que prévu, ce qui augmente l’activité. Si nous étions dans ce cas-là, nous vous féliciterions de votre gestion.

Le Gouvernement refuse de prendre conscience de la situation alarmante de notre économie.

La croissance redémarre partout en Europe, sauf en France. Le Royaume-Uni a une croissance de 2, 8 %, alors qu’elle n’est que 0, 2 % chez nous. C’est que le Royaume-Uni a pris les dispositions nécessaires dont l’absence en France explique notre situation de grande précarité, malgré vos 400 000 emplois aidés qui nous ont déjà coûté près de 5 milliards d’euros depuis 2012. Les contrats aidés coûtent cher et ne servent pas forcément à grand-chose parce qu’ils ne sortent pas définitivement du chômage ceux qui en bénéficient.

Il serait peut-être temps que le Gouvernement se remette en cause, car cette croissance en berne et ce chômage en explosion sont le fruit de sa politique ! Et ce ne sont pas les orientations budgétaires 2015-2018, dont on nous a parlé récemment, qui nous rassurent !

Pourtant, un autre politique économique est possible : le Royaume-Uni enregistre de bons résultats, qui sont dus non pas au hasard, mais à des réformes courageuses menées depuis une trentaine d’années et initiées par Margaret Thatcher. La France n’a pas eu la chance d’avoir une telle personnalité à sa tête, et c’est dommage !

Le Royaume-Uni a créé le système fiscal le plus compétitif du G20, avec pour objectif de devenir l’un des meilleurs pays pour la création et le développement des entreprises. Les réformes ont porté sur la flexibilité de l’emploi, dont vous ne voulez pas entendre parler, et sur la simplification et la réduction de la pression fiscale, que nous augmentons. On fait tout le contraire de ce qu’il faudrait faire !

Le taux de l’impôt sur les sociétés est passé là-bas de 28 % à 20 %, alors que nous ne faisons rien en ce sens, et de nombreuses niches fiscales ont été supprimées. Pourquoi n’agissons-nous pas ainsi ?

Le Royaume-Uni a mis également en place un dispositif accordant 50 % de déduction d’impôt pour les investissements dans les jeunes entreprises créatrices d’emploi. Par ailleurs, le nombre d’apprentis a augmenté.

Comme le disait Tony Blair, « la bonne politique n’est ni de gauche ni de droite, c’est celle qui marche. » Or votre politique, monsieur le secrétaire d’État, ne marche pas !

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