La situation de la biodiversité marine est particulière, les espèces étant inséparables de leurs habitats emblématiques et des services écosystémiques qu'elles produisent. Elle comprend environ 250 000 espèces marines, des découvertes régulières étant de surcroît réalisées. La zone économique exclusive (ZEE) de la France étant la deuxième du monde, avec une surface de onze millions de kilomètres carrés, le rôle de la France en la matière est essentiel.
Une carte des pressions subies par la biodiversité marine a été récemment dressée à l'échelle globale, des démarches scientifiques permettant désormais de les estimer. Dans le cas du milieu marin, il n'est pas question de sixième extinction, peu d'espèces disparaissant, mais des altérations profondes des services écosystémiques dues à différentes pressions sont observables. Les causes majeures de ce type de perturbation résident dans la disparition ou la dégradation des habitats naturels, comme les mangroves ou les récifs coralliens, la surexploitation des ressources marines, l'introduction d'espèces exotiques et le changement global incluant le réchauffement climatique.
Les conséquences en sont des modifications très rapides des propriétés physiques et biologiques à l'échelle globale des océans et partant des modifications durables de la biodiversité. Les océans se réchauffent et s'acidifient, tandis que les aires de répartition des espèces évoluent de façon majeure, davantage que celles des milieux terrestres. Les aires de répartition des espèces exploitées changent également, modifiant durablement les activités humaines. En outre, les interactions biologiques se désynchronisent, produisant des effondrements de production et des restructurations profondes et pérennes des écosystèmes.
L'acidification des océans, miroir chimique de leur réchauffement, conduit à une réduction progressive des zones favorables au développement des récifs sur le plan environnemental. En l'absence de maîtrise des gaz à effet de serre, les paramètres physico-chimiques des océans pourraient induire une dégradation totale des récifs coralliens dans un délai rapide. De surcroît, ces évolutions globales perturbent l'ensemble des initiatives locales de préservation et de conservation des habitats.
De même, une modification notable des aires de répartition des thons est prévue par le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) à brève échéance, provoquant un bouleversement de la production halieutique. Or, les thons étant des prédateurs en haute chaîne trophique, les évolutions les affectant peuvent cacher d'autres perturbations durables et majeures sur l'ensemble de la chaîne alimentaire et des écosystèmes.
Déterminée par la Convention biodiversité biologique à la suite de la Conférence de Rio, la stratégie internationale de préservation de la biodiversité consiste à développer les aires marines protégées dans la plupart des grands écosystèmes marins. Elle a été déclinée aux niveaux européen et français, notamment à travers la création de l'Agence des aires marines protégées. Elle a également été mise en oeuvre à l'occasion du Grenelle de la mer, qui visait à placer 20 % de la ZEE française sous le statut d'aire marine protégée, soit un objectif plus ambitieux que celui de la stratégie internationale établi à 10 %, et la moitié sous le statut de réserve halieutique.
Si l'Agence des aires marines protégées a correctement mis en oeuvre la stratégie, via la création de parcs naturels marins, y compris en outre-mer, le caractère fonctionnel du réseau reste à améliorer. En effet, la connectivité des différentes aires marines protégées constitue l'un des objectifs de la stratégie internationale. Elle est l'objet d'un des axes de recherche développés par l'Ifremer et le groupement de recherche Marco à l'échelle européenne, travaillant sur les méthodes d'évaluation et les stratégies permettant de déterminer les relations entre les surfaces protégées et les espèces devant être protégées.
La stratégie internationale doit aussi être menée à travers la modélisation et le développement de scénarios intégrant et couplant l'état actuel de la biodiversité, ses usages et l'impact du réchauffement climatique. La prise en compte de tous les facteurs constitue une approche systémique modélisant l'état de la ressource et les pressions de l'environnement afin de développer des scénarios de gestion. Dans ce cadre, la gestion de la crevetticulture en Guyane a par exemple fait l'objet d'une étude. L'approche systémique vise à dépasser le cadre statique de la gestion, à l'origine des quotas de pêche par exemple, et de privilégier une approche dynamique de la gestion permettant de déterminer la viabilité des activités humaines d'exploitation. Les modalités de gestion en découlant devraient être plus complexes, mais également plus pérennes. Leur élaboration nécessite de recourir à des observatoires de la biodiversité.
L'Ifremer dispose actuellement en métropole et dans les départements d'outre-mer d'un système d'information halieutique qui portait initialement sur les usages et l'évolution des ressources. Il intègre désormais également toutes les données environnementales. L'approche est donc beaucoup plus intégrée, tandis que les données sont bancarisées dans des systèmes informatiques. Parallèlement à cette approche nationale, des actions régionales sont menées. Par exemple, l'évolution des populations de tortues dans l'océan Indien est analysée, de même que les interactions existant avec les activités de pêche. Ainsi, les captures accidentelles pourront être évitées. Les espèces invasives sur l'archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon font également l'objet d'une étude, en partenariat avec les scientifiques canadiens.
Enfin, au niveau local, des méthodologies de suivi de la biodiversité, in situ et de façon dynamique, sont élaborées. Par exemple, un système de vidéo sous-marine en continu et à 360 degrés a été développé en Nouvelle-Calédonie, permettant d'observer l'ensemble des populations marines en direct. Ce type de méthodologie pourrait être transposé à d'autres secteurs. L'ensemble des données obtenues sont bancarisées dans des systèmes interopérables favorisant l'échange de données et améliorant la pertinence des analyses. Par ailleurs, l'initiative en cours au sein de la Fondation pour la recherche sur la biodiversité (FRB), Ecoscope, vise à établir un partenariat entre les différents organismes de recherche et à accentuer la valeur ajoutée des observatoires.