L'UICN, dont le siège se trouve désormais en Suisse, est née en France il y a une soixantaine d'années à l'initiative de scientifiques désirant partager leurs connaissances avec les États. Elle vise à améliorer la connaissance en vue de protéger, partager et alerter. Elle publie par exemple des listes rouges propres à chaque région, rendant compte de l'état de la connaissance et identifiant les espèces menacées. Des programmes de conservation sont aussi développés, particulièrement à travers l'outil des aires protégées, dans lesquelles l'homme gère la nature dans son intérêt. En effet, la présence humaine sur la planète est due à la biodiversité, elle-même à l'origine de l'oxygène et de l'eau. Plutôt que de nature, dont l'homme était distingué, nous parlons désormais de biodiversité, monde global du vivant dans lequel s'inscrit l'homme. En effet, l'homme constitue lui-même une biodiversité en raison du nombre de bactéries qu'il comprend, plus important que celui des cellules qui le composent.
La connaissance systématique et scientifique est considérable. La France a la chance de disposer de très bons organismes scientifiques. Toutefois, la connaissance systématique doit aussi être pratique et opérationnelle, afin de permettre un vivre ensemble harmonieux avec les communautés animales et végétales. Dans les outre-mer, la richesse de la biodiversité se double d'une richesse culturelle importante. De nombreuses communautés sont parvenues à vivre en harmonie avec la nature. En revanche, sur l'île de Pâques, le développement culturel a conduit à la destruction de son espace naturel. Il convient de faire en sorte que la planète Terre ne connaisse pas le même sort que l'île de Pâques. Cependant, un programme intéressant de reconquête de l'espace et de réhabilitation est mis en oeuvre sur l'île de Pâques aujourd'hui.
Les outre-mer pâtissent d'un double handicap. Ils dépendent de l'Europe, alors que les Européens sont continentaux et terriens. Lorsque l'Union européenne (UE) a souhaité élaborer une politique maritime, le Conseil de l'Europe s'est réuni à Paris, affirmant toutefois que la France n'était pas un pays maritime. Or, la France est le deuxième pays maritime après les États-Unis d'Amérique grâce aux outre-mer et n'a pourtant pas de politique maritime à la hauteur de cet atout considérable.
Quant à la politique des outre-mer, elle a fait l'objet d'une prise de conscience importante depuis une vingtaine d'années. Les organisations non gouvernementales telles que l'UICN y ont d'ailleurs contribué. En outre, l'UICN vient d'éditer un ouvrage présentant l'état des connaissances de la biodiversité dans les outre-mer. Beaucoup reste à faire en la matière : dans le cas des milieux maritimes, par exemple, 80 % de la biodiversité est encore inconnue. Il serait inutile de disposer de cette connaissance sans rien en faire et en nous contentant de l'intégrer aux collections du Muséum national d'histoire naturelle. En effet, nous pourrions réaliser que l'ADN d'une espèce disparue aurait pu soigner le cancer ou que des bactéries auraient pu être utilisées dans les domaines de la santé et de l'alimentation.
Puisque l'outre-mer représente 80 % de la biodiversité, il conviendrait d'y allouer 80 % des moyens humains et financiers. Pour gérer le parc marin des îles Glorieuses, non habité de façon permanente mais dont la surface avoisine celle de la Corse, nous disposons d'un budget de 150 000 €. Nous n'avons pas encore mesuré la nécessité de doter les outre-mer de moyens plus importants. Les politiques en faveur de la connaissance et de la recherche et développement doivent être amplifiées dans les outre-mer où existent des atouts majeurs.
Les collectivités territoriales et les services de l'État doivent travailler davantage en synergie. Il faut également que les populations locales soient plus impliquées, une connaissance non partagée par ces dernières ne permettant pas une préservation efficace. Les jeunes d'outre-mer adhèrent désormais à une connaissance internationale de l'usage des techniques modernes de communication, mais sont peu enclins à adhérer à une connaissance de leur territoire. Consommer leurs produits locaux n'est pas valorisant pour eux, dès lors qu'ils n'ont pas conscience du caractère extraordinaire de leur propre biodiversité.