C'est un honneur pour moi d'être reçu par votre commission, en tant que serviteur de l'État depuis trente-huit ans et citoyen impliqué dans la vie de la cité à titre professionnel et associatif.
Durant ma carrière, j'ai travaillé au sein des services déconcentrés de l'État ; en cabinet ministériel auprès de Louis Le Pensec ; en direction d'administration centrale au ministère de l'Agriculture sous Louis Le Pensec, Jean Glavany et François Patriat ; j'ai dirigé ou codirigé deux établissements publics, l'Agence du médicament et l'Agence des espaces verts d'Île-de-France. J'apporterai à l'Office, si vous le décidez, l'expérience de toute ma vie. Je suis un homme d'action et de décision. Al Gore dit fort justement que « la volonté est une ressource renouvelable ». Gestionnaire depuis cinq ans des forêts de la région Île-de-France, je reste humble face au domaine bien plus grand dont l'ONF a la charge.
L'ONF est une belle maison aux valeurs fortes, au personnel engagé. Son prestige est immense, surtout au-delà des frontières. Premier gestionnaire d'espaces naturels en France, avec dix millions d'hectares en métropole et outre-mer, il accueille 500 millions de visiteurs par an sur des sites dont un tiers sont classés en zone Natura 2000. Il met aussi sur le marché 40 % du bois vendu en France au sein d'une filière employant plus de 400 000 personnes, pour un chiffre d'affaires de 60 milliards d'euros représentant 3 % du produit intérieur brut.
Je suis satisfait que le Gouvernement et le Parlement maintiennent pour les prochaines années les principes qui ont présidé à la création de l'Office : le régime forestier ; un gestionnaire unique de la forêt publique ; le statut d'établissement public industriel et commercial dérogatoire, avec un personnel composé pour une large part de fonctionnaires ; un maillage de proximité, qui doit être préservé.
Tant les travaux du groupe d'études sénatorial « Forêt et filière bois » que le rapport d'Alain Houpert et de Yannick Botrel et la loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt votée à l'automne dernier confirment le rôle de l'Office au sein des politiques publiques forestières. Enfin, le contrat d'objectifs et de progrès pour la période 2016-2020, qui sera adopté cet automne, et le projet de loi de finances que vous examinerez vont dans le même sens.
L'ONF, maison cinquantenaire, doit se remettre en mouvement après des crispations internes, des réactions conservatrices et des difficultés de dialogue avec la filière et les communes forestières. Je veux libérer les énergies, favoriser l'innovation et la recherche, donner la parole aux agents. Dans notre cher et vieux pays de paysans, la forêt n'est pas assez prise en considération.
L'Office doit renforcer ses liens avec nos concitoyens, dans une société qui n'accepte plus le primat de l'expertise technique et où se perd le respect dû aux agents d'autorité de l'État. Nous devons mettre l'accent sur l'éducation à l'environnement, pour les jeunes générations ; et expliquer notre politique, surtout en zone périurbaine, en communiquant mieux. Dans les débats internationaux de la COP 21, comme dans l'accord qui la conclura, la forêt devra avoir sa place, car elle joue un rôle fondamental contre le réchauffement climatique. La France, dont 31% de la surface est couverte de forêt en métropole - presque 100% en Guyane - peut parler haut et fort pour rappeler le rôle de la forêt dans le stockage du carbone, le maintien de la qualité des eaux, la protection de la biodiversité, la production de biomasse renouvelable. La forêt rend notre civilisation urbaine viable.
Le gestionnaire que je suis aimerait que tous les services rendus par la forêt à la société soient rémunérés. Nous n'en sommes pas là, mais la réflexion qui se développe dans l'Union européenne à propos des aménités positives de la forêt, dans les domaines économique, social, environnemental, est à poursuivre. La possible mobilisation du fonds chaleur du ministère de l'écologie par l'Office en 2016 serait une première étape utile. Il faut renforcer la collaboration avec le Conservatoire du littoral et l'Agence française de la biodiversité.
La fonction de production du bois est fondamentale. J'inscrirai mon action dans le cadre du contrat de filière bois signé le 16 décembre 2014, qui vise à consolider et développer l'industrie du bois. Les forêts publiques, qui représentent 25 % de la surface et 34 % de la récolte, jouent pleinement leur rôle producteur.
Mon habitude depuis 18 ans du haut niveau d'organisation et d'intégration de la filière agricole et agro-alimentaire française me pousse à souhaiter que l'on surmonte les divisions pour aller vers une seule interprofession réunissant l'amont et l'aval. Je participerai aux travaux de France Bois Forêt au titre de l'Office, si vous me nommez à sa tête.
L'ONF doit produire entre 2016 et 2020 un volume de bois important, fixé par le COP. Le niveau retenu est soutenu mais réaliste. Le chiffre d'affaires du bois a été divisé par deux, dans le chiffre total de l'Office, depuis les années soixante-dix, et n'a jamais retrouvé le niveau précédent les tempêtes Lothar et Martin. Or les prix également ont été divisés par deux. L'Office doit donc développer la contractualisation, l'offre de bois façonné et les contrats d'approvisionnement. Il doit se préoccuper de l'industrie du chêne : les entreprises concernées sont dans une situation très difficile en raison de la rareté de la ressource et de l'envolée des prix.
L'ONF doit capter une part plus significative de la valeur ajoutée. L'affiliation à la Forest management certification (FSC) serait utile aux industriels et valoriserait mieux le bois produit, comme la qualité du personnel de l'Office. Cela rejoint la volonté de la Fédération nationale du bois, qui est membre du conseil d'administration de l'ONF.
L'ONF gère les forêts des collectivités territoriales. La Fédération nationale des communes forestières a signé le COP 2012-2016 et s'apprête à signer le suivant : c'est une bonne chose. Les communes forestières apportent à l'Office une contribution financière significative. Je regrette les crispations lors du débat financier de 2014. Il faut les surmonter et se mettre d'accord sur le contrat pour les cinq prochaines années.
Le rapport de l'inspection générale des finances (IGF) sur le régime forestier a rendu le débat plus objectif. Mettons en oeuvre ses recommandations : augmentation de la surface de forêt couverte par un plan d'aménagement ; incitation au regroupement des forêts des collectivités ; programmes triennaux de coupes et de travaux ; application du régime forestier sur toutes les surfaces ; rationalisation de la forêt domaniale et locale par des acquisitions, cessions, échanges - comme je l'ai entrepris en Île-de-France avec l'État, le conseil régional et le conseil départemental des Yvelines. Je souhaite que vous usiez de votre grande influence pour rétablir un haut niveau de coopération entre les collectivités et l'ONF. Cela consolidera son maillage de 300 unités territoriales, que je m'engage à conserver sur la durée du contrat, et facilitera la réalisation de travaux dans des conditions soutenables pour l'Office. Je suis conscient que les collectivités territoriales ne peuvent pas contribuer davantage, car elles participent au redressement public. Cependant l'établissement public doit pratiquer la vérité des prix afin de retrouver une marge bénéficiaire. L'État s'engage à stabiliser le montant du versement compensateur et à poursuivre le financement des missions d'intérêt général de l'ONF telles que la restauration des terrains en montagne, la protection des forêts contre l'incendie en Méditerranée, le maintien des dunes littorales, la défense de la biodiversité et l'action outre-mer. Le changement climatique va accroître les risques. Il faut s'y préparer en prévoyant par exemple le renouvellement des peuplements forestiers en montagne.
L'Office s'est déjà réformé. Les effectifs ont baissé de 12 000 à 9 000 entre 2002 et 2015, sans abandon de mission. La restructuration doit être poursuivie, afin d'accroître les recettes, rendre bénéficiaires les activités concurrentielles, réduire les coûts, céder les actifs non stratégiques, maintenir un haut niveau d'investissement en forêt publique, réduire l'endettement. Ce peut être fait avec un contrat réaliste pour 2016-2020, garanti par ses trois signataires.
S'agissant de l'emploi, il faut privilégier les contrats de droit privé et les contrats aidés pour les jeunes. Le problème réside dans la pyramide des âges : la plupart des agents de l'ONF ont plus de cinquante ans : le renouvellement des générations est indispensable. Une culture de gestion doit se développer, en plus de la culture technique existante. Le dialogue social et la mobilisation des agents doivent être accrus. Je prévois de conclure un projet d'établissement en mars 2016, six mois après la signature du nouveau COP - le temps de la concertation.