Merci de la confiance que vous m'avez accordée en me chargeant du rapport sur un projet de loi de cette importance. Notre commission s'est saisie de 17 articles sur les 209 que compte le projet de loi : 16 articles traitant des questions de santé et d'environnement et l'unique article relatif à la lutte contre les déserts médicaux. J'ai concentré mes travaux et auditions sur ces deux points.
Nous avons déjà travaillé sur la prise en charge des risques environnementaux pour la santé à l'occasion de la présentation du rapport de Chantal Jouanno et Aline Archimbaud, dont je salue à nouveau le travail.
Quelles sont les dispositions du projet de loi dans ce domaine ? L'article 1er consacre la prise en compte de la notion d'exposome, entendu comme l'ensemble des expositions auxquelles un individu est soumis durant sa vie entière. C'est une rupture importante dans notre politique de santé, qui s'appuie encore sur une logique plus curative que préventive.
Au-delà de ce principe général, plusieurs articles traitent de problématiques spécifiques. L'article 10 améliore la surveillance des pollens et moisissures de l'air extérieur. C'est un outil essentiel de prévention : l'information du public permet aux personnes allergiques d'ajuster leurs traitements et leurs comportements en fonction des concentrations de ces polluants biologiques dans l'air, et donc de réduire les symptômes.
L'article 11 concerne l'amiante et le plomb. Ces substances faisant déjà l'objet d'une réglementation complète et assez protectrice, l'article se contente de renforcer les remontées d'information à l'administration, notamment lors de la réalisation de travaux.
L'article 11 bis A traite de l'exposition au radon, gaz radioactif d'origine naturelle, surtout présent dans le centre de la France et en Franche-Comté, qui représente le tiers de l'exposition moyenne de la population française aux rayonnements ionisants. L'article prévoit la fixation par l'administration de valeurs guides devant servir de référence.
L'article 11 bis B élargit les missions de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) à la délivrance, la modification et au retrait des autorisations de mise sur le marché des produits biocides, actuellement délivrées par le ministère de l'écologie. La loi d'avenir pour l'agriculture ayant opéré le même transfert pour les produits phytosanitaires utilisés en agriculture, il s'agit d'une mise en cohérence.
L'article 11 bis D encadre juridiquement les installations collectives de brumisation d'eau dans l'espace public qui se multiplient sur les terrasses de café, dans les hôtels et les restaurants, ainsi que dans les établissements de soins ou médico-sociaux. Lorsque la température de l'eau dépasse 25°C et que leur entretien n'est pas suffisant, ces équipements peuvent être à l'origine de prolifération de légionnelles, à l'origine de la légionellose. Les dispositifs autorisés à l'avenir devront respecter un ensemble de dispositions techniques prévues par arrêté, concernant notamment l'alimentation en eau, la protection du réseau, la prévention du risque de développement de légionnelles dans l'eau ou encore l'exploitation, la maintenance et le contrôle de la qualité de l'eau.
L'article 11 quater A renforce la lutte contre les espèces invasives, notamment l'ambroisie qui libère un pollen très allergisant. Celle-ci devrait continuer de proliférer depuis la vallée du Rhône sur l'ensemble du territoire, du fait du changement climatique mais aussi des activités humaines. Les mesures à prendre seront définies par décret : couverture des sols par des végétaux ou par des matériaux géotextiles, arrachage, tonte ou faux semis.
L'article 11 quater qui interdit le bisphénol A dans tous les jouets et amusettes risque de se heurter au droit communautaire. La France, qui l'interdit déjà dans les biberons et les contenants alimentaires, est sous le coup d'un contentieux européen. La ministre de la santé a engagé une concertation avec les industriels du secteur du jouet et les autres ministères concernés. Cet article devra donc probablement être retravaillé au cours de la navette.
L'article 11 quinquies A demande un rapport pour évaluer la mise en oeuvre du droit européen en matière d'étiquetage sur la présence de nanomatériaux dans les produits cosmétiques, biocides et l'alimentation. Notre marge de manoeuvre est en effet limitée en la matière. Sur tous ces articles, je vous proposerai d'émettre un avis favorable.
Sur le dernier article de cette série, je vous proposerai de renforcer l'article 5 quinquies E, en interdisant purement et simplement les cabines UV. L'Académie de médecine le recommande depuis des années. Chantal Jouanno l'avait proposé dans son rapport sur les dispositifs médicaux. Le Brésil et l'Australie l'ont déjà fait. Une seule exposition en cabine UV avant l'âge de 35 ans constitue un sur-risque de développer un cancer de la peau de 59 %, et le nombre de mélanomes a triplé en France entre 1980 et 2005, avec 9 780 nouveaux cas et 1 620 décès. Il est temps d'agir, et notre commission s'honorerait à envoyer un signal fort sur cette question.
L'article 12 ter s'inscrit dans la lutte contre les déserts médicaux, cette maladie chronique de notre pays : on n'y a jamais compté autant de médecins (198 365 en exercice régulier en 2015, dont 44,7 % de libéraux) et ils n'ont jamais été aussi mal répartis sur le territoire, avec pour corollaire la disparition des autres professionnels de santé au niveau local et la création de véritables déserts médicaux, dans les zones rurales mais aussi dans certaines villes moyennes ou zones péri-urbaines.
En juin 2012, la commission du développement durable a mis en place un groupe de travail sur la présence médicale sur l'ensemble du territoire, avec Jean-Luc Fichet pour président et Hervé Maurey pour rapporteur, qui a réalisé un important travail pendant huit mois, avec une quarantaine d'auditions, des déplacements dans le Finistère et en Allemagne et le recueil d'une cinquantaine de contributions. À en croire l'Atlas de la démographie médicale que publie le Conseil national de l'ordre des médecins, les déserts médicaux progressent. La densité départementale moyenne, toutes spécialités confondues, diminue : elle est de 266,4 médecins en activité régulière pour 100 000 habitants au 1er janvier 2015 contre 275,7 au 1er janvier 2007. Les écarts de densité varient de 1 à 4 entre les départements : 167 médecins pour 100 000 habitants dans l'Eure, 678,2 médecins pour 100 000 habitants à Paris. L'exode médical du centre de la France vers les régions littorales et la façade Est s'aggrave. Même la région Ile-de-France enregistre une diminution de 6 % de ses médecins entre 2007 et 2015. Des déserts médicaux existent dans tous les départements, y compris les mieux dotés.