Le but de cette enquête était de déterminer la perception de l'impact de la réforme par les élus locaux, les mesures qu'ils prennent pour s'adapter, et leurs anticipations pour l'avenir. Il s'agit d'une consultation - et non d'un sondage - réalisé sur un échantillon représentatif.
La première question posée à propos d'une telle consultation est la suivante : le public visé y a-t-il répondu ? La réponse est clairement oui : plus de 3 000 personnes, 3057 exactement, auxquelles s'ajoutent plus de 1 500 élus ayant rendu des questionnaires incomplets que nous n'avons pas pu utiliser. Ce sont donc près de 5 000 personnes qui ont pris le temps de s'y intéresser. Qui a répondu ? La répartition est homogène, et les pourcentages reflètent bien les nombres respectifs de collectivités : 93,5 % d'élus municipaux, 4,3 % de représentants d'établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), 1,8 % d'élus des départements - 54 départements représentés, soit un sur deux ! - et 0,4 % d'élus des régions, soit 12 régions sur 23. Quant à la répartition des communes selon leur taille, 43,5 % des réponses représentent des communes de moins de 500 habitants, 34,6 % des communes de 500 à 1 999 habitants, 16,4 % des communes de 2 000 à 9 999 habitants et 5,5 % des communes de plus de 10 000 habitants.
Les élus sont sévères sur la nécessité et l'efficacité de la baisse des dotations : seuls 27 % des élus la jugent nécessaire, dont 5 % seulement « tout à fait nécessaire », contre 63 % « pas nécessaire », dont 30 % « pas du tout ». Un même doute se manifeste sur l'efficacité, puisque seuls 18 % y croient, dont 2 % « tout à fait », contre 68 % qui n'y croient pas, dont 35 % « pas du tout ». Les élus régionaux sont moins sceptiques sur la nécessité des baisses, à laquelle croient 58 % d'entre eux, contre 43 % des élus départementaux, 34 % des représentants des EPCI et 26 % pour les élus communaux, quelle que soit la taille de la commune. Le clivage est moindre en revanche sur l'efficacité des baisses, à laquelle même les élus régionaux et départementaux ne croient guère.
Quid du jugement global sur la réforme territoriale ? Il reflète un très fort scepticisme sur les économies qu'elle pourrait faire réaliser aux collectivités : 16 % y croient, contre 78 % qui n'y croient pas, dont 34 % « pas du tout ». C'est un peu moins vrai pour les régions, avec 33 % de oui, que pour les petites communes, avec seulement 12 %. Ce fait est à relier à l'inquiétude des élus, mesurée par la question : « la baisse des dotations de l'État est-elle une contrainte surmontable ou insurmontable ? » - chacun ressent l'anxiété qui se trouve derrière ce mot. Les élus sont 56 % à la trouver insurmontable, en particulier les élus des départements, qui ne sont que 13 % à la considérer comme surmontable, contre 58 % pour les élus des régions et 39 % pour ceux des communes, où l'on constate un clivage selon la taille : les trois-quarts des élus des villes de plus 10 000 habitants la considèrent comme insurmontable, mais un peu moins pour les plus petites.
Cela ne relève pas tant d'un sentiment que d'une réalité connue : 84 % des élus déclarent connaître la baisse des dotations pour sa collectivité, dont 33 % précisément ; cela est un peu moins vrai pour les régions et les départements que pour les EPCI et les communes. Chez ceux qui la connaissent, la part du budget de la collectivité que représente la baisse des dotations est de plus de 10 % pour un quart des réponses, et de plus de 15 % pour un dixième. Pour une moitié, la baisse se situe entre 5 % et 10 %. Les élus ont eu du mal à répondre sur l'impact de la baisse des dotations en équivalent pourcentage de fiscalité : 57 % ne le savent pas. Pour un cinquième d'entre eux, cela représenterait entre 10 % et 15 %, en particulier pour les régions et les départements.
Un élu sur deux déclare connaître les mesures de renforcement de la péréquation pour sa collectivité, cette proportion étant plus faible dans les régions et plus importante dans les départements, et augmentant spectaculairement dans les communes selon leur taille, de 43 % pour les communes de moins de 500 habitants à 67 % pour les communes de plus de 10 000 habitants. 31 % des élus consultés considèrent leur collectivité comme un « contributeur net » - 52 % pour les communes de plus de 10 000 habitants - et 38 % estiment qu'elle est un « bénéficiaire net ». Un quart d'entre eux ne connaissent pas la réponse et 8 % ne se prononcent pas. Ils sont 77 % à ne pas connaître le pourcentage de fiscalité représenté par les différents fonds de péréquation ; le reste des réponses se disperse autour d'un pourcentage moyen de 6,7 %.
Lorsque nous leur demandons s'ils jugent équitables les critères d'éligibilité et de répartition de la dotation générale de fonctionnement (DGF), seuls 26 % répondent par l'affirmative, avec une part marginale (1 %) qui les trouvent tout à fait équitables. Ce jugement sans ambiguïté présente peu de différences selon les collectivités, ou selon la taille des communes, sinon que les élus départementaux sont particulièrement critiques.
Nous voulions aussi connaître les mesures prises par les collectivités pour faire face à cette baisse. Lorsqu'on leur demande quel est leur choix prioritaire parmi les différentes mesures - une seule réponse étant possible - 5 % des élus choisissent l'endettement, mais cela représente 25 % pour les régions ; 13 % choisissent la hausse de la fiscalité, en particulier pour les communes et les EPCI ; le choix majoritaire concerne la baisse des dépenses d'investissement (44 %) - notamment pour les départements - et de fonctionnement (32 %), notamment pour les régions.
Si nous examinons ces mesures les unes après les autres, les élus déclarent à 62 % que leur collectivité compense la baisse des dotations par une baisse des dépenses d'investissement, notamment dans les communes ; cette baisse est de 10 % et plus pour un tiers des collectivités. Même réponse à 63 % concernant la baisse des dépenses de fonctionnement, avec une baisse de 2 % à 5 % anticipée par 37 % des élus - la baisse est plus faible que pour l'investissement, ce qui n'est pas une surprise. Les élus sont 29 % à déclarer compenser la baisse des dotations par une hausse de la fiscalité, ce qui n'est pas négligeable. Une étude pour la Fondation pour l'innovation politique (Fondapol) révèle que la principale inquiétude des Français à propos de l'État et des pouvoirs publics porte sur la hausse des impôts locaux, avant celle de l'impôt sur le revenu. Cette mesure concerne surtout les EPCI et les communes, singulièrement celles de taille intermédiaire, entre 500 et 10 000 habitants, et nettement moins les plus grandes. L'endettement est choisi par moins d'élus, sinon ceux des régions et des départements.
À l'horizon 2017, 45 % des élus envisagent une baisse des dépenses d'investissement plus forte qu'aujourd'hui, et 19 % une baisse identique. Pour le fonctionnement, la baisse serait plus forte pour 36 % des élus, et identique pour 30 %. La hausse de la fiscalité serait équivalente pour 27 % et plus forte pour 22 %, et celle de l'endettement respectivement pour 22 % et 20 %. Notons qu'une forte proportion d'élus déclare ne pas le savoir.