Intervention de Jean-Yves Le Drian

Réunion du 17 juillet 2015 à 9h30
Programmation militaire pour les années 2015 à 2019 — Adoption des conclusions d'une commission mixte paritaire

Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, l’actualisation de la loi de programmation militaire comportait deux enjeux majeurs : la sécurisation financière des moyens alloués et la création des associations professionnelles nationales de militaires.

En premier lieu, la sécurisation financière et, par là même, la sécurisation opérationnelle, compte tenu de la gravité du contexte, de la montée des menaces et du niveau des exigences imposées à nos forces, sont assurées par trois mesures majeures, souhaitées par le Président de la République : la réduction très significative de la déflation de nos effectifs, la fin des ressources exceptionnelles et l’affectation de nouveaux crédits budgétaires dans la durée, à hauteur de 3, 8 milliards d’euros, à laquelle s’ajoute le redéploiement de 1 milliard d’euros lié à l’évolution des indices économiques.

En second lieu, à la suite d’un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme, nous avons été conduits à introduire les dispositions créant les associations professionnelles nationales de militaires pour être en conformité avec la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme que la France a ratifiée. Chacun mesure que cette création est une innovation majeure qui contribuera à la rénovation de la concertation au sein de l’institution militaire.

Tels sont les deux sujets majeurs – je ne reprendrai pas ceux qu’a évoqués en complément M. le rapporteur – sur lesquels se sont concentrés les travaux de la commission mixte paritaire, et j’observe avec satisfaction que les membres de cette commission ont su faire converger leurs efforts pour parvenir à la rédaction d’un texte commun qui s’inscrit dans la droite ligne de ces deux priorités. Le Gouvernement est donc favorable au compromis issu des travaux de la commission mixte paritaire.

Je souhaite toutefois formuler trois observations, dont deux prendront la forme de réserves.

Ma première observation portera sur les ressources liées à l’évolution des indices économiques. La commission mixte paritaire a repris la « clause de sauvegarde » que la Haute Assemblée avait proposée et votée pour compenser une éventuelle défaillance des ressources financières par des crédits budgétaires. Vous le savez – je l’ai déjà dit ici –, le Gouvernement n’est pas favorable à une telle clause, car c’est à lui seul qu’il appartient de proposer, dans le cadre de l’examen d’un projet de loi de finances, les crédits budgétaires de la défense. En outre, cette clause ne saurait avoir pour effet de faire dépasser le montant des annuités prévues par le présent projet de loi d’actualisation.

Je comprends que le Parlement ait voulu exprimer, en adoptant cette « clause de sauvegarde », sa vigilance à l’égard de l’équilibre financier de la défense. Toutefois, je ne peux que maintenir ma réserve en précisant, par ailleurs, que tous les éléments en ma possession, qui résultent des travaux communs de l’Inspection générale des finances et du Contrôle général des armées, me permettent d’affirmer que cette clause n’aura pas à être appliquée.

Ma deuxième observation concerne le financement des opérations intérieures, point qui nous a occupés lors de nos débats ici même comme à l’Assemblée nationale. La commission mixte paritaire a prévu que ce sujet soit traité dans le rapport que le Gouvernement doit remettre au Parlement avant le 31 janvier 2016 – M. Jacques Gautier y a fait référence – et qui fera l’objet d’un débat. À cette échéance, le Gouvernement disposera de tous les éléments, à la suite de la mise en place de l’opération Sentinelle, pour mesurer et pour analyser les conséquences du nouveau contrat opérationnel de protection. Nous pourrons ainsi évaluer le surcoût induit par ce dispositif. Nous sommes d’accord sur ce point.

J’en viens à ma troisième observation : à propos de la clause de sauvegarde concernant l’immobilier, le Sénat avait souhaité exonérer totalement le ministère de la défense de la décote qui s’applique aux cessions d’immeubles domaniaux. Une solution de compromis a été trouvée en commission mixte paritaire. Elle préserve la volonté du Gouvernement de développer le logement social, tout en garantissant les intérêts financiers du ministère, et, au-delà, de l’actualisation de la loi de programmation militaire.

J’exprime à ce sujet une réserve de la part du Gouvernement, d’autant plus que, au regard des résultats déjà enregistrés quant aux ventes d’immobilier de la défense, nous pouvons, me semble-t-il, être collectivement rassurés concernant notre capacité à disposer de ce reste de ressources exceptionnelles, attendues dans l’ensemble de la loi de programmation jusqu’en 2019.

Tant sur ma première réserve que sur cette dernière, je vous rappelle qu’une clause de revoyure est prévue non seulement fin 2015 – cela était souhaitable, chacun l’a constaté – mais aussi dans deux ans, en 2017, ce qui permettra de réactualiser et de réviser les critères que vous avez évoqués, et de rassurer la Haute Assemblée sur notre mobilisation financière.

En conclusion, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à vous remercier à nouveau pour votre mobilisation. Je remercie notamment M. Jean-Pierre Raffarin pour sa vigilance et son attention, ainsi que pour la capacité de proposition de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées ; je sais gré à M. de Legge, rapporteur pour avis, d’avoir mobilisé la commission des finances sur ce sujet majeur, en particulier dans le contexte actuel des menaces intérieures et extérieures qui font que le soutien total de la représentation nationale à l’égard de nos forces armées est tout à fait essentiel : vous l’avez manifesté les uns et les autres. Au-delà des deux rapporteurs, je souhaite remercier l’ensemble des sénatrices et des sénateurs qui se sont attachés à ce que cette actualisation se déroule dans les meilleures conditions.

J’ai constaté l’état d’esprit constructif du Sénat ; j’ai constaté aussi, pour reprendre l’expression du sénateur Jacques Gautier, la « confiance partagée » qui existait sur cet enjeu majeur.

Parvenir à ces conclusions dans un délai aussi contraint était un défi. Ce délai exigeant était toutefois nécessaire, et je me réjouis que le Parlement ait relevé ce défi, en étroite collaboration avec le Gouvernement et avec mon ministère, dans l’intérêt de nos armées, et dans l’intérêt, surtout, de la sécurité de notre pays.

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