Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est évidemment avec satisfaction que nous livrons ici les conclusions de la commission mixte paritaire.
Nous éprouvons tout d’abord la satisfaction du travail accompli, car le Parlement dans son ensemble – et c’est particulièrement vrai de notre commission sénatoriale – a été à la hauteur de ce moment de gravité, qui exige que nous portions haut les intérêts de la Nation.
Nous avons également la satisfaction d’aboutir à un texte qui maintient les ambitions de la loi initiale et les renforce.
Cette actualisation prévue par la loi, et anticipée de quelques mois pour répondre au contexte sécuritaire du moment, maintient notre vigilance sur l’exécution budgétaire de la loi : le Sénat y tenait.
C’est une loi ambitieuse, car ces efforts permettent à la France de conjuguer les impératifs indissociables de souveraineté que sont la garantie de l’autonomie stratégique et le redressement des comptes publics. Ce texte traduit la volonté de l’exécutif de préparer la France aux défis et aux menaces du moment présent et de l’avenir.
Le travail de la commission mixte paritaire a conforté cette volonté. Tant dans ses conclusions que dans son état d’esprit, il a traduit la large majorité qui s’est dégagée au cours du scrutin du 15 juillet, ici même au Sénat, autour de ce texte. Un accord a été trouvé avec la majorité de l’Assemblée nationale pour porter ensemble des amendements de compromis.
Je retiens du travail de la commission mixte paritaire trois points.
Le premier concerne une clause de sauvegarde budgétaire dont nous avons beaucoup parlé. Finalement, la commission mixte paritaire n’a pas retenu l’amendement du Sénat qui excluait le ministère de la défense du financement des surcoûts en matière d’opérations extérieures. Je n’y étais personnellement pas favorable. Comme cela a été rappelé à plusieurs reprises, à commencer par vous-même, monsieur le ministre de la défense, les dépassements de la dotation annuelle au titre des opérations extérieures font l’objet, historiquement, d’un financement interministériel. Pour des raisons évidentes de solidarité avec les autres ministères, le ministère de la défense ne saurait s’en exonérer.
Je pense – et je l’ai dit – qu’il est bon de maintenir cette tradition. Je ne vois pas ce qui aurait justifié aujourd’hui de ne plus la respecter. La commission mixte paritaire s’est donc mise d’accord pour supprimer l’article 2 bis.
Le deuxième point concerne la question du financement interministériel des opérations intérieures, telle l’opération Sentinelle. Cette question, d’ores et déjà actuelle, va aussi se poser à l’avenir. Dans l’immédiat, les membres de la commission mixte paritaire ont trouvé un compromis intelligent en renvoyant le débat à cet égard à fin janvier 2016, au moment où le Gouvernement déposera son rapport sur ces questions.
Le troisième point porte sur les cessions immobilières – vous avez déjà évoqué cette question, monsieur le ministre. L’Assemblée nationale n’avait pas exprimé de position particulière. Le Sénat, qui est la chambre des collectivités territoriales et a le souci de les défendre, est sensible à cette question.
De fait, il lui revenait de trouver une position de compromis entre trois acteurs : le ministère de la défense, qui est attentif à ce que les recettes produites par les cessions participent à la soutenabilité de la loi de programmation militaire, le Gouvernement, qui est soucieux d’atteindre ses objectifs en matière de construction de logements sociaux, et les collectivités locales – nous pensons particulièrement à Paris –, qui sont directement concernées par les questions d’aménagement, d’urbanisme et de logement.
Il nous a semblé qu’une décote plafonnée à hauteur de 30 %, applicable aux cessions des terrains, était un compromis satisfaisant qui laissait la voie ouverte aux discussions. Cet élément a recueilli un large assentiment de la part des membres de la commission mixte paritaire. J’ai même eu le sentiment que l’unanimité s’était alors manifestée.
Mon quatrième point sera très personnel : j’émets toujours une réserve sur la possibilité conférée aux présidents des commissions parlementaires de saisir la commission consultative du secret de la défense nationale, au même titre que les juridictions. Ce sujet n’est pas déterminant, mais l’agacement provoqué par la non-remise d’un rapport a conduit à cette mesure. C’est une lourdeur supplémentaire. Une meilleure fluidité dans les relations entre les différents ministères et les commissions parlementaires aurait vraisemblablement évité de légiférer sur ce sujet.
En résumé, mes chers collègues, ce texte porte un effort budgétaire exceptionnel de près de 4 milliards d’euros qui permettra la préservation de 18 750 postes de la déflation prévue, en particulier dans l’armée de terre dont la capacité opérationnelle est portée à 77 000 hommes. Cette révision budgétaire répond bien aux menaces du moment, en accordant des moyens supplémentaires pour permettre la montée en puissance, aussi, des forces spéciales de la cyberdéfense. De même, un complément de 500 millions d’euros viendra renforcer les moyens de l’entretien programmé des matériels. Cette question majeure – je dirai même lancinante – est devenue une priorité depuis le début de la loi de programmation militaire.
Nous attachons évidemment une importance particulière à la suppression des recettes exceptionnelles – voilà aussi une question lancinante – et à leur remplacement par des crédits budgétaires, ce qui sanctuarisera les budgets de la loi de programmation militaire, conformément à la volonté du Président de la République.
Enfin, le texte prévoit l’évolution de la représentation professionnelle des militaires avec la création des associations professionnelles nationales de militaires, les APNM, l’expérimentation d’un service militaire volontaire, sur le modèle du service militaire adapté – nous en avons parlé –, et un début de réforme de la réserve. Ces trois évolutions concourent à donner un souffle nouveau à l’esprit de défense, car, on le sait, « l’armée a autant qu’hier besoin de sentir qu’elle fait corps avec la Nation ». Je cite là un personnage célèbre que j’ai déjà évoqué lors de notre débat précédent sur ce texte : il s’agit du président François Mitterrand, dont les rapports avec la défense ont fait récemment l’objet d’un colloque.
En conclusion, cette actualisation de la loi de programmation militaire, inédite en ce sens qu’elle sera la première à revaloriser les moyens budgétaires en cours d’exécution – il faut le souligner –, confirme bien les ambitions de notre pays en matière de défense, et ce en dépit de la contrainte budgétaire. Elle poursuit la modernisation de nos armées et leur nécessaire adaptation aux opérations que nous menons aujourd’hui, et que nous mènerons vraisemblablement pendant longtemps. Voilà pourquoi le groupe socialiste et républicain votera naturellement les conclusions de la commission mixte paritaire.