Intervention de Robert del Picchia

Réunion du 17 juillet 2015 à 9h30
Programmation militaire pour les années 2015 à 2019 — Adoption des conclusions d'une commission mixte paritaire

Photo de Robert del PicchiaRobert del Picchia :

Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, nous voici arrivés au terme de l’examen d’un projet de loi très attendu au vu des besoins des armées et de la réalité des menaces auxquelles la France doit faire face, tant à l’étranger que sur le sol national.

En préambule, permettez-moi, en tant qu’élu des Français de l’étranger, de rappeler combien nous pouvons être fiers du travail accompli par les soldats français. Monsieur le ministre, les Français vivant à l’étranger ont souvent et largement pu le constater : grâce à une capacité de projection et d’intervention rapide lors de crises régionales souvent violentes, les soldats français concourent à la sécurité de nos concitoyens installés hors de nos frontières. Soulignons d’ailleurs que les autres ressortissants européens bénéficient eux aussi de cette protection. Je partage à cet égard le souhait exprimé à juste titre par Dominique de Legge de voir les autres États de l’Union européenne contribuer au financement de ces opérations.

Il est certainement difficile de s’en rendre compte depuis Paris, mais, pour nos expatriés, le simple fait de savoir que nos soldats viendront à leur secours en cas de besoin – ils l’ont fait à de nombreuses reprises – les rassure pleinement. C'est un gage très fort chez eux du lien entre l’armée et la nation. Je tenais à le dire ici, car nos compatriotes vivant à l’étranger ont peu souvent l’occasion d’exprimer leur gratitude envers nos militaires.

Pour en revenir au texte de la commission mixte paritaire, je pense qu’il mérite avant tout que nous le votions sans arrière-pensées. Je formulerai toutefois quelques observations.

Je ne reviendrai pas sur le volet financier du texte ni sur les clauses de sauvegarde, mes collègues Jacques Gautier, Dominique de Legge et Daniel Reiner l’ayant parfaitement fait, sinon pour dire que nous regrettons que le financement interministériel des opérations extérieures soit maintenu, car il nous apparaît que ce mode de financement pénalise in fine le budget de la défense, comme le souligne d’ailleurs la Cour des comptes dans son dernier rapport.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, en tant que rapporteur pour avis, avec mon collègue Gilbert Roger, du programme 212 « Soutien de la politique de défense », j’estime que ce texte représente un vrai tournant pour notre défense.

La France, à la suite de sa condamnation par la Cour européenne des droits de l’homme, la CEDH, n’avait pas d’autre choix que de créer les associations professionnelles nationales de militaires, les APNM. En effet, le vide juridique dans lequel nous nous trouvions aurait permis à n’importe quel contentieux de déboucher sur l’établissement d’une jurisprudence.

Au moment où nos soldats sont de plus en plus sollicités et sont très éprouvés par de longues missions en opérations extérieures ou en France, cette adaptation législative paraissait donc plus que nécessaire.

Ce texte permet à la France de créer son propre modèle de « dialogue social » adapté aux armées, définissant les conditions de libre expression et de défense des intérêts professionnels pour les militaires. Rappelons ici que les arrêts de la CEDH n’imposent pas de modèle précis.

De fait, à nos yeux, il était primordial que la nouvelle législation ne déstabilise pas les armées. Ce sont elles qui auront la charge de mettre en place un système qui leur est encore inconnu. Pour autant, je tiens à rappeler que, tout au long de nos auditions, nous n’étions pas dans une posture de défiance à l’égard des futures APNM. Nous avons choisi la responsabilité, afin de permettre la mise en œuvre de ces associations dans la sérénité et la confiance, l’essentiel étant de créer un dispositif accordant aux militaires une liberté d’expression et d’association en vue de la défense de leurs intérêts professionnels, dans le strict respect de la condition militaire telle que définie par le code de la défense.

Au vu de la tradition, de l’histoire, de la législation syndicale française, il importait que la France fasse un choix entre « syndicat » et « association professionnelle », en particulier pour une institution dont le fonctionnement ne repose que sur la hiérarchie. Le modèle d’APNM créé par le projet de loi ne comporte pas de critères trop restrictifs, afin de ne pas créer de nouveaux contentieux auprès de la CEDH.

Notre commission est donc revenue sur le texte de l’Assemblée nationale, qui permettait aux APNM d’être intégrées à terme aux conseils de la fonction militaire. La position du Sénat a prévalu lors de la commission mixte paritaire ; nous nous en félicitons. Là encore, il s’agit non pas de marquer de la défiance à l’égard des futures APNM, mais de trouver un juste milieu et une procédure équilibrée.

En outre, si ce besoin d’expression s’est fait plus prégnant, c’est peut-être aussi parce que nos armées, comme la société, évoluent et que leurs conditions de travail ne sont pas toujours optimales. Ainsi, la mise en œuvre du dispositif Louvois aura laissé quelques séquelles. Il importait de bien prendre en compte ces paramètres : cela a été fait, et je m’en réjouis.

Par ailleurs, concernant le volet « manœuvre ressources humaines », nous avons salué l’arrêt des déflations d’effectifs ; nous savions tous que l’ampleur des suppressions de postes annoncées en 2013 n’était pas supportable, eu égard en particulier au turnover imposé par la professionnalisation des armées, conjugué aux exigences des opérations extérieures et, dorénavant, de l’opération Sentinelle.

Toutefois, des réductions d’effectifs demeurent prévues. Elles comportent deux risques : celui de favoriser le départ de personnels ayant des compétences utiles ou critiques pour les forces armées et celui d’inciter, en fin d’exercice, des gestionnaires peinant à atteindre les objectifs de déflation à ne pas renouveler des contrats, par facilité.

Aussi, monsieur le ministre, j’espère que les responsables de la difficile « manœuvre ressources humaines » agiront avec la prudence nécessaire. Nous savons qu’ils feront au mieux, mais il faut que le ministère puisse les aider le plus possible et que la logique comptable ne prime pas sur la logique qualitative.

En dépit de ces observations et de ces « points d’attention pour l’avenir », notre groupe est, vous l’aurez compris, favorable à l’adoption des conclusions de la commission mixte paritaire.

Je réitère les remerciements exprimés à tous par Jacques Gautier, en particulier à votre adresse, monsieur le ministre.

Mes chers collègues, nous avons réussi à améliorer ce projet de loi ; nous étions dans notre rôle, tout comme nous le serons, lors de l’examen du prochain projet de budget, en continuant à être vigilants, pour le bon fonctionnement de notre défense et le bien de nos armées.

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