Intervention de Albéric de Montgolfier

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 21 juillet 2015 : 1ère réunion
Union des marchés de capitaux — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Albéric de MontgolfierAlbéric de Montgolfier, rapporteur général :

Richard Yung et Jean-Paul Emorine sont à l'initiative de la proposition de résolution européenne sur l'union des marchés de capitaux.

Dans le cadre du projet politique de la nouvelle Commission européenne présidée par Jean-Claude Juncker, la mise en oeuvre de l'union des marchés de capitaux a été confiée au commissaire Jonathan Hill, que nous avons reçu le 20 mai. Lorsqu'il est venu devant notre commission, le 11 mars dernier, le directeur général du Trésor, Bruno Bézard, a défini cette union comme « une initiative européenne très positive au contenu encore flou... ».

La Commission européenne estime que des progrès peuvent être accomplis pour dynamiser le rôle des marchés d'actions et d'obligations au service du financement de l'économie. À ce titre, elle entend faciliter la circulation des capitaux dans l'Union européenne et offrir un plus grand choix d'investissements aux épargnants européens. Elle veut lutter contre la fragmentation des marchés, c'est-à-dire contre l'organisation sur une base essentiellement nationale du financement des économies. En soi, ce projet ne peut que recevoir notre approbation, puisqu'il contribue à mobiliser plus de financements pour les entreprises, pour les collectivités publiques ainsi que pour les infrastructures, et ce à un coût moindre. Néanmoins, comme je le disais, le contenu reste flou.

La Commission européenne a publié un livre vert en février 2015, pour lancer une phase de consultation qui vient de se terminer. Elle sera suivie, d'ici la fin de l'année, d'un plan d'action : nous connaîtrons alors les propositions concrètes de la Commission européenne.

Je regrette que l'analyse économique qui sous-tend le projet d'union des marchés de capitaux soit assez pauvre. La Commission européenne souligne par exemple que le faible développement des marchés de capitaux fragilise nos économies en cas de resserrement du crédit bancaire, sans voir que durant la crise, les marchés de capitaux ont, eux aussi, connu un recul substantiel. De manière générale, elle constate plus qu'elle n'analyse les raisons de la fragmentation des marchés. Le livre vert se contente d'indiquer que « l'intégration et le développement des marchés de capitaux de l'Union européenne se heurtent à différents obstacles découlant de facteurs historiques, culturels, économiques et juridiques, dont certains sont profondément ancrés et difficiles à surmonter ». Il s'agit par exemple « de la préférence historique des entreprises pour certains modes de financement, des caractéristiques des régimes de retraite, de l'imposition de règles prudentielles et d'obstacles administratifs, de certains aspects de la gouvernance des entreprises et du droit des sociétés, de lacunes en matière de données, de caractéristiques de nombreux systèmes fiscaux et du manque d'efficience des structures de marché ». Vous en conviendrez, un tel catalogue de « portes ouvertes » n'est guère éclairant.

En réalité, l'union des marchés de capitaux, qui se veut le pendant de l'union bancaire, est surtout une vitrine politique pour les différentes mesures que la Commission européenne envisage de proposer en matière de financement de l'économie, sans qu'elles forment un tout cohérent. Le commissaire Hill a d'ailleurs déclaré devant nous : « l'union des marchés de capitaux est un projet de long terme. Ce sera le cumul de plusieurs mesures concrètes ». Les deux pistes les plus clairement identifiées sont la relance de la titrisation et la modification de la directive Prospectus.

La titrisation, qui consiste à vendre sur les marchés obligataires des parts de prêts bancaires est une technique financière qui a été abondamment utilisée pour les subprimes. La saturation des bilans bancaires ainsi que les nouvelles normes comme Bâle 3, réduisent les financements disponibles pour les entreprises, notamment les PME. Telles sont les raisons pour lesquelles la Commission européenne, en accord avec la Banque centrale européenne et les régulateurs bancaires, entend relancer la titrisation. Le livre vert de la Commission européenne estime que « si le niveau des titrisations de prêts aux PME pouvait regagner - en toute sécurité - ne serait-ce que la moitié du terrain perdu par rapport à 2007, cela pourrait représenter quelque 20 milliards d'euros de financement supplémentaire ». Bien entendu, il conviendrait de mettre en place des garde-fous pour éviter la dispersion des prêts les plus risqués, comme cela s'est produit aux États-Unis.

La seconde piste identifiée consiste à modifier la directive Prospectus, qui oblige les entreprises à mettre à disposition des investisseurs une documentation financière accompagnant toute émission d'actions ou d'obligations, ce qui est particulièrement coûteux pour des entreprises de taille intermédiaire et franchement dissuasif pour des petites entreprises. La Commission européenne envisage des règles plus simples et une documentation allégée pour que les PME et les ETI - en réalité surtout les ETI - accèdent plus facilement aux marchés et ne dépendent pas exclusivement de financements bancaires.

Pour le reste, il faudra attendre le plan d'action de la Commission européenne. Lorsque nous avions reçu le commissaire Hill, notre commission des finances avait insisté sur la nécessité de prendre en compte les nouveaux modes de financement (financement participatif, opérateurs alternatifs). Ils connaissent en effet une forte croissance et la mise en place d'une réglementation européenne serait la bienvenue. Vous l'aurez compris, l'essentiel du travail de réflexion et de législation est encore devant nous.

Soyons vigilants sur le maintien des réformes Barnier. Le commissaire Hill nous a assurés que ces réformes avaient renforcé la stabilité financière, tout en ajoutant que « nous avions peut-être également créé sans le vouloir des difficultés pour l'économie ». De nombreux lobbys financiers n'attendent qu'une chose : que la nouvelle Commission détricote les réformes votées lors de la précédente mandature. Si les règles relatives à la titrisation méritent d'être recalibrées, il n'est pas question pour autant que l'union des marchés de capitaux devienne le prétexte d'une nouvelle phase de dérégulation. Les mauvaises habitudes reviennent vite...

Il faudra également favoriser le développement de la place financière de Paris. Bruno Bézard avait insisté sur la défense de nos intérêts industriels. L'industrie financière représente plusieurs milliers d'emplois qualifiés à Paris. Il importe que les entreprises qui se financent en euros puissent s'appuyer sur des centres financiers solides situés dans la zone euro. Nous devrons garder cela à l'esprit lors des prochaines négociations.

Le texte qui nous est soumis reprend les différents points que je viens de présenter. Pour des raisons de lisibilité et afin de rendre le message plus direct et sans changer le fond, j'ai déposé un seul amendement qui en propose une nouvelle rédaction.

Par ailleurs, je n'ai pas modifié, hormis sur un point rédactionnel, la partie sur la réforme structurelle des banques. La commission des affaires européennes a souhaité rappeler son inquiétude quant au projet européen de séparation des banques qui pourrait d'abord et avant tout affecter nos grandes banques françaises. En effet, les banques britanniques bénéficieraient d'une exemption du fait d'une loi nationale jugée équivalente à la proposition européenne et les banques allemandes seraient trop petites pour rentrer dans le champ d'application. Or l'on aura besoin des acteurs bancaires pour assurer le fonctionnement de l'union des marchés de capitaux.

Je vous propose également de ne pas entrer autant dans le détail sur plusieurs points que la PPRE initiale. En effet, certaines préoccupations essentielles, tels que le régime des chambres de compensation ou l'évolution du rôle l'Autorité européenne des marchés financiers, méritent un travail plus approfondi, de sorte que je souhaite remettre l'ouvrage sur le métier, conjointement avec la commission des affaires européennes, si elle le souhaite.

À ce stade, l'essentiel du travail reste devant pour créer cette union des marchés de capitaux, qui est une excellente initiative en soi, mais pour laquelle la Commission européenne en est plus au stade de la réflexion que la législation.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion