Il s'agit d'un rapport d'étape. C'est donc un moment important pour la Délégation aux entreprises et il nous a été difficile de pouvoir réagir au projet d'avant-propos de la présidente qui ne nous a été transmis qu'hier. Le choix a été fait d'aller voir les entrepreneurs. Je renouvelle ici les réserves déjà exprimées par rapport à cette démarche qui ne me paraît pas assez objective et investigatrice. Il ne faut donc pas s'étonner de la répétition de certains propos concernant l'inflation des normes ou les contrôles fiscaux, ni de l'exagération de certains autres, comme ceux qualifiant la France de pays « communiste » en économie. Ceci ne sert pas la cause des petites et moyennes entreprises ni ne fait avancer la réflexion. L'avant-propos que vous nous soumettez, Madame la Présidente, a une orientation politique bien marquée. Sans doute est-il utile d'écouter les chefs d'entreprises, mais l'interprétation que vous faites de leurs propos est politique. Nous avons tous intérêt au développement des petites et moyennes entreprises mais nous n'avons pas tous la même vision de l'entreprise, ni la même appréciation des expériences étrangères, notamment britannique. Ceci est normal et sain pour la démocratie.
Vous dénoncez les charges sociales trop élevées ; j'invite d'abord à préférer le mot de « cotisations » à celui de « charges » et je voudrais ensuite souligner que le Pas-de-Calais, qui présente malheureusement un taux de chômage record en France, offre des coûts de production que l'étude menée par Ernst et Young a estimés inférieurs à ceux en vigueur dans le Kent, en Flandre ou en Rhénanie. Vous déplorez les lourdeurs administratives : on ne peut pas les nier mais il faudrait s'interroger sur les possibles pertes de compétences qui ont découlé de la révision générale des politiques publiques. Il ne faut pas non plus tout imputer aux administrations, mais s'interroger sur la façon dont le Gouvernement met en musique les dispositions législatives issues d'amendements parlementaires : par exemple, pour ce qui est de la loi de 2006 qui autorise l'exploitation du gaz à des fins de production d'électricité -et dont Gazonor souhaite bénéficier-, il faut surtout dénoncer le fait que Paris ne réalise pas toujours l'importance des enjeux locaux et ne le fait que sous la pression. Vous évoquez aussi la pénurie de main d'oeuvre et le manque d'attractivité de l'emploi par rapport à l'inactivité. Je reconnais que ces propos ont été tenus par l'un des entrepreneurs que nous avons rencontrés à Arras mais il n'est pas possible de faire de quelques cas isolés une généralité. Il faudrait s'enquérir de la version des salariés eux-mêmes : j'ai ainsi pu apprendre que le candidat à l'embauche n'avait pas été retenu par l'entrepreneur, sans doute en raison de sa participation passée à un mouvement revendicatif d'occupation du site d'une autre entreprise. Concernant les seuils, vous contestez la nécessité des obligations sociales qui s'imposent à l'entreprise lorsqu'elle atteint un effectif de 50 salariés. Outre le fait qu'il ne me paraît pas très civique pour un entrepreneur de créer quatre entreprises de 49 salariés, je ne suis pas choqué par le fait que l'entreprise doive recruter un 51e salarié pour gérer les obligations générées par le recrutement du 50ème, puisqu'elle franchit un cap dans son développement. L'étude menée par l'Institut de recherches allemand IFO, à ce sujet, est contestable. Je crois qu'il faut chercher ailleurs, notamment dans les études un peu plus anciennes de l'INSEE, la raison de la plus petite taille des entreprises françaises par rapport aux entreprises allemandes.
S'agissant de la frilosité des banques, je vous rejoins et je me demande même s'il pourrait utilement être envisagé un remplacement des exonérations de cotisations sociales par des bonifications de prêts. J'admets également que la question de la transmission des PME est un sujet important. Je reconnais aussi que le niveau élevé d'impôt sur les sociétés supporté par les PME représente une difficulté réelle, surtout lorsqu'on sait que les grands groupes ne s'acquittent de cet impôt qu'à hauteur d'un taux de 8 %. Je suggère que le travail de la Délégation se concentre désormais sur des sujets bien identifiés : le recrutement, les délais de paiement, le travail détaché, les dérives du régime des auto-entrepreneurs, l'évaluation du soutien apporté par les banques aux PME et artisans... À ce titre, je salue l'initiative de la table ronde, prévue en octobre, sur l'apprentissage. Pour ce qui concerne le rapport soumis aujourd'hui à notre examen, je suggère que chaque groupe politique puisse y annexer une expression libre. En l'état, je ne souhaite pas être cité comme auteur du rapport que vous nous soumettez parce que je ne me retrouve pas dans son avant-propos, même si je suis bien sûr participant aux travaux de la Délégation.