Pourtant, si la majorité sénatoriale a incontestablement voulu imprimer sa marque, les grands équilibres du texte n’avaient été bouleversés qu’à l’article 1er, lequel créait des commissions paritaires régionales interprofessionnelles pour représenter les salariés et les employeurs des TPE. La commission a choisi de maintenir sa position en nouvelle lecture.
Nous avions également un point de désaccord sur la représentation des salariés dans les organes de gouvernance des grandes entreprises, que l’Assemblée nationale souhaitait étendre largement, sans étude d’impact préalable ni évaluation des dispositions de la loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi, issue de l’ANI du 11 janvier de la même année : démarche pour le moins étrange quand il s’agit de « favoriser le dialogue social » ! En abaissant les seuils d’effectif à partir desquels cette obligation s’applique, les députés, mais aussi le Gouvernement, qui s’est déclaré favorable à cette mesure, reviennent en effet sans concertation ni évaluation préalables sur un accord conclu par les partenaires sociaux.
Plus respectueuse de la loi de 2007, la commission des affaires sociales est revenue, sur ma proposition, à la position du Sénat, position fidèle à l’accord national interprofessionnel, qui nous avait été alors présenté comme le nec plus ultra de tous les accords jamais signés…
Nous avions également longuement débattu de la place des suppléants, qui, en l’absence des titulaires, ont vocation à les remplacer dans les institutions représentatives du personnel. Notre approche a, là aussi, été balayée.
En revanche, la question sensible du financement des organisations patronales a refait son apparition, sur l’initiative du Gouvernement. Au Sénat, nous avions refusé, en première lecture, une modification que nous estimions hâtive des règles actuelles. Le Gouvernement a revu sa copie et l’Assemblée nationale l’a habilité à recourir, après une phase de concertation préalable avec les organisations concernées, à une ordonnance.
La commission a approuvé cette concertation, même si sa durée me paraît bien courte. Elle a cependant supprimé cette habilitation sur un sujet que le législateur a traité voilà à peine plus d’un an, et dont dépendent la vitalité du dialogue social ainsi que le pluralisme des partenaires sociaux.
Les députés sont par ailleurs revenus sur quasiment toutes les modifications apportées aux dispositions relatives aux intermittents du spectacle, malgré nos alertes sur les nombreuses incertitudes juridiques entourant le dispositif prévu pour fixer les règles des annexes VIII et X ; il pourrait devenir une source de contentieux fragilisant le régime d’assurance chômage dans son ensemble.
S’agissant de la prime d’activité, fait exceptionnel, la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale avait reconnu l’intérêt de nos clarifications sur les modalités de son calcul. Mais, cette fois, c’est le Gouvernement qui a rétabli son texte initial en séance publique. Il semble que nous soyons finalement parvenus à un compromis ; celui-ci fait l’objet d’un amendement que je vous présenterai tout à l'heure.
Par ailleurs, notre commission est en partie revenue sur un amendement qui, adopté en nouvelle lecture par l’Assemblée nationale, ouvre le bénéfice de la prime d’activité aux personnes qui sont en congé parental d’éducation, en congé sabbatique, sans solde, ou en disponibilité, dès lors qu’elles perçoivent des revenus professionnels. Afin d’éviter tout effet d’aubaine, nous souhaitons limiter cette possibilité aux seules personnes qui feraient le choix d’être assistantes maternelles parallèlement à un congé parental d’éducation.
Je rappelle que la réforme a été conçue à partir d’une enveloppe fermée : toute ouverture à un nouveau type de bénéficiaires créera mécaniquement des perdants chez d’autres publics. Là encore, il semble que nous soyons les seuls à nous en préoccuper puisque notre formulation, qui évitait l’effet d’aubaine aux étudiants dont le cycle d’étude inclut une alternance rémunérée en entreprise, a elle aussi disparu.
Vous comprendrez ma déception quant au résultat final atteint par ce projet de loi, annoncé comme une réforme majeure des règles du dialogue social en entreprise. Censé diminuer le caractère formel de certaines règles au profit d’une approche plus qualitative, ce texte aggrave l’instabilité législative que nous dénonçons ici, sur toutes les travées, et même complexifie, depuis la nouvelle lecture à l’Assemblée nationale, les règles en matière de CHSCT – comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail – pour les petites entreprises.
Monsieur le ministre, je ne peux croire que vous trouviez raisonnable de revenir sur des lois adoptées voilà à peine deux ans, alors que nos entreprises attendent, à défaut d’une simplification – elles ne rêvent plus ! –, au moins une stabilité de la réglementation.
Croyez-vous sincèrement que c’est en cédant à tous ceux qui freinent les réformes que vous allez, comme l’annoncent les plus hautes autorités de l’État depuis deux ans, simplifier la vie des entreprises, et donc faciliter l’emploi ?
Il me reste à espérer que nos collègues députés, peut-être éclairés par le Gouvernement, verront la justesse de certaines des améliorations apportées par le Sénat, plutôt que d’attendre la prochaine loi qui remodifiera ce texte. En attendant, j’invite mes collègues de la majorité sénatoriale, et ceux des autres groupes, s’ils le souhaitent, à voter le texte issu des travaux de la commission.