Intervention de Jean Desessard

Réunion du 20 juillet 2015 à 16h00
Dialogue social et emploi — Adoption en nouvelle lecture d'un projet de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Jean DesessardJean Desessard :

Voilà où nous en sommes.

Il y a toutefois une différence avec un match de ping-pong : on connaît à l’avance le résultat du match ! On sait en effet que, à la fin, c’est l’Assemblée nationale qui va gagner. La qualité des joueurs du Sénat n’est pas en cause, car Mme la rapporteur et les membres de la commission connaissent très bien leurs dossiers, mais c’est l’équipe adverse, l’Assemblée nationale, qui a le dernier mot.

Alors, à quoi bon ces navettes ? Cela montre qu’une réforme institutionnelle est nécessaire pour qu’on ne travaille plus en vain, sans faire progresser la réflexion, mais au prix de délais qui retardent la mise en œuvre des mesures qui sont prises.

On nous présente donc aujourd’hui le même projet qu’en première lecture. Nous y étions opposés, et mes arguments seront donc les mêmes. Si le texte initial contenait plusieurs mesures positives, comme la représentation des salariés des très petites entreprises, le compte personnel d’activité ou la reconnaissance du burn-out, il comportait toutefois une réforme à laquelle nous étions fortement opposés : le regroupement des comités d’entreprise et des CHSCT.

Ces deux instances ont en effet des missions fondamentalement différentes : l’une s’intéresse aux orientations stratégiques de l’entreprise, l’autre a un droit de regard sur la santé, la sécurité et les conditions de travail. Le CHSCT est un lanceur d’alerte indispensable, qui a maintes fois prouvé son efficacité. Le fondre dans le comité d’entreprise, c’est automatiquement diluer ses compétences et mettre en danger son rôle spécifique.

Quelles modifications ont été apportées par le Sénat ?

Bien entendu, la majorité sénatoriale a conservé le regroupement de ces deux instances. Dans la vision de droite du dialogue social, moins il y a d’instances, moins il y a de contre-pouvoirs face aux directions des entreprises…

Cependant, la majorité sénatoriale ne s’est pas arrêtée là. Ainsi, l’article 1er du projet de loi, qui prévoyait la création de commissions régionales où siégeraient des représentants des salariés des très petites entreprises, a été purement et simplement supprimé. Il s’agissait pourtant d’un premier pas pour assurer la représentation de ces centaines de milliers de salariés complètement exclus du dialogue social ; il avait une importance symbolique. Dès lors que cet article est supprimé, le dialogue social reste strictement limité aux salariés des grandes entreprises. Nous ne pouvons que le déplorer.

L’article relatif à la reconnaissance des pathologies psychiques comme le burn-out a également été supprimé. Cette suppression empêche toute réflexion sur nos modes de production et sur le monde de travail. En effet, ne pas reconnaître le burn-out, c’est affirmer que ce mal est uniquement lié à l’individu et qu’il n’y a pas lieu de remettre en cause l’environnement professionnel.

Si les salariés ne sont pas, à l’évidence, au cœur de la vision que se fait la droite du dialogue social, en revanche les employeurs font l’objet, eux, d’une tout autre attention. Ainsi, puisque le compte personnel d’activité pourrait éventuellement changer les obligations des employeurs vis-à-vis des droits des salariés, l’article relatif à ce compte a été supprimé par la majorité sénatoriale. Pourtant, il s’agissait simplement de mettre en place une négociation sur le sujet entre syndicats et organisations patronales. Ainsi, les droits rechargeables des employés passent à la trappe !

Nous déplorons que l’Assemblée nationale n’ait pas repris une avancée du Sénat sur l’article concernant le régime d’assurance chômage des intermittents. Un de nos amendements, qui visait à clarifier le cadre financier des négociations imposé par le niveau interprofessionnel sur les organisations représentatives au niveau professionnel, avait été adopté. Nous le présenterons de nouveau.

La majorité sénatoriale a l’ambition de proposer un nouvel équilibre pour le texte, vous l’avez dit, madame la rapporteur. En réalité, il n’y a aucun équilibre puisque, si les employeurs ont droit à la simplification, encore la simplification, toujours la simplification, les employés eux, n’ont droit à rien !

Le projet de loi d’origine était loin d’être parfait, mais le texte du Sénat nous propose un déséquilibre dans le dialogue social que les écologistes ne peuvent accepter. Nous voterons donc contre le texte présenté par la majorité sénatoriale.

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