Intervention de Gérard Rameix

Commission d'enquête Autorités administratives indépendantes — Réunion du 16 juillet 2015 à 9h00
Audition de M. Gérard Rameix président et de M. Benoît de Juvigny secrétaire général de l'autorité des marchés financiers amf

Gérard Rameix, président de l'AMF :

Le modèle français distingue la régulation prudentielle qui relève de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) et la régulation de marché qu'exerce l'AMF. La première consiste à vérifier la sécurité du système financier, de protéger contre un écroulement du système ou contre une défaillance individuelle. Il s'agit donc de veiller à la compétence des dirigeants, de surveiller les ratios de bilans et que les systèmes de contrôle interne fonctionnent correctement.

La seconde est plus microéconomique, sa culture d'origine est plus consumériste, pour protéger les investisseurs individuels et institutionnels. Elle a la responsabilité de protéger l'épargne investie en vérifiant les informations fournies concernant les instruments financiers ; elle contrôle la gestion d'actifs - c'est-à-dire les professionnels qui gèrent l'argent des particuliers, qui représentent des sommes parfois colossales, sous la forme de fonds monétaires, de fonds obligataires, de fonds d'actions, etc. Elle intervient également sur les infrastructures de marché qui apparient les ordres pour réaliser les transactions.

Le modèle dominant dans le monde est bien d'avoir deux pôles. L'Allemagne est un des rares pays à avoir créé un organisme de régulation unique : la BaFin. La plupart des autres pays, Italie, Espagne, Royaume-Uni, États-Unis ont adopté comme nous un modèle séparé. La dualité de notre système n'empêche pas des représentations croisées qui facilitent l'action conjointe, puisque le gouverneur de la Banque de France est représenté au collège de l'AMF : Robert Ophèle, prend une part très importante au fonctionnement de l'AMF et je siège au collège général et au collège de résolution de l'ACPR. Ces dernières années, nous avons été associés à la gestion des risques systémiques et nous travaillons en étroite liaison avec la Banque de France, l'ACPR et le ministère de l'économie et des finances.

L'AMF est une institution indépendante des structures de l'exécutif, même si le Fonds monétaire international (FMI) nous reproche parfois la présence du directeur général du Trésor qui assiste à nos réunions sans pouvoir de vote. Nous travaillons en étroite liaison avec le Gouvernement sur les textes européens ou législatifs, en lui apportant notre expertise. Quant au règlement général de l'AMF, le pouvoir est partagé : nous en délibérons, et il revient au ministre de le rendre obligatoire. En revanche, les décisions individuelles relèvent de nos seuls services. Benoît de Juvigny, notre secrétaire général, nommé par le président après avis du collège, dirige l'ensemble des équipes, soit 450 personnes. Il rapporte les dossiers au collège, qui prend en toute indépendance les décisions les plus importantes. Il s'agit par exemple d'agréer les fonds d'actifs - les organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) -, de contrôler leur documentation juridique et commerciale, ou encore d'agréer les acteurs de la gestion d'actifs, de viser les documents que publient les sociétés cotées. En matière d'offre publique d'achat, nous devons accepter les termes de cette offre et surveiller les informations données au marché. En cas de contentieux, le juge peut être le Conseil d'État ou la Cour d'appel de Paris sous le contrôle la Cour de cassation.

La surveillance des marchés pour éviter les infractions ou les anomalies mobilise entre le quart et le tiers de nos moyens. Notre secrétaire général a le pouvoir de lancer des contrôles sur des établissements ou des prestataires de services d'investissement et d'ouvrir des enquêtes en cas d'abus de marché (utilisation d'informations privilégiées, manipulation de cours, fausses informations...). Un rapport est présenté au collège ou à une commission spécialisée qui décide d'une procédure de sanction ou d'un renvoi au parquet. La commission des sanctions reprend ensuite l'affaire et prononce ou non une sanction sous le contrôle des juges susmentionnés. Ce pan important de notre activité fait l'objet d'une réflexion intense, sous l'influence de la Cour européenne des droits de l'homme et du Conseil constitutionnel qui ont décidé de mettre fin à la dualité des poursuites qui existait depuis plus de vingt ans.

Notre dispositif de médiation pour les plaintes individuelles est en plein essor, et notre action internationale est importante. Les sujets de régulation financière se traitent en effet au niveau mondial dans des instances comme le Financial Stability Board (FSB) qui est une sorte d'émanation du G20 ou l'Organisation internationale des commissions de valeurs (OICV), qui est l'union mondiale des régulateurs de marché. La quasi-totalité des règles que nous appliquons s'inscrit désormais dans un cadre européen que nous contribuons à élaborer, en prenant place dans les instances d'experts qui préparent, interprètent et formulent des standards.

Nous devons veiller à maintenir nos compétences et nos moyens à la hauteur des techniques et des risques que nous sommes en charge de réguler. Figure aussi sur notre agenda la dernière étape de la mise en application des décisions du G20 en 2008-2009, avec notamment la compensation obligatoire pour toute une série de produits dérivés, jusque-là traités de façon bilatérale, ou la transposition de la directive sur les marchés d'instruments financiers (MIF 2), notamment sur le trading haute fréquence et la transparence du marché. Enfin, nous travaillons sur l'union des marchés de capitaux qui doit déterminer la politique de la Commission européenne pour les prochaines années.

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