Intervention de Pierre Cardo

Commission d'enquête Autorités administratives indépendantes — Réunion du 21 juillet 2015 : 1ère réunion
Audition de M. Pierre Cardo président de l'autorité de régulation des activités ferroviaires arafer

Pierre Cardo, président de l'Autorité de régulation des activités ferroviaires :

La loi du 8 décembre 2009 relative à l'organisation et à la régulation des transports ferroviaires (ORTF) a confié la personnalité morale à l'Araf, qui constitue une autorité publique - et non administrative - indépendante. Un régulateur indépendant était en effet nécessaire avec l'ouverture à la concurrence. Les débats parlementaires le montrent : cette indépendance était considérée comme la clé de voûte de la nouvelle organisation ferroviaire, « alors même que des entreprises nationales figurent parmi les intervenants du marché », pour citer le rapport du rapporteur pour le Sénat, Francis Grignon. L'État est en effet confronté à des intérêts multiples : il édicte les normes, il est l'actionnaire exclusif de Réseau ferré de France (RFF) et de l'opérateur historique dominant, il est aussi l'autorité organisatrice de transport (AOT) pour le service ferroviaire national et les trains d'équilibres du territoire (TET). L'obligation juridique issue du droit communautaire n'a fait que confirmer ce besoin d'indépendance.

Selon le même rapport du Sénat, qui est à l'origine de cette indépendance, « la personnalité juridique et l'autonomie financière sont un gage supplémentaire de l'indépendance fonctionnelle de l'ARAF, qui ne sera plus intégrée à la personnalité juridique de l'État. » Et d'ajouter : « l'Autorité de régulation des activités ferroviaires disposera de la sorte du plus haut degré d'indépendance dont peut jouir une instance de régulation, ce qui renforcera auprès des acteurs du secteur les garanties d'impartialité des décisions qu'elle sera amenée à prendre. » Le Sénat a apporté de nombreux compléments, tels que le choix comme président d'une personnalité en fin de carrière, qui ne puisse en principe être tenté par une carrière postérieure...

Notre indépendance se juge à l'aune de nos décisions. Si l'Araf a été choisie pour assurer la régulation du transport par autocars ouvert à la concurrence et le contrôle économique des autoroutes, c'est sans doute que son indépendance est désormais considérée comme normale. Si la première mission entre dans nos compétences - nous régulerons un nouveau mode de transport - le contrôle des autoroutes sort un peu du champ de la régulation telle que nous la pratiquons.

La loi prévoit un abondement de notre budget par un prélèvement sur les péages, ce qui dégage nos recettes de la dépendance de l'État, même si ce dernier revient sur ses décisions, comme sur les 3,7 millièmes du montant des redevances d'utilisation du réseau que nous percevons. Si nous n'étions pas une autorité mais une administration, nous ne pourrions pas bénéficier de ce type de financements.

Le coût de la régulation est à comparer avec le poids des entreprises concernées - l'Araf compte 62 équivalents temps plein (ETP), contre 50 000 pour SNCF Réseau et 100 000 pour SNCF Mobilités - et avec les bénéfices qu'elle entraîne, puisqu'elle incite les entreprises soumises à sa régulation à maîtriser leurs coûts.

Nous pouvons aussi nous comparer avec d'autres régulateurs, tel que l'Office of Rail and Road (ORR) britannique, créé en 1993 contre 2010 pour nous, agissant sur 16 093 kilomètres de voies ferrées contre 29 784 kilomètres en France, utilisées plus intensément, avec 92 trains par kilomètre de ligne par jour contre 47 en France. L'ORR compte 180 agents contre une cinquantaine à l'Araf, 12 membres du collège élus pour cinq ans contre sept élus pour six ans chez nous, et dispose d'un budget de 30 millions de livres, soit 43 millions d'euros, contre 12 millions d'euros pour l'Araf.

Notre localisation au Mans, décidée par arrêté ministériel - fait inédit pour une autorité administrative indépendante (AAI) - peut se comprendre du point de vue de l'aménagement du territoire. Or l'ensemble des experts - économistes, juristes - que nous devons consulter se trouvent en région parisienne. C'est préoccupant. S'il est aisé de recruter des juniors en province, c'est bien plus difficile pour des spécialistes de haut niveau, dont une partie réside en banlieue ou en grande banlieue. Une mission menée par l'Inspection générale des finances et le Conseil général de l'environnement et du développement durable doit objectiver nos besoins résultant de l'extension de nos compétences, mais des voix se sont fait entendre pour que l'Arafer fonctionne avec les moyens de l'Araf.

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