en remplacement de M. Eric Doligé, rapporteur. - L'île de Saint-Barthélemy a été tour à tour espagnole, française, propriété de l'Ordre de Malte et suédoise. Elle n'est pleinement française que depuis 1878, date à laquelle elle a été rétrocédée à la France par la Suède.
Administrativement rattachée à la Guadeloupe, dont elle constituait une commune depuis la loi de départementalisation de 1946, Saint-Barthélemy est devenue une collectivité d'outre-mer à partir du 15 juillet 2007 après une consultation du 7 décembre 2003 et conformément aux dispositions de la loi organique du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer. Les collectivités dotées de ce statut prévu à l'article 74 de la Constitution peuvent exercer des compétences élargies, notamment en matière fiscale.
Au regard du droit de l'Union européenne, en tant que collectivité d'outre-mer, Saint-Barthélemy a bénéficié du statut de région ultrapériphérique régi par les articles 349 et 355 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Considérée comme partie intégrante de l'Union européenne, elle était soumise de plein droit aux règles européennes.
Par délibération du conseil territorial du 20 octobre 2009, la collectivité a demandé à relever du statut de pays et territoire d'outre-mer (PTOM) visé dans la quatrième partie du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, conformément à la procédure dite de « clause passerelle » prévue à l'article 355 paragraphe 6 du traité. Saisi par les autorités françaises le 30 juin 2010, le Conseil européen a accédé à la demande de l'île par décision du 29 octobre 2010, qui est devenue un PTOM le 1er janvier 2012.
En tant que PTOM, bien que rattachée à la France, la collectivité de Saint-Barthélemy ne fait plus partie de l'Union européenne, mais jouit d'un régime d'association, plus souple. Elle n'est plus soumise de plein droit aux normes européennes, dont certaines, malgré l'existence de dispositions spécifiques aux régions ultrapériphériques, n'étaient pas adaptées aux caractéristiques économiques et géographiques de l'île : éloignement de la métropole, situation en zone économique plus américaine qu'européenne, économie orientée vers le tourisme. Surtout, grâce à la qualité de PTOM, la collectivité a conservé son régime douanier de « droit de quai », taxe qui frappe l'ensemble des marchandises entrant sur son territoire et dont le taux est fixé à 5 % de la valeur du bien.
À la demande de la France, l'accession au statut de PTOM par Saint-Barthélemy n'a pas remis en cause le cours légal de l'euro sur l'île. En contrepartie, le Conseil européen a demandé que la France s'engage à conclure deux accords afin que le changement de statut de Saint-Barthélemy ne porte pas atteinte aux intérêts de l'Union européenne.
En matière monétaire, un premier accord devait « assurer le maintien de l'application du droit de l'Union dans les domaines essentiels au bon fonctionnement de l'Union économique et monétaire ». La loi du 28 décembre 2011 a autorisé la ratification de l'accord monétaire entre la République française et l'Union européenne relatif au maintien de l'euro à Saint-Barthélemy à la suite de son changement de statut au regard de l'Union européenne.
En matière fiscale, un second accord devait assurer le maintien sur le territoire de Saint-Barthélemy des mécanismes prévus par le droit de l'Union européenne en matière de lutte contre la fraude et l'évasion fiscales. Il a été signé le 17 février 2014 et le présent projet de loi a pour objet de le ratifier.
Il s'agit plus précisément de prévoir explicitement l'application de deux directives européennes à la collectivité de Saint-Barthélemy dans le cadre de son nouveau statut : la directive 2003/48/CE du Conseil du 3 juin 2003 relative à la fiscalité des revenus de l'épargne et la directive 2011/16/UE du 15 février 2011 relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal. Elles constituent la base du mécanisme européen d'échange d'informations entre administrations fiscales, qui permet d'identifier les titulaires réels des comptes et les bénéficiaires réels des revenus qu'ils produisent. De nombreuses auditions de notre commission ont montré l'importance de ce mécanisme dans la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales.
Le point essentiel de cet accord, son article 2, prévoit que toutes les évolutions de ces deux directives s'appliquent également à Saint-Barthélemy. Or ces deux directives ont été modifiées le 28 mars 2014 et le 9 décembre 2014 en vue du passage à l'échange automatique d'informations d'ici le 1er janvier 2016. C'est un progrès considérable : jusqu'à maintenant, les échanges se faisaient à la demande, ce qui supposait que l'administration requérante sache quelles informations demander, et que l'administration requise fasse preuve de bonne volonté et de diligence dans ses réponses. Ces deux conditions n'étaient pas toujours réunies. Désormais, les États transmettront automatiquement et systématiquement les informations relatives aux comptes bancaires domiciliés chez eux, ce qui permettra une détection bien plus aisée des comptes dissimulés.
Il s'agit d'un progrès de dimension mondiale, également porté par l'OCDE et le G20, qui a fait l'objet d'un accord international signé à Berlin le 29 octobre 2014. Il ne concerne pas spécifiquement Saint-Barthélemy. En effet, la collectivité n'est nullement un paradis fiscal, contrairement à certains de ses voisins des Caraïbes considérés comme non coopératifs par l'OCDE. Il n'y a pas de secret bancaire. Saint-Barthélemy jouit certes d'un statut fiscal particulier et bénéficie de dépenses fiscales spécifiques à l'outre-mer, mais ses particularités s'arrêtent là. D'ailleurs, les éléments transmis par la direction générale des finances publiques montrent que l'échange de renseignements fonctionne d'ores et déjà de manière pleinement satisfaisante, quoiqu'il trouve rarement à s'appliquer.
Le présent accord consiste donc essentiellement en un dispositif de coordination, prévoyant que le droit actuel continuera à s'appliquer dans les mêmes conditions, y compris s'il est amené à évoluer. En fait, l'accord supprime pour ainsi dire toute spécificité de Saint-Barthélemy, s'agissant de coopération administrative en matière fiscale.
Pour ces différentes raisons, je vous propose d'adopter sans modification ce projet de loi de ratification, qui est accueilli favorablement par la collectivité.