Intervention de Jean-Luc Cherrier

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 16 septembre 2015 à 10h05
Table ronde sur la situation des sportifs de haut niveau

Jean-Luc Cherrier, responsable du suivi socio-professionnel à la fédération française de tennis de table :

Notre directeur technique national, mieux au fait que moi des dispositions de ce texte, est malheureusement retenu à Nantes. Je m'en tiendrai à vous faire part des difficultés rencontrées par les sportifs que j'ai mission d'accompagner. Dans le tennis de table, seuls les joueurs les plus âgés sont passés professionnels. Les jeunes ne le sont pas, comme dans toute discipline olympique. Et chez les professionnels, le contrat ne porte que sur quelques milliers d'euros par mois ; on est loin des sommes en jeu dans les sports collectifs. Le but d'une fédération olympique est de décrocher des médailles dans les championnats. Cela étant, depuis la retraite sportive de Jean-Philippe Gatien, nous n'avons plus de potentiel olympique avéré, et les sportifs de tennis de table évoluent plutôt dans les compétitions continentales.

Dans cette discipline, les joueurs arrivent à un niveau professionnel à l'âge de 18 ou 19 ans, ce qui leur laisse le temps de passer le bac, que la plupart ont en poche. Ce n'est qu'ensuite que surviennent les difficultés. M. Karaquillo l'a souligné dans son rapport : il existe des freins internes à l'entrée dans le monde professionnel, au terme d'une carrière qui se termine vers 30 ou 35 ans. Bien souvent, l'entraîneur dissuade le jeune joueur d'entamer un cycle universitaire, au motif du manque de temps - l'entraînement prend quatre à six heures par jour et au rythme de deux compétitions par semaine, les déplacements sont nombreux. Mon rôle est de faire pression dans l'autre sens. Je reviens du pôle France de Nantes, centre d'entraînement pour jeunes sportifs de haut niveau. Le fait est que pour ceux qui atteignent l'excellence - et c'est un mérite de ce texte que de bien souligner la différence entre excellence et accession à l'excellence - il devient difficile de poursuivre des études. Outre que le cursus se trouve très dilué, et peut s'étendre sur plusieurs années, les jeunes ne sont guère motivés : quand on gagne entre 1 500 et 3 000 euros à dix-huit ans, et que l'on sait que cela va durer jusqu'à 35 ans, on n'entreprend des études que si l'entourage y pousse. Mon rôle est de convaincre ces jeunes de se trouver un projet professionnel, expression que je préfère à celle de « double projet », à mon sens trompeuse, car le premier projet du sportif est de décrocher des médailles, sa vie étudiante est une autre facette : il y a un difficile équilibre à trouver, y compris avec la vie privée. La contrainte de temps est prégnante, il est difficile de s'engager sur des formations longues. De surcroît, les aides sont réservées aux sportifs à la recherche de la très haute excellence. Quand une entreprise ouvre ses portes via une convention d'insertion professionnelle ou un contrat de cession de droit à l'image, elle privilégie évidemment un sportif à potentiel olympique, susceptible de participer aux Jeux de Rio ou de Tokyo. Cette proposition de loi ferait avancer les choses si elle incitait à prendre en compte l'ensemble des sportifs de haut niveau, qu'ils aient atteint l'excellence ou soient en phase d'accession.

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