Intervention de Franck Leclerc

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 16 septembre 2015 à 10h05
Table ronde sur la situation des sportifs de haut niveau

Franck Leclerc, directeur de la fédération nationale des associations et syndicats de sportifs :

Prévoir, comme le fait ce texte, un contrat sur douze mois n'a, de fait, pas de sens dès lors que l'activité est liée à la saison sportive qui, dans la majorité des sports collectifs, s'étend du 1er juillet au 30 juin de l'année suivante. Je suppose que les députés ont voulu parer à des pratiques qui prévalent, hélas, dans certaines disciplines, et qui consistent à utiliser un joueur le temps de la compétition et à le faire prendre en charge, ensuite, par les prestations sociales. De telles pratiques sont inacceptables pour les responsables sportifs et les citoyens que nous sommes. La convention collective du sport, qui prévoit que le contrat de travail doit prendre fin la veille du premier jour de la saison suivante, vise précisément à les prévenir. C'est une meilleure formulation que celle des douze mois.

Au-delà, il n'est pas normal de faire supporter les périodes de congé ou d'entraînement par notre système de solidarité. Dès lors qu'un salarié signe un nouveau contrat avec le même employeur, il devrait rembourser les prestations qui lui ont été servies. Le club devrait aussi être contraint, dans un tel cas, d'établir un contrat rétroactif et de s'acquitter ainsi des charges qu'il a reportées sur la collectivité. Il faut trouver une solution à ces pratiques devenues très prégnantes dans une discipline et qui commencent à se répandre dans d'autres.

J'en viens à la formation professionnelle. Rétablir le 1 % est une solution, mais qui ne suffira pas. Ainsi que l'a souligné Jean-Luc Cherrier, c'est avant la fin du contrat qu'il faut s'intéresser à la reconversion. Le CIF CDD (congé individuel de formation), qui ne peut être utilisé qu'à la fin du contrat, ne permet pas d'engager une reconversion réussie. Cela étant, la formation a besoin de plus de moyens. Il n'est pas bon que les employeurs soient exonérés de cotisation au CIF. C'est, encore une fois, utiliser la mutualisation sans y participer. Vouloir des droits et pas de devoir me paraît choquant.

Il faudrait aller plus loin sur cette question de la formation, en prévoyant des sas obligatoires à des moments clé. Pourquoi pas un bilan de compétences entre 27 et 28 ans, pour mettre en oeuvre un projet de reconversion ? On ne décide pas du moment de sa sortie ; aucun sportif n'est à l'abri d'une blessure qui lui interdira de poursuivre sa carrière. Vous évoquiez les formations des clubs : elles sont presque inexistantes, et il est bon d'engager les sportifs à inclure dans leur contrat un projet de formation. Mais le problème tient aussi aux centres de formation : pour obtenir un agrément, il faut un double projet, sportif et scolaire. Or, ce que veut le jeune par dessus tout, c'est devenir sportif professionnel. Si on lui dit que pour signer son contrat, il faut qu'il mette ses études entre parenthèses, il a vite fait d'abandonner tout projet. Mieux encore, certains clubs savent s'organiser... Je pense à certains club de handball aux résultats mirobolants, où les jeunes, quand ils ont constaté qu'on permettait à leurs deux camarades inscrits en STAPS (sciences et techniques des activités physiques et sportives) de s'entraîner avec les pros, ont vite fait d'abandonner leur projet pour les imiter.

Les conventions d'insertion professionnelle (CIP) s'adressent plus particulièrement aux sportifs de haut niveau. Ma femme, ancienne joueuse de rugby, qui en a bénéficié, m'a fait part de son expérience. Elle s'est rendu compte que la plupart des sportifs avaient perdu de vue l'intérêt premier de ce dispositif, qui leur est présenté comme le moyen d'obtenir un statut social plutôt que comme un outil de reconversion. C'est un dévoiement.

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