Cet article vise à instaurer un moratoire sur les expulsions locatives de « personnes de bonne foi » reconnues prioritaires par la commission de médiation que la loi DALO a instituée.
Ce moratoire est demandé par les travailleurs sociaux, par l’ensemble des associations spécialisées ainsi que, de plus en plus fréquemment, par les élus de terrain que nous sommes, et cela pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, le nombre des expulsions a augmenté de 150 % en dix ans. En 2008, qui était pourtant l’année d’entrée en vigueur de la loi DALO, on a dénombré 11 300 expulsions effectives. Et il s’agit d’expulsions manu militari, si j’ose dire, avec décision de justice, huissier, policiers… Les personnes expulsées doivent, souvent dans les larmes, emballer leurs affaires à la sauvette, prendre leurs enfants sous le bras et partir en ne sachant où aller !
À ce propos, monsieur le secrétaire d'État, nous aimerions connaître le nombre de familles expulsées quelques jours seulement avant la trêve hivernale, dans la précipitation, alors qu’elles avaient été reconnues prioritaires en vertu de la loi DALO et qu’à ce titre l’État est garant de leur relogement. Je vous pose cette question pour avoir recueilli quelques témoignages qui n’honorent pas vraiment notre République !
Il est important de noter qu’aujourd’hui près de 2 millions de familles ont du mal à payer leur loyer et 500 000 sont en situation d’impayé. Compte tenu de la crise et des 600 000 personnes qui ont récemment perdu leur emploi, le doute n’est pas de mise quant à l’aggravation à venir de la situation !
Enfin, alors même que l’on comptabilise 1, 2 million de demandes de logements sociaux, avec moins de 300 000 mises en chantier, 2009 restera, sur les onze dernières années, celle où l’on aura construit le moins de logements.
Dans Le Monde daté du 31 octobre dernier, Patrick Doutreligne, délégué général de la Fondation Abbé-Pierre, résumait parfaitement la situation : « Nous avons, d’un côté, un gouvernement qui se vante d’avoir fait voter une loi qui instaure un droit au logement et qui retient comme prioritaires les personnes menacées d’expulsion, et, de l’autre, ce même gouvernement qui continue à expulser toujours autant. »
Dans ces conditions, nous vous l’avions dit à l’époque, nous vous le redisons aujourd’hui, le DALO n’a aucune chance de fonctionner.
D’ailleurs, vous-même, monsieur le secrétaire d’État, en conveniez récemment en confirmant que, en Île-de-France, 75 % des personnes ayant obtenu un avis favorable des commissions de médiation n’ont pas été relogées.
Nous serons d’accord au moins sur un point : malgré la complexité des démarches, le nombre de dossiers DALO ne cesse d’augmenter.
Pour l’instant, c’est la trêve hivernale, mais qu’adviendra-t-il au 15 mars prochain ? Pouvez-vous nous certifier qu’au printemps le déficit structurel de logements sociaux aura été complètement et durablement résorbé ? Pouvez-vous nous garantir que vous serez indiscutablement en mesure de respecter l’engagement bafoué par votre prédécesseur, Mme Boutin, laquelle avait promis qu’il n’y aurait pas d’expulsion sans relogement ?
C’est bien parce que nous estimons qu’on ne peut pas prendre un tel risque et parce que nous avons conscience de l’ampleur des problèmes que nous proposons ce moratoire.
N’oublions pas, chers collègues, que, derrière tout cela, il y a une réalité extrêmement douloureuse, des situations insupportables à force d’inhumanité.