En tout état de cause, cet épisode appartient au passé et n’interdit aucunement à tous les sénateurs attachés au pluralisme et à la liberté d’expression de joindre leurs voix aux nôtres, d’autant que les arguments de M. le rapporteur – je les ai entendus en commission – pour écarter sans plus de discussion notre proposition de loi sont assez contestables.
Ainsi, sur le plan juridique, rien ne démontre l’incompatibilité de notre texte avec le droit européen. Au contraire, la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, qui prendra effet dès l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, le 1er décembre prochain, pose l’obligation de respecter « la liberté des médias et leur pluralisme ».
De plus, il apparaît spécieux de disqualifier la proposition de loi en se retranchant derrière l’arrêt du 16 décembre 2008 de la Cour de justice des Communautés européennes relatif à la législation grecque. La situation en Grèce est différente. Notre proposition de loi n’aurait pas d’effet rétroactif : elle s’appliquerait, à TF1 ou aux autres groupes, lors de chaque renouvellement de contrat avec l’État. Par ailleurs, des mécanismes de transition devront être trouvés pour les groupes de presse écrite, de manière à éviter tout changement brutal et à ne pas perturber leur environnement économique.
Nous ne demandons pas d’aller aussi loin que la Constitution des États-Unis d’Amérique, dont le premier amendement confère à la presse une entière liberté. C’est d’ailleurs grâce à cette liberté que des affaires comme celle du Watergate ont pu faire la une des journaux, et ce pour la plus grande gloire de la démocratie américaine.
Cependant, il est aujourd’hui urgent de sortir des vœux pieux, des demi-mesures et de l’hypocrisie, et de passer aux actes. Nous n’abordons qu’un seul domaine, celui de la régulation de la concentration dans les médias. D’autres chantiers devront être ouverts ultérieurement.
Il faudra assurer l’indépendance et le pluralisme des rédactions, en particulier dans le cadre des concentrations opérées dans la presse quotidienne régionale, et généraliser le droit d’accès des citoyens, et donc des journalistes, à la « mémoire publique », mouvement indispensable qui impliquera l’abrogation des dispositions de la dernière loi de programmation militaire accroissant de manière illégitime le champ du secret-défense, qui est déjà étendu. Il conviendra aussi de garantir réellement le secret des sources, exigence qui va à l’encontre du projet de loi, en cours d’examen, relatif à la protection du secret des sources des journalistes. Enfin, il sera nécessaire de créer un statut européen de société de médias à but non lucratif, avec une exonération de TVA à la clé.
C’est cette réforme ambitieuse et d’avenir, indispensable à la vitalité de notre démocratie, que nous invitons aujourd’hui le Gouvernement et la majorité à ouvrir avec nous.
Pour conclure, je citerai Chateaubriand : « Plus vous prétendez comprimer la presse, plus l’explosion sera forte. Il faut donc vous résoudre à vivre avec elle. » Et j’ajouterai, en parlant plus largement des médias : « …à vivre avec des médias libres, pluralistes et indépendants ».