Intervention de Thomas Diemer

Commission des affaires économiques — Réunion du 22 septembre 2015 à 15h10
Audition de Mm. Xavier Beulin président de la fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles fnsea et thomas diemer président des jeunes agriculteurs ja

Thomas Diemer, président des Jeunes Agriculteurs :

Merci d'être à notre écoute. La situation est préoccupante et nous a beaucoup mobilisés ces derniers mois : les jeunes sont particulièrement fragiles. Nous revendiquons des prix rémunérateurs pour assurer aux agriculteurs la survie et des perspectives dans les différentes filières. Les engagements doivent être suivis d'effet, chacun a sa responsabilité. Nous avions besoin de mesures d'urgence, elles doivent être opérationnelles rapidement pour bénéficier à ceux qui ont le plus de difficultés. Nous devons aussi valoriser structurellement les filières. Les relations commerciales sont trop conflictuelles aujourd'hui. Nous devons parvenir à des relations partenariales et mettre à bas le rapport de force qui détruit la valeur ajoutée, l'emploi et les exploitations. Des outils existent : une contractualisation jusqu'au niveau de la distribution et reposant sur des indicateurs de coûts de production donnerait de la visibilité aux agriculteurs, et particulièrement aux jeunes ou à ceux qui s'installent. Nous devons appliquer les clauses de renégociation des contrats pour pallier la volatilité des prix agricoles. Poursuivons l'organisation des producteurs - notamment dans la filière lait - à l'échelon local pour atteindre une taille critique et peser dans les négociations face aux industriels.

La traçabilité fait l'objet d'une forte demande sociétale : les consommateurs veulent savoir ce qu'ils ont dans leur assiette, où sont nés les animaux, quelles sont les pratiques culturales... Non seulement cela apporte des débouchés supplémentaires, mais le consommateur s'intéresse davantage à ce qu'il a dans son assiette. Quelle importance donne-t-on à l'alimentation et donc à l'agriculture ? Cela pourrait en outre susciter des vocations. Et nos territoires resteraient attractifs et vivants. Comment accepter que la majorité des produits utilisés pour les six milliards de repas servis dans la restauration hors domicile ne soient pas issus de l'agriculture française ?

Structurellement, il faut instaurer des outils fiscaux de lissage des revenus dans le temps pour gérer la volatilité des cours, exonérer les jeunes de charges sociales non plus durant cinq mais six ans, et décaler le début d'application de cette exonération à la troisième année d'exercice (au lieu de la première), lorsque les revenus deviennent plus consistants. Cela garantirait aux jeunes une entrée progressive et efficace dans la profession.

Les normes pèsent aussi très lourd sur notre activité. Nous sommes des professionnels responsables, fiers de nourrir nos concitoyens : il faudrait arrêter cette fuite en avant vers les contraintes réglementaires, qui ne nous aide pas à susciter des vocations. Il y faudrait enfin plus de cohérence.

Les représentants des territoires que vous êtes ne seront pas surpris d'apprendre qu'un des premiers freins à l'installation est le foncier agricole, que nous voulons rendre plus accessible aux jeunes en même temps que nous le défendons contre le grignotage par les autres activités. Il y aurait assurément matière à réactualisation des dispositifs existants.

J'appelle aussi de mes voeux une prise de conscience communautaire de la crise que nous traversons. Ce qui a été annoncé n'est pas suffisant. Il faudrait avancer sur les mesures d'intervention et la question de l'embargo russe, et mettre en place des outils communautaires d'observation des marchés pour anticiper les prochaines crises. J'espère que le commissaire européen à l'agriculture entendra ces messages. Nous avons besoin de réponses opérationnelles à court terme, mais aussi de solutions à long terme pour assurer le renouvellement des générations : dans dix ans, 50 % des éleveurs actuels seront retraités. La France a besoin d'agriculteurs pour des territoires vivants.

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