Intervention de Jeanne Seyvet

Commission d'enquête Autorités administratives indépendantes — Réunion du 17 septembre 2015 à 9h05
Audition de Mme Jeanne Seyvet médiateur du cinéma

Jeanne Seyvet, Médiateur du cinéma :

Le Médiateur du cinéma est une autorité administrative indépendante d'un genre particulier : elle opère dans le domaine de la conciliation, dans un secteur régulé par des politiques publiques très actives, pour des litiges entre exploitants de salles de cinéma et distributeurs de films, avec une distribution sélective. Notre structure est toute petite : je travaille moi-même à temps très partiel, aidée par un cadre A et par un agent de catégorie C, tous deux à temps plein. Le Médiateur n'a pas de personnalité juridique et est rattaché budgétairement au Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC).

Mon rôle de médiation est concentré sur les litiges entre les exploitants et les distributeurs après saisine d'une des parties, de fédérations, du CNC ou auto-saisine. Il existe plusieurs milliers d'établissements de cinéma en France, une centaine de distributeurs et près de 400 films inédits sortent chaque année. La denrée rare, c'est la salle, non le film. La concurrence pour les salles est très forte entre distributeurs, dont certains sont très puissants, et entre exploitants, quelques-uns concentrant là aussi la majorité des entrées. Une typologie plus fine peut être réalisée, par exemple entre salles d'art et d'essai et multiplexes en périphérie de zone urbaine. Les litiges interviennent au moment du placement des films. Le Médiateur a un pouvoir d'injonction dont il use avec modération, sous le contrôle du Conseil d'État, mais qui est une vraie possibilité de sortir d'un litige après l'échec de la conciliation.

Le Médiateur peut aussi défricher un domaine qui fait l'objet de débats au sein de la profession, comme en 2014-2015 sur les conditions d'exploitation : nombre de semaines d'exploitation, nombre de séances qui sont de plus en plus difficiles à gérer avec la multiplication des sorties. Nous rappelons parfois des règles générales ou des bonnes pratiques qui s'appliquent au-delà du cas particulier, sous la forme de recommandations publiques. Nous intervenons sur l'organisation des avant-premières, des festivals, dont le développement peut poser des problèmes de concurrence, ou sur la diffusion de films de patrimoine. Récemment, nous avons traité de la vente liée, associant un ticket de cinéma et une boisson ou une confiserie, qui a donné lieu à de rudes débats.

Le deuxième volet de notre activité concerne la création ou l'extension des multiplexes sur un territoire, décidée par les commissions départementales d'aménagement commercial (CDAC). Les parties peuvent déposer un recours devant la commission nationale (CNAC). Le Médiateur examine tous les dossiers : s'il estime que l'intérêt général n'est pas respecté, il peut lui aussi déposer un recours contre la décision de la CDAC. Nous le faisons dans 10 % des cas environ. Le flux des demandes d'autorisation ne tarit pas alors que le pays est déjà très bien équipé. L'an dernier, sur 45 dossiers, 39 ont été autorisés. Les villes et communautés urbaines ont intérêt à réfléchir à l'aménagement cinématographique, mais il faut tenir compte de l'aspect économique. Nous expliquons aux élus l'importance de préserver la dynamique des établissements déjà implantés et la diversité des formes d'exploitation sur le territoire : centre-ville ou périphérie, cinéma d'art et essai ou multiplexe, animation autour du cinéma ou zone commerciale. Les engagements de programmation que peut prendre le créateur du multiplexe sont un outil utile, mais il faut éviter que les opérateurs ou les élus ne tombent sous le coup de la politique de concurrence : un accord entre concurrents est prohibé même si la mairie est signataire...

Notre troisième mission concerne les engagements de programmation. La loi impose aux gros exploitants, locaux ou nationaux, de prendre des engagements de programmation pour garantir l'intérêt général et la diversité des oeuvres proposées, afin notamment de limiter la diffusion de blockbusters sur un nombre excessif d'écrans au détriment d'autres films. Nous émettons un avis sur les décisions des exploitants que nous publions et transmettons à l'exploitant et au CNC qui est décisionnaire. Cet outil de régulation, bien connu de la profession, est insuffisamment utilisé ; il pourrait être renforcé.

Enfin, nous publions un rapport annuel, qui fait le point sur toutes ces questions.

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